Ce sont les intentions et les possibilités que l’on se réserve qui nous définissent bien plus qu’un complexe de traits de personnalité. L’identité est une étendue et elle a ses limites. A l’intérieur de cet espace, tout réagit, tout résonne. C’est être fidèle à soi-même que de se comporter selon un schéma qui existe déjà en nous.
Mais le contexte social bien plus que nos habitudes ou nos rites hérités nous incite à l’infidélité.
Être selon les circonstances
C’est ce que la société exige de nous. Nulle part, nous ne saurions montré la totalité de ce que nous sommes. Serions-nous alors une multitude aux personnalités changeantes ? Mais alors qu’en est-il de notre soi, de notre individualité ?
Selon notre ego, c’est-à-dire comment nous nous percevons alors que le soi serait ce que nous sommes vraiment, nous agissons et réagissons selon l’interprétation que nous faisons des événements, de ce qu’il nous arrive. Nos personnages ne sont pas différents en cela. Les traits de leurs personnalités sont déjà esquissés par exemple par les archétypes dont nous exagérons ou bien fragmentons ce qui les caractérise.
Mais une personnalité n’est pas une fonction. L’individualité d’un antagoniste par exemple ne se mesure pas à l’intensité de différents traits de personnalité. Il peut encore agir & réagir de manière surprenante. Nous-mêmes ne cessons de nous étonner de nos réactions.
Les récits jouent un rôle important dans la formation de notre compréhension du monde et influencent notre comportement. Ils présentent souvent des représentations de vies que nous pourrions apprécier et tenter d’imiter.
Une structure telle celle du Hero’s Journey de Joseph Campbell peut nous y aider. Cet archétype narratif suit le parcours d’un protagoniste qui fait face à des défis, surmonte des obstacles et finit par devenir un héros. Il met l’accent sur la bravoure, la résilience et le développement personnel.
L’idéal romantique s’articule souvent autour d’histoires d’amour passionnées, décrivant des relations idéales remplies d’émotions intenses, de dévotion et de gestes romantiques. Il peut façonner nos attentes et nos désirs en matière d’amour et de relations. D’autres récits se focalisent sur la vie de famille et soulignent l’importance de liens familiaux forts, de l’amour et du soutien. Ils mettent l’accent sur les joies et les défis de la parentalité, du mariage et de la construction d’un environnement familial épanouissant.
Il est important cependant de reconnaître que ces récits sont souvent des versions idéalisées et simplifiées de la réalité. S’ils peuvent être une source d’inspiration et d’orientation, il est essentiel de conserver une perspective équilibrée et de comprendre que la vie réelle est plus nuancée et plus diversifiée. Le parcours de chacun est unique et il est essentiel de créer son propre récit plutôt que de se contenter d’imiter les histoires présentées dans les médias et la culture populaire.
L’illusion du moi
En tant qu’individu, nous croyons posséder, c’est-à-dire avoir le contrôle sur nos propres qualités, caractéristiques & autres attributs. Nous avons la conviction que ces choses nous définissent. Cette affirmation est conforme à l’idée que les individus sont maîtres de leurs pensées, de leurs croyances, de leurs émotions et de leurs actions. Elle implique que les individus ont la capacité de façonner et de définir leur propre identité et d’exercer un contrôle sur les propriétés qui les rendent uniques, c’est-à-dire discernables, différents.
Mais sommes-nous vraiment ce tout que nous croyons être ? Nous cédons si facilement nos droits à autrui, nous nous aliénons avec une facilité que nous croyons utile que, de bon droit, on peut douter de notre maîtrise de soi.
Néanmoins, ce que l’on aperçoit de nous-mêmes à travers des personnages de fiction nous rappellent que chacun de nous est une entité différente avec des pouvoirs et des propriétés singulières, que nous avons une notion différente de ce qu’est le triomphe ou l’échec (la victoire par exemple peut nous exalter au-dessus du commun des mortels), que nous avons des obligations & des responsabilités qui limitent nos libertés, que nous avons aussi des aspirations et des relations à autrui particulières.
Mais observer autrui qu’il soit ou non de fiction peut changer la façon dont nous nous percevons nous-mêmes en tant qu’individu ou communauté. Il s’agit d’adopter des perspectives, des valeurs ou des attitudes nouvelles qui s’écartent des notions traditionnelles ou communément admises. L’imagination est la vie et par elle, nous forçons l’impossible dans le domaine du possible.
Au lieu d’être excessivement autocritique ou de porter des jugements négatifs sur soi-même, on peut adopter une orientation de compassion impliquant de se traiter avec bienveillance et compréhension. Cela signifie reconnaître nos imperfections (une nécessaire faille dans la personnalité d’un personnage), les accepter et être indulgent avec nous-mêmes en cas de difficulté ou d’échec.
Une autre orientation met l’accent sur la priorité accordée à la prise en charge de soi et au bien-être en tant qu’aspects essentiels d’une vie épanouie. Elle implique de reconnaître l’importance de la santé physique, mentale et émotionnelle et de s’engager activement dans des pratiques qui favorisent le bien-être personnel, telles que l’exercice, la pleine conscience et le maintien de limites saines.
Se tourner vers l’authenticité implique d’être fidèle à soi-même et d’embrasser son identité, ses valeurs et ses croyances singulières. Cela signifie qu’il faut rejeter les attentes de la société ou les pressions exercées pour se conformer, mais plutôt vivre en accord avec son vrai moi, s’exprimer avec authenticité et poursuivre des objectifs et des aspirations personnels qui résonnent avec ses valeurs fondamentales.
La proximité avec autrui, c’est reconnaître la nature interconnectée de l’humanité et du monde qui nous entoure. Elle implique de cultiver un sentiment d’unité et de compassion pour tous les êtres vivants, de reconnaître nos expériences et responsabilités communes et d’œuvrer pour le bien-être collectif et la pérennité.
Il existe de nombreuses autres façons de cultiver une orientation différente à l’égard de soi-même. En somme, il s’agit de réévaluer nos croyances, nos attitudes et nos comportements afin de favoriser une relation plus saine et plus épanouissante avec nous-mêmes et le monde qui nous entoure.
Qui fait quoi mais qui est qui
La fonction telle que protagoniste ou antagoniste ou Love Interest nous permet de comprendre les positions relatives de chaque personnage les uns par rapport aux autres. Dans la vraie vie, c’est à tour de rôle que l’on occupe ces positions ou états d’esprit.
Dès l’antiquité, une configuration semblable de personnages se retrouve de drame en drame. Et s’il est vrai que les personnages de la littérature, du cinéma ou d’autres formes de narration ne connaissent pas les mêmes crises d’identité que les individus réels, il n’est pas exact de dire qu’ils n’ont pas d’unité fondamentale derrière leur assemblage de traits. Les personnages, en particulier ceux qui sont bien développés, possèdent souvent un sens de l’identité et connaissent des parcours personnels qui façonnent leurs actions et leurs décisions au sein d’un récit. C’est-à-dire que même s’il présente une configuration semblable, ils sont différents.
Dans les récits, les personnages sont généralement dotés de motivations, de désirs et de croyances spécifiques qui contribuent à leur identité globale. Ils peuvent avoir des traits de personnalité, des valeurs ou des principes fondamentaux cohérents qui guident leur comportement tout au long de la narration. Ces éléments constituent la base de leurs actions et de leurs interactions avec les autres personnages. Si les personnages peuvent être complexes et multidimensionnels, leur identité reste souvent cohérente dans le contexte du récit. Même lorsqu’ils sont confrontés à des défis ou à des conflits internes, les personnages conservent une essence ou une unité sous-jacente qui façonne leurs choix et leurs réponses.
Leurs luttes peuvent découler de désirs ou de croyances contradictoires, mais ces conflits reflètent toujours des aspects de leur identité fondamentale. Ainsi nous sommes. Les crises d’identité, telles qu’elles sont vécues par des individus réels, impliquent souvent une profonde remise en question ou une incertitude quant à sa propre personne, ses valeurs ou son objectif.
Les personnages peuvent également être confrontés à des problèmes similaires au cours de leur histoire personnelle. Ils peuvent être confrontés à des dilemmes, à des choix moraux ou à des défis existentiels qui les obligent à remettre en question leurs croyances ou à faire face à des conflits internes. Ces moments d’introspection et de croissance contribuent au développement de leur identité et peuvent faire partie intégrante de l’évolution de leur personnage, c’est-à-dire de leur arc dramatique.
Le contexte social
Dans le drame antique, deux individus ayant le même caractère se comporteront différemment dans des sociétés différentes, non pas parce que leur personnalité changera au fil de leurs expériences (même si certains aspects deviendront dominants ou récessifs), mais simplement parce qu’une bonne adéquation entre la personnalité et la société peut conduire au bien-être et au bonheur, tandis qu’une mauvaise adéquation engendre la misère et le rejet.
C’est dans notre vie quotidienne que se jouent les drames perpétuels de notre identité. Parce que les personnages sont des personnes publiques, même leur vie privée peut avoir une forme universelle, une signification générale. Le personnage dramatique, dans ses grandes lignes, peut représenter pour tout le monde ce que l’on n’a considéré que plus tard comme la vie intérieure de certains ; il peut dépeindre le mythe, les conflits, les revirements et les découvertes de chaque personne et de chaque communauté.
Pour nous permettre de continuer nos recherches (que nous vous partageons), Merci de faire un don.