BLESSURE PSYCHOLOGIQUE

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La blessure psychologique est certainement l’un des outils dramatiques les plus fascinants à utiliser. Mais avant de pouvoir explorer cette question avec nos personnages, nous devons la comprendre nous-mêmes. Et comme nous avons tous été blessés d’une manière ou d’une autre – et ces lieux particuliers de notre âme sont toujours sensibles – il peut être inconfortable d’y regarder de trop près.
Le passé d’un personnage se nourrit de cette blessure ; un passé qui le motive et colore son monde dans le présent du récit. Cette blessure est ce qui le constitue actuellement et elle est si intimement tissée dans la personnalité du personnage qu’elle déforme la façon dont il perçoit le monde et se perçoit lui-même.

Nous avons connu, connaissons ou connaîtrons probablement des expériences traumatisantes. Elles sont différentes en chacun de nous ; nous les vivons de manière singulière et décident de nos comportements qui peuvent s’avérer étonnants parfois. Cependant, elles possèdent quelque chose d’universel parce qu’aucun d’entre nous n’y échappe.

L’intensité d’une blessure émotionnelle

Les blessures du cœur ou de l’âme, celles qui violent une partie fondamentale profonde, sont une cause mais ce sont les répercussions, les conséquences de cette blessure initiale qui créent le plus de cicatrices. Le blâme, le doute de soi, la honte étouffante sont autant de moyens de nous couper de notre moi profond.

L’indifférence, la trahison, le rejet, le mensonge sont autant d’éléments suffisamment douloureux, mais ils deviennent souvent la raison à travers laquelle nous nous voyons nous-mêmes. Nous acceptons ce rejet. Nous croyons à ce mensonge. Nous justifions la trahison par quelque chose de fondamentalement défectueux en nous plutôt que chez l’autre. Ou, pire encore, nous n’y voyons pas du tout une trahison, mais une simple preuve de nos défauts et que nous ne méritons pas d’être aimés.

Tout type d’abus – émotionnel, physique, sexuel – est souvent le point de départ d’un long voyage, tordu et déformé, qui nous éloigne de notre véritable personnalité. Et notre vision du monde prend forme autour des mauvaises informations que nous en avons déduites.
L’un des plus grands défis de l’autrice et de l’auteur est de savoir comment accrocher émotionnellement son lecteur et sa lectrice et créer un lien dès les premières pages sans devenir l’équivalent littéraire d’un étranger racontant les drames de sa vie sans même qu’on lui ait demandé.

L’écriture dramatique consiste à montrer ou à faire allusion aux contorsions et aux mécanismes de défense du personnage qui se sont développés autour de cette blessure profonde, c’est-à-dire confronter le superficiel et la profondeur.
En tant que lecteur/spectateur, nous sommes formés à la recherche d’indices et d’allusions, et nous repérons donc ces mécanismes de défense et sommes intrigués et voulons savoir pourquoi.

De quelle manière notre personnage s’inscrit-il dans le monde ? Comment expose t-il cette blessure au monde ? A quelle croyance erronée s’accroche t-il ? De quelle manière se dissocie-il des parties de lui-même qui effleurent cette blessure ? Quel mauvais génie lui fait insister que cette blessure l’a rendu fort et imperméable à toute nouvelle blessure ? Et pourquoi ce personnage y est-il si sensible ?
Les conditions dans lesquelles la blessure s’est installée sont importantes. Bien moins important n’est pas de définir un personnage apte d’emblée à cette atteinte. Aucun d’entre nous n’est prédestiné à subir un tel gauchissement de soi.

Le moment aussi importe. Pour qu’il appartienne au passé, l’événement traumatisant & structurant est subi tôt dans la vie, que ce soit dans l’enfance, l’adolescence ou au début de l’âge adulte, c’est-à-dire avant le début du récit (ce moment peut d’ailleurs être aussi un récit emboîté, un récit dans le récit).

Une quête de soi

Nous sommes souvent notre pire ennemi, c’est indéniable. De nombreux auteurs et autrices estiment que leur personnage est son propre antagoniste, et c’est probablement vrai. Notre désespoir d’éviter de reconnaître nos blessures, d’éviter de réveiller cette vieille douleur et nos croyances profondément ancrées sur la nature de cette douleur sont souvent une composante énorme de l’entrave à notre propre bonheur.

Il est difficile et effrayant de regarder aussi profondément à l’intérieur de soi et de réorienter notre vision du monde, même si cela nous libère en fin de compte. Il est effrayant d’être replongé dans la même impuissance et la même vulnérabilité qu’à ce moment-là. C’est pourquoi nous avons besoin de récits & de mythes pour nous montrer comment faire.

Certains des moments les plus transformateurs de notre personnage viendront du fait qu’il affronte ces blessures, qu’il se libère du poids qu’elles représentent et qu’il entame le processus de guérison. Les récits que nous écrivons ne portent pas sur les blessures, mais sur la façon dont nous pouvons les surmonter.

Nous avons besoin de récits qui nous montrent que le fait d’être blessé ou brisé ne diminue en rien l’humanité de notre personnage ou la nôtre. En fait, c’est ce qui nous rend profondément humains. Les meilleures histoires nous montrent que le fait d’avoir été blessé ne signifie pas que nous sommes inférieurs, que nous sommes irrémédiablement brisés ou que nous sommes indignes. Au contraire, elles mettent en lumière les différentes formes que peuvent prendre les blessures et les nombreux chemins de guérison qui s’offrent à nous, si seulement nous avons le courage de chercher en nous.

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