Il est clair que tout ce qui se situe sous la surface, sous l’apparence est du domaine privé. Il est nécessaire pour l’autrice et l’auteur de tenir compte qu’un être, quel qu’il soit, possède un recto et un verso, un avers et un revers et si l’on veut lui donner aussi quelque profondeur, il se compose aussi de côtés.
Pourtant, seule la surface, c’est-à-dire ce qui se présente à nous, est accessible. Mais en fiction, le lecteur et la lectrice exigent bien plus d’un personnage. Ce qui les retient dans le récit, c’est précisément ce qui est caché.
L’autrice et l’auteur ont devant eux les profondeurs de la psyché de leurs personnages et ils peuvent les sonder. Ils ne sont pas limités comme nous le sommes lors de nos rencontres avec d’autres dans la vraie vie.
Plus qu’une description physique
Caractériser un personnage vu de l’extérieur est soumis à notre jugement façonné d’après nos expériences, nos vécus, nos opinions forgées par nous-mêmes ou imposées sans que nous y résistions.
Cette espèce d’intuition est le premier pas vers la découverte d’un personnage. Ce qu’il dit & fait est aussi utile dans la perception d’un personnage. Les personnages bien développés, en revanche, ont une vie propre si riche qu’ils contrecarrent souvent les idées que l’autrice et l’auteur ont en tête ; une fois qu’ils sont devenus des personnes réelles et vivantes, ils agissent comme des personnes réelles et vivantes : de manière souvent capricieuse et imprévisible.
En gardant l’esprit ouvert et en restant fidèle à ce que l’autrice et l’auteur ont inventé de leurs personnages, ceux-ci leur diront comment une scène se déroulera. Donc, qui est un personnage ? Si quelqu’un naît avec une capacité innée (ou un handicap), cela peut être un facteur déterminant dans sa vie, qu’il passe cette vie à accepter ou à fuir ce trait de caractère, il sera toujours là. Un personnage qui possède un quotient intellectuel plus élevé que la moyenne ne percevra pas le monde de la même manière que l’individu lambda et occupera dans l’intrigue une place singulière comme peut-être l’esprit scientifique d’une petite communauté qui trouvera auprès de lui les explications dont elle a besoin (l’intrigue et le lecteur/spectateur aussi).
Que nous l’admettions ou non, la religion est un facteur déterminant dans notre société et peut être un facteur déterminant dans la constitution d’un individu. Si nécessaire, il est important de comprendre le rôle que joue la religion dans la vie d’un individu et dans sa relation aux autres. On confronte souvent science & religion mais le rationalisme peut être aussi chrétien par exemple.
Chacun a sa manière de connaître le monde et les personnages font de même. La spiritualité et les doutes d’un personnage dictent souvent sa conduite.
La question de l’identité
Qui sommes-nous vraiment ? Vivons-nous vraiment selon notre être ou sommes-nous cette mauvaise foi dont parle Sartre ? Ne sommes-nous vraiment qu’une apparence que nous renvoyons aux autres ?
La question de l’identité est le point de départ du changement. Pour s’accorder à ce qu’il est vraiment, un personnage changera. D’où la description de son monde ordinaire dès l’acte Un comme moyen de comparaison avec le nouveau monde d’une aventure dont il doit faire le choix de s’engager.
Choisir est certainement paralysant. La nocivité des habitudes dans lesquelles on s’est complaisamment installé ne facilite pas la prise de décision et nos peurs informulées refluent vers notre conscience. Le refus de l’aventure est la toute première attitude devant l’étonnement d’une rencontre qui nous propose d’aller à l’encontre de nous-mêmes.
Pour dépasser son angoisse existentielle, un personnage se fixe alors un but. Dorénavant, il a un désir comme jamais il n’en a connu. Il y a toujours un peu d’un Lester Burnham en chacun de nous.
Les croyances & convictions d’un personnage ont aussi leur importance dans sa destinée puisque notre esprit est enchaîné à ces opinions qu’elles soient d’ordre moral, politique ou religieux. Pour l’étude d’un personnage, il sera certainement intéressant d’investiguer sur les sources de ses croyances afin de connaître si les convictions qui le préoccupent sont de son fait même ou si celles-ci lui ont été imposées par son environnement familial, ou professionnel, ou sociétal ou si les certitudes d’un être sont le fruit d’un enseignement, d’une révélation ou le résultat de son vécu, de ses expériences.
On peut aussi s’interroger sur la résistance qu’oppose un personnage aux influences quelles qu’en soient les origines. Dans le même ordre d’idée, il sera bon de préciser l’estime que le personnage se porte à lui-même. Les circonstances de son passé ont peut-être fait de lui un être vulnérable comme un père par exemple n’ayant cessé de rabaisser son fils ou bien il a connu un traumatisme psychologique qui a implanté en lui un comportement inconscient lorsque dans son présent il lui semble revivre un événement similaire parce que le passé laisse souvent des impressions profondes et durables.
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Quand Socrate nous invite à nous connaître nous-mêmes (gnothi seauton), il nous pousse à une dangereuse plongée. Sommes nous sûrs de vouloir vraiment savoir qui nous sommes ? sommes-nous prêts à découvrir un monstre ? Ne préférons-nous pas l’image que nous nous sommes forgée avec l’aide des conventions sociales (bien-pensantes, bien sûr !). Personnellement j’hésite encore.
Lorsqu’il m’arrive parfois de réaliser mon imago personnelle & sociale, j’éprouve de l’étonnement aussitôt suivi d’une angoisse.