Il est aisé de dire que pour chaque action ou réaction, il y une réaction ou action opposées. Alors la fiction n’y échappe pas. Pour chaque protagoniste, il y a un antagoniste.
C’est une figure de style que de mettre en valeur les contradictions ou oppositions entre deux personnages ou ici, entre deux figures archétypales qui sont elles-mêmes des idées ou des concepts.
A quoi reconnaît-on un antagoniste ?
Il est l’incarnation des obstacles qui obstruent le chemin que doit suivre une héroïne ou un héros vers un triomphe personnel. L’antagoniste est multiforme : un être, un objet inanimé, une institution, un concept.. Tout a commencé avec la mythologie. Parmi les antagonistes les plus anciens, on peut reconnaître Humbaba, le géant de l’épopée de Gilgamesh ou dans le même récit, le taureau céleste.
Une intrigue ne peut se concevoir sans un méchant de l’histoire. En effet, celui-ci est le principal agent de l’évolution du personnage principal. Il participe directement ou indirectement de la transformation du protagoniste en un autre censé être meilleur.
Émotionnellement, intellectuellement ou spirituellement, la force antagoniste influence le personnage principal. Elle est une tentation fascinante. Sans cette tentation, le méchant de l’histoire serait prévisible.
S’il est un être, il sera intérieurement torturé ; s’il est un objet inanimé, il sera d’abord une menace qui dépasse en tous points nos propres facultés à le dominer ; s’il est une institution, elle écrasera de son poids le libre-arbitre du héros et de l’héroïne et s’il est une idée, celle-ci sera dévastatrice.
Sans cette dimension, la forme antagoniste est simplement esthétique ; elle plaît aux regards mais n’excite en nous aucune pensée qui nous ferait interroger notre propre condition humaine.
Ajouter une telle complexité à un personnage quelle que soit sa fonction dans le récit nous le fait admirer. Cette attirance est naturelle car par bien des aspects nous nous reconnaissons davantage dans l’enchevêtrement psychologique qui caractérise un antagoniste que dans les expériences que vit le protagoniste.
Alors que le protagoniste nous enseigne quelques vérités, l’antagoniste est une révélation, une illumination. Il y a une humanité qui se rappelle à nous dans l’antagoniste.
L’histoire personnelle de la force antagoniste
Manifestement nihiliste, l’antagoniste a des raisons de l’être. Sa rage folle et destructrice ne peut être posée comme principe. Il faut pouvoir l’expliquer. Ce sera dans le passé que des réponses seront trouvées.
Qu’est-ce qui motive un personnage à être ce qu’il est ? Il y a forcément un quelconque charisme à l’œuvre dans la présence d’un antagoniste. Le mystère qui entoure un antagoniste ajoute à l’effroi de sa présence. Quand il se dévoile en un long processus, notre fascination devient plus aiguë.
Tout comme le personnage principal, l’antagoniste mène un dure combat contre lui-même. Il doit surmonter l’épreuve de sa propre existence s’il espère survivre. Le personnage principal ne peut être le seul à posséder un arc dramatique.
Le méchant de l’histoire passe aussi par quelques étapes qui le mèneront au triomphe ou à sa perte.
La complexité d’un être ajoute toujours une profondeur psychologique aux thèmes convoqués dans le récit.
C’est ainsi qu’un antagoniste apparent se révèle être un allié. Dans le Terminator de 1984, le terminator est un être sans âme. Dans Terminator 2 : le jugement dernier, il a acquis une conscience et est doté d’une humanité. Il prend conscience de son importance dans la vie du protagoniste. Car tout comme nous, un être de fiction devrait s’étonner de se sentir exister.
La force antagoniste a cela de singulier, et c’est certainement ce qui la distingue de toutes les autres forces présentes dans un récit, qu’elle autorise le personnage principal à s’élever au-dessus de sa condition.
D’autres antagonismes
Parmi toutes les relations possibles au sein d’un récit, et qui souvent sont le siège de situations conflictuelles, les fonctions des êtres qui les composent peuvent être celles de protagoniste et d’antagoniste sans que le lecteur/spectateur en soit clairement informé, ni les personnages d’ailleurs.
L’antagonisme n’est pas nécessairement humain. Un handicap, par exemple, est une épreuve qu’il faut apprendre à surmonter ; accepter de vieillir en est une autre.
L’antagonisme est un moyen de l’acceptation de soi dans un monde qui, sans qu’il en est véritablement l’intention, a tendance à dissiper ce que nous sommes, c’est-à-dire non seulement notre âme mais aussi notre existence. C’est une question de survie face à la nature ou à la société.
Le désir d’appartenance devient un antagonisme lorsqu’il est une illusion.
L’héroïne et le héros peuvent être aussi des forces antagoniques. C’est eux-mêmes qui présentent une opposition pour les autres personnages.
Parfois, l’autrice et l’auteur peuvent refuser d’utiliser le moindre antagonisme dans leur récit. Ce peut être le cas d’une peinture sociale ou de dépeindre le quotidien d’un individu. Cette forme documentaire dénonce ou montre une réalité qu’une éventuelle cécité sur les faits protéiformes du monde nous empêche de voir ou d’entendre.
Ce qui est vu & dit est structuré comme un récit parce que toucher le cœur du lecteur/spectateur plutôt que de s’adresser à sa raison est un moyen plus sûr pour faire passer son message. Le fait ou l’événement appartient au monde, alors narrer la réalité sans qu’elle soit un quelconque antagonisme prend sens.
La connaissance a ceci de singulier qu’elle s’enseigne. C’est ce que nous tentons de faire ici à Scenar Mag. Merci pour vos dons qui nous autorisent à persévérer dans notre intention de partage de connaissances.
