Dire sa vérité est difficile. Relater des faits, des événements, c’est décrire exactement une réalité extérieure que celle-ci soit réelle ou l’œuvre d’une imagination. Un monde est tout ce qui arrive écrit Ludwig Wittgenstein.
L’autrice et l’auteur d’une fiction sont-ils vraiment concernés par les faits ? Ce discours qui est le leur n’est-il pas la recherche d’une parole vraie ?
Lectrice et lecteur veulent la vérité en fiction. Ils veulent être affectés durablement (donc profondément). Lorsqu’un personnage pleure dans une scène, quel que soit le genre du récit (horreur ou comédie par exemple), nous sommes touchés car il y a dans les larmes d’autrui une vérité qui rapproche et qui défait la distance d’une simple observation d’un fait.
Il faut penser le fait de manière à percevoir l’affect : la passion, l’angoisse, la joie ou la souffrance qu’il contient nécessairement.
Des impressions sensorielles
Des faits qu’ils décrivent, l’autrice et l’auteur jouent sur la perception qu’en font le lecteur et la lectrice. Une situation dramatique peut être foncièrement amusante si on ne se contente pas de rapporter les faits mais qu’on tire d’eux une vérité bien plus parlante comme Charlot dégustant sa bottine parce qu’il meurt de faim dans La ruée vers l’or.
Trouver la vérité peut être simplement logique. Lorsque Indiana Jones abat d’un coup de feu l’homme dangereux agitant un sabre, la violence de la situation n’est pas dissipée. La scène est conçue pour dire cette violence mais d’une manière subtile qui provoque le rire.
Montrer l’évidence ne fonctionne pas en fiction. Ce qui importe est d’instiller une émotion en nous. L’objection qui pourrait être faite est comment l’évidence peut mentir. Mais elle ne nous ment pas. Elle nous laisse indifférent si nous ne l’interprétons pas. Rire d’une situation dramatique, c’est en prendre pleinement conscience (comme dans l’expression il vaut mieux en rire).
L’honnêteté est localisée dans l’émotion. Nous avons en commun des passions. Le fait ne nous concerne pas. Pourtant, le travail qu’il opère en nous nous rapproche. Nous nous reconnaissons dans le détail d’un comportement humain. Un personnage dit publiquement notre intimité.
L’autrice et l’auteur n’ont pas à se sentir jugés lorsqu’ils décrivent des situations intimes car ils n’ont pas à craindre autrui en se dévoilant ainsi puisque autrui se reconnaît dans ces situations. La vérité sera toujours plus triste, plus heureuse, plus drôle, plus effrayante et plus profonde que le meilleur des mensonges.
Plus important encore, le lecteur/spectateur ne la voit jamais, mais il la ressent.
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