Il est rare d’être vraiment tout seul. Même isolé, il existe un réseau de relations. On ne les connaît pas toutes. Cependant, l’autrice et l’auteur du récit se doivent de dresser très tôt la carte des relations qui existent entre les personnages.
Chacune de ces relations servira un but précis dans le récit.
Des êtres à part entière
Chaque personnage, quel que soit son temps de présence dans le récit, devrait être soigneusement pensé. Car chaque personnage est un être qui espère, qui rêve, qui craint et qui respecte et qui essaie de justifier ou de donner un sens à son existence en se fixant des objectifs dans sa propre vie.
Nous avons donc un personnage principal et autour de lui gravitent des individus. Souvent, nous connaissons assez bien notre héros ou notre héroïne mais négligeons parfois ceux qui les côtoient qui ont pourtant eux aussi leurs propres histoires personnelles.
Un récit consiste en des fragments de vie qu’on décrit. Néanmoins, concernant les personnages secondaires, il est bon de les aborder sous l’aspect de leur relation au personnage principal. Ce sera une relation souvent conflictuelle, c’est-à-dire que la motivation de ces personnages secondaires s’opposera à celle du personnage principal.
Une interview possible
Avez-vous besoin d’un mentor et si c’est le cas, quelle est sa propre histoire ?
Un mentor peut être n’importe quel personnage tant qu’il possède une aptitude ou un savoir qu’il est prêt à transmettre. Le concept de transmission est essentiel à la définition d’un tel personnage. Il peut y avoir plusieurs mentors dans un récit lorsque les informations sont de natures différentes car il ne serait pas vraisemblable qu’un personnage soit à ce point omniscient car le mystère a autant sa place dans un récit que dans la vraie vie.
Dans les mythes, le mentor est souvent un personnage appelé à mourir parce que l’ultime confrontation de l’héroïne ou du héros contre la force antagoniste est une affaire personnelle qu’ils doivent résoudre par eux-mêmes. Mais le mentor peut survivre après que sa mission de formation soit accomplie.
Joseph Campbell insiste sur cette rencontre entre le héros ou l’héroïne et cette aide surnaturelle qui offre au héros une amulette comme protection dans le monde nouveau pour lui qu’il s’apprête à pénétrer. Ce peut être une simple parole qui provoque une réflexion intense chez le personnage principal ou encore une opportunité qu’il lui offre mais le héros hésitera à saisir cette occasion car il n’est pas encore tout à fait prêt à l’accepter.
Le mentor n’est pas nécessairement un être parfait. Il peut être amoral car la fonction ne fait pas l’être. D’ailleurs, il pourrait vouloir enseigner l’héroïne ou le héros et répondre en cela à sa présence dans le récit en tant que mentor, mais l’enseignement prodigué ne bénéficie pas au personnage qui apprend. Et cela pourrait être volontaire ou non ou bien plus subtil comme l’est Hannibal Lecter du Silence des agneaux.
Un mentor peut littéralement absorber l’âme d’un personnage lorsque celui-ci est fragilisé par quelques circonstances extérieures. Le gourou d’une secte par exemple est un maître spirituel dont l’enseignement peut mener à la perte de soi.
Si le récit exige un quelconque mentorat, il est important de bien penser si celui-ci sera bénéfique ou non. Joseph Campbell décrit le mentor comme un vieil homme ou une vieille femme parce que les mythes signifient que la sagesse est le résultat d’expériences ou d’un vécu nécessairement soumis à l’épreuve du temps.
Dans un récit moderne, l’âge n’intervient plus comme Mathilda dans Leon. Voilà un exemple où le récit dans le récit (celui du mentor) incarne la fonction de mentorat car bien que cette matière dramatique ne participe pas à l’intrigue (c’est-à-dire à ce qu’il se passe dans le récit principal, les événements de celui-ci), cette relation entre Léon et Mathilda, cette influence de Mathilda sur Léon nous fascine et nous retient émotionnellement dans ce que l’on nous conte.
Ce n’est pas une fonction que l’on incarne mais un être dans toute sa complexité. Le mentor offre une opportunité au personnage principal ; il lui montre une voie à suivre ; il lui tient un discours qui l’incite à se remettre en cause par un retour sur lui-même, lui-même qu’il a depuis trop longtemps perdu de vue.
Ce que doivent faire maintenant l’héroïne ou le héros est de croire en eux-mêmes. C’est ainsi que commence l’arc dramatique, c’est-à-dire leur propre évolution au cours du récit. Car lors du premier acte, on nous expose le monde d’autrefois, celui dont l’héroïne et le héros doivent se départir. La rencontre avec le mentor est la clef qui ouvre un nouveau monde.
On peut comprendre néanmoins le scepticisme du personnage principal face à une proposition qui ébranle ses habitudes, ses préjugés, ses convictions, c’est-à-dire qui remet en question l’impression de confort qu’il tirait d’une vie fondée sur une illusion. Nul doute que ses hésitations font sens.
Le concept du mentor est universel parce que sa parole atteint non seulement l’héroïne et le héros mais aussi nous-mêmes. A travers le mentor, c’est la parole de l’autrice et de l’auteur qui s’immisce en nous. Nous nous reconnaissons quand le mentor dit, par exemple, que notre esprit est limité par notre éducation, par ce que la société attend de nous, par la conformité à laquelle nous avons cédé..
Avez-vous besoin d’un Love Interest et quelle est sa propre histoire ?
Je vous renvoie à cet article PERSONNAGE : LE LOVE INTEREST
Qui est le meilleur ami de votre personnage principal ?
Le meilleur ami peut aider le personnage principal dans les moments où il doute le plus. Pour lui donner cependant plus d’épaisseur, il peut être bon de le considérer sous l’influence qu’il opère sur le personnage principal. Sa fonction auprès du protagoniste peut être aussi importante que la présence d’une force antagoniste.
Considéré comme Influence Character selon la terminologie de Dramatica, ce personnage est un être qui non seulement influence les autres personnages mais aussi l’intrigue et le thème.
La raison d’être d’un tel personnage est l’écoute que lui donne le personnage principal. C’est ainsi qu’il se présente facilement sous les traits du meilleur ami. Le plus souvent, son influence aide le personnage principal à affronter ses défauts, ses faiblesses et ses croyances erronées ; il lui offre bien plus qu’une épaule consolante ; il l’aide à s’affermir comme un être à part entière.
Posons que la femme du personnage principal soit son Influence Character. Elle voudrait que le personnage principal comprenne que ce qui donne du sens à l’existence est l’amour, celui qu’on donne aux siens et celui que ceux-ci retournent, et non l’ambition quelque soit la forme que prend celle-ci.
Ici, le héros comprendra son erreur (c’est-à-dire qu’il complétera son arc dramatique) lorsque sa femme le quittera. Peut-être reviendra t-elle ou non, cela le dénouement ne le dit pas et il n’a d’ailleurs aucune justification en ce sens car ce qui compte est que le personnage principal change sa relation aux autres ; c’est cela le message de l’autrice ou de l’auteur. Notez que la femme ici est vue comme la meilleure amie et non le love interest.
La relation qui unit le personnage principal et son Influence Character est passionnante à suivre car elle met en jeu des points de vue subjectifs. Le récit est une série d’événements que nous observons d’en-haut : il se passe ceci puis cela puis encore cela.. Ce serait comme le regard impartial ou froid d’un historien.
La particularité de la fiction est qu’elle nous fait pénétrer cette réalité extérieure. Avec le personnage principal, nous ne survolons plus ce qu’il se passe, nous le vivons de l’intérieur. Au-delà de l’action, c’est à une réalité intérieure à laquelle nous sommes conviés et celle-ci se joue et s’interprète par nous, lecteur/spectateur, qui suivons l’évolution à la fois du personnage principal, de son Influence Character et de la relation qui les unit.
La participation de l’Influence Character à l’intrigue
Le personnage principal et son Influence Character seront sur la même ligne d’action car bien que possédant des personnalités différentes (leur attirance mutuelle n’est ni liée à des traits physiques, ni à des aspects psychologiques qu’ils auraient en commun), ils poursuivent tous deux le même but (peut-être même avec des motivations différentes). Dans X-Files, Mulder cherche une réponse dans le paranormal et Scully dans la science par exemple.
Ainsi, la fonction n’intervient pas dans cette relation : l’antagoniste pourrait même incarner cet Influence Character si son action participe de l’évolution personnelle du personnage principal.
La relation se fonde sur une situation conflictuelle qui peut mettre en péril l’objectif, fragiliser la relation jusqu’à la séparation ou favoriser chez le personnage principal un questionnement douloureux par la prise de conscience de sa propre situation, une espèce de névrose qui implique une exploration de soi afin d’en être libéré et d’évoluer d’un état psychologique négatif vers des valeurs positives par un éclatement des limites imposées par une action imprégnée d’autrefois. Par exemple, un dépit amoureux (le passé) peut mener la personne à se fermer (l’action) à toute nouvelle rencontre.
L’Influence Character est aussi une occasion pour l’autrice et l’auteur de mettre en avant une question thématique. Le thème est un questionnement personnel pour eux. Par exemple, ils peuvent interroger les croyances, et demander si celles-ci ont encore une légitimité face aux progrès incessants de la science. Ils peuvent aussi argumenter si les contraintes de la démocratie ne sont pas les conditions de la désagrégation d’une société quelle qu’elle soit.
Le thème est une discussion, un argument qui oppose deux points de vue : celui du personnage principal et celui de l’Influence Character répondront à cette exigence du récit. Le thème joue sur l’évolution personnelle de l’Influence Character (indépendante de l’évolution du personnage principal et de la relation qui unit celui-ci à l’Influence Character).
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