L’intrigue est différente de la structure. Toutes deux participent au récit, établissent les relations entre les entités présentes dans le récit ou dans l’histoire elle-même du récit (ce qu’il s’est passé avant le récit actuel et que les personnages peuvent évoquer par les dialogues : un récit dans le récit ; néanmoins, l’analepse est plutôt désignée pour expliquer l’histoire personnelle d’un personnage qui ne raconte pas lui-même ce qu’il lui est arrivé et qui est dans ce cas un récit dans le récit ; cette analepse apparaît dans le récit actuel qu’elle interrompt comme une réminiscence parfois onirique d’un indice ou d’un détail qui se posent comme énigmes), l’intrigue & la structure sont toutes deux des dynamiques d’un processus qui mènent le récit vers une nécessaire acmé.
Alors quelle différence entre intrigue & structure ?
La structure est le moyen qui rend intelligible l’intrigue. La lectrice et le lecteur ne l’aperçoivent pas, tous passionnés qu’ils sont par l’action ; pourtant la structure est concrète. Elle est cachée par l’action, c’est-à-dire par les événements, par les faits ; bien qu’invisible, elle se constitue néanmoins de principes qui aident à organiser le récit, à distribuer l’information à travers le récit de façon qu’il fasse sens.
La structure délimite les conditions de l’expression de votre matériel dramatique : l’action, les conflits, les personnages, l’exposition, les thèmes convoqués ainsi que les formes employées pour dire ce que vous avez à dire (si vous souhaitez parler d’égoïsme & d’altruisme par exemple – qui sont des questions thématiques, vous vous servirez d’illustrations particulières dont on peut conclure ces notions abstraites).
Ce qu’on voit & entend n’est souvent qu’une illusion : il y a une vérité derrière les apparences. La structure construit le contexte de l’interaction entre les éléments dramatiques. Considérons le passé d’un personnage. Lorsqu’il intervient dans le présent, c’est que les conditions de sa survenance ont été réunies. Un amour perdu depuis cinq ans par exemple et qui resurgit dans la vie d’un personnage souligne par quelques détails la souffrance du manque mais l’autre a vécu pendant ce temps, fait de nouvelles expériences, de nouvelles rencontres et peut-être un nouvel amour.
Selon le message à faire passer, soit l’absence sera vaincue et le besoin de l’autre reconnu ; soit l’autre ne peut demeurer qu’un souvenir. Ce message est de la responsabilité de l’autrice et de l’auteur qui créent alors un contexte pour que la parole soit entendue et comprise. Le contexte crée les liens qui expliquent les choses comme celui de la causalité par exemple. Telle conséquence est possible parce qu’il y a a priori une cause.
Mettre en place l’intrigue
L’intrigue consiste à tisser les événements pour que le matériel dramatique soit explicite. Admettons que vous ayez planifié ces événements. Maintenant, il faut qu’ils deviennent un projet cohérent. Lorsque vous concevez votre intrigue, vous transformez les considérations structurelles liées au conflit et à la signification en moments qui décrivent l’exposition, créent du suspense, révèlent le personnage et ses émotions pour ancrer davantage la participation de la lectrice et du lecteur à l’œuvre.
Vous recherchez des actions spécifiques qui nous disent comment un personnage agit et réagit (intellectuellement et émotionnellement) puis vous construisez des scènes différentes selon leur pertinence dans le récit : elles peuvent anticiper sur ce qu’il peut se passer ensuite ; elles peuvent servir à éclairer la personnalité d’un personnage ; ou exposer un aspect du monde qui justifie telle ou telle action ou met en place les circonstances nécessaires pour que l’action soit possible.
La fiction se différencie de la réalité car la chaîne des événements qu’elle décrit est logique. L’autrice et l’auteur d’une fiction ne sont pas comme l’historien qui parfois donne un tour dramatique à un événement historique. Il leur faut conférer aux événements fictifs une justification en les liant comme une émotion en entraînerait une autre.
Pour intéresser le lecteur/spectateur à une scène, surprenez-le. Prenons comme exemple le reniement de Pierre. Lorsqu’il se mêle à foule pour suivre l’arrestation de Jésus, il est reconnu. Et que dit-il ? Qu’il ne connaît pas Jésus.
Le lecteur/spectateur est surpris par une telle réaction (ce qu’il sait de Pierre ne lui permet pas d’anticiper sa décision) et l’effet de surprise qui envahit le lecteur concentre son attention sur la scène. Souvent les émotions & les passions des personnages sont l’instrument qui lie les scènes entre elles. Ne vous contentez pas de décrire l’événement comme vu d’en-haut. Au contraire, placez-vous dans le point de vue d’un personnage, un point de vue forcément subjectif.
Le plan
Ce qui inspire une œuvre de fiction peut être un lieu ou un contexte (politique, historique..) ; une situation intrigante (une princesse tombe amoureuse d’un manant..) ; une parole (Celui qui lutte contre les monstres doit veiller à ne pas le devenir lui-même) ou même un titre possible de l’œuvre même provisoire.
Au fur et à mesure que le développement progresse, ce point de départ fonctionne comme le grain de sable qui devient finalement une perle. Si vous savez déjà ce dont vous voulez parler, posez-le en quelques paragraphes. Si ce n’est pas le cas, énoncez simplement quelques-uns des concepts qui vous ont donné envie d’écrire cette aventure à venir. Ce sont vos idées qui inspireront votre imagination créatrice, l’idéation (l’enchaînement des idées) et vos pensées. Les concepts projettent ce qui est intuitif vers l’extérieur (c’est-à-dire concrètement).
Les concepts sont affaire d’interprétations individuelles. Ce sont l’autrice et l’auteur qui décident de la signification qu’ils veulent donner à tel ou tel concept. Bien sûr que les concepts sont abstraits et obscurs mais les idées stimulent l’imagination à les rendre concrètes.
Puisque rien ne peut être figé car la durée recouvre tout, vous reviendrez vers ces concepts afin de les compléter ou de les réviser.
Les personnages et les relations conflictuelles sont l’essence du drame. Une structure peut paraître limiter l’étendue de notre créativité mais le personnage est quelque chose de vivant. Il influence l’intrigue et explique le ou les thèmes convoqués dans le récit.
Tous les personnages n’ont pas la même intensité dans un récit. L’énergie que vous leur donnerez couplée à l’intensité (c’est-à-dire leur autorité davantage que leur légitimité dans le récit) leur confère une force. Lorsque cette force s’accompagne d’un mouvement, vous créez une dynamique, un processus, une évolution.
Ainsi n’importe quel personnage peut avoir un impact sur le cours du récit. Encore faut-il que vous jetiez sur le papier quelques traits de caractère qui permettront plus tard de différencier les personnages et de donner alors une légitimation à leur présence en évitant la redondance.
L’intrigue est l’acte Deux. Elle se constitue d’événements, de faits. L’intrigue décrit l’univers de l’œuvre, elle l’explique même de manière simple ou complexe. Le récit se compose d’une intrigue principale mais celle-ci peut être si compliquée qu’elle s’accompagne parfois d’intrigues secondaires. Les intrigues courent alors en parallèle, elles sont des lignes dramatiques qui ne se croisent pas mais elles permettent un contraste, c’est-à-dire une comparaison et de cette comparaison, la lectrice et le lecteur peuvent concevoir ce que l’auteur et l’autrice cherchent à leur dire.
Un personnage qui vit dans la jungle, lorsqu’il visite une grande cité pour la première fois ne peut être qu’étonné. Cet étonnement qui exerce une véritable fascination sur lui s’accomplit à travers le rapprochement de deux idées (ici le concept urbain s’oppose à celui de rural) ce qui crée un argument que le récit tout entier défend sous cette relation de contraste portée au jugement du lecteur/spectateur. Pratiquement, lorsque l’intrigue principale semble s’enliser, cela peut être l’indice qu’une intrigue secondaire doit prendre le relais. Néanmoins, l’intrigue principale est ce qui doit d’abord préoccuper l’esprit de l’auteur et de l’autrice.
Le plan de l’intrigue principale consiste en événements majeurs seulement. A ce moment du développement, détailler ces faits majeurs mène à la confusion.
Le thème
Habituellement, le ou les thèmes découlent de nos imperfections. Nous sommes humains après tout. Pour prouver son point de vue, un argument thématique doit être avancé au cours du récit pour démontrer que le résultat indiqué est inévitable si l’on ne se débarrasse pas d’un attribut négatif.
Ici encore, un débat a lieu par comparaison entre deux qualités : l’une est positive et l’autre négative. Inversement, une prémisse peut tout aussi bien chercher à prouver qu’un bon trait de caractère mène à un résultat favorable, comme la compassion mène au vrai bonheur, par exemple. Des thèmes plus complexes peuvent même proposer que la compassion mène à l’autodestruction, ou que l’avarice mène au vrai bonheur, créant ainsi des sentiments mitigés chez le lecteur/spectateur.
Bien entendu, tout cela est tempéré par la manière dont le matériel dramatique est illustré : sous la forme d’une comédie ou d’un drame, par exemple. Explorer une question thématique consiste à examiner un trait positif ou négatif dans quelques manifestations (c’est-à-dire concrètement, dans les faits) de sorte que le lecteur/spectateur arrive finalement à une évaluation globale de ce trait, quelque part sur l’échelle du favorable au défavorable. Par exemple, une autrice ou un auteur peuvent montrer que l’inhumanité de l’homme envers l’homme est un mal inhérent. D’autres peuvent avancer que l’inhumanité de l’homme envers l’homme est un mal nécessaire qui permet le progrès de l’espèce.
Un autre encore pourrait proposer que l’inhumanité de l’homme envers l’homme est une bonne chose parce que ce n’est que par la violence physique et émotionnelle que l’esprit humain est vraiment vivant.
Quelque soit l’effet produit sur la lectrice ou le lecteur, un récit gagne en profondeur et en puissance lorsque la question thématique est sérieusement abordée. Il est donc important de bien penser le thème au cœur du récit et d’assumer dès le début le ressenti qui en sera éprouvé par le lecteur/spectateur.
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