Dans tous les récits, il existe des personnages (en effet, il n’y a pas que le protagoniste) qui possèdent un objectif sur le long terme. Quant au récit lui-même composé de faits ou d’événements, il implique dans chacune des scènes qui constitue ces faits ou événements une espèce d’objectif local qui participe plus ou moins à l’objectif sur le long terme de chaque personnage.
Le long terme
Un personnage est un être qui désire. L’élaboration de cette soif singulière et de sa représentation dans l’esprit d’un personnage est un défi pour l’autrice et l’auteur de ce personnage. Défi d’autant plus important que cet objectif sur le long terme est le moteur de l’intrigue.
C’est pourquoi lorsque cet objectif manque parce que l’autrice et l’auteur n’y portent pas un intérêt particulier, il faut néanmoins créer ce que Alfred Hitchcock nommait un McGuffin, c’est-à-dire un quelconque prétexte pour qu’il y ait effectivement une intrigue.
L’objectif à long terme pose la question dramatique : le héros ou l’héroïne réussiront-ils ou non ? Cette question permet à l’autrice et à l’auteur de ne pas digresser et de rester concentrés sur la véritable valeur de cette écriture singulière qu’est un récit : l’évolution des personnages.
La lectrice et le lecteur sont attirés dans le récit par ce changement qui s’opère en interne chez un personnage et qui est soutenu par l’objectif à long terme sur lequel s’arc-boute le personnage. L’objectif à long terme est l’instrument du changement.
Et cet outil n’est peut-être pas l’objet le plus adéquat. Il arrive souvent que l’objectif change dans le cours de l’intrigue afin de s’adapter aux nouvelles circonstances. Par exemple, le personnage principal décide de rejoindre sa sœur qui est tombée malade dans un pays lointain. Il s’engage alors dans une espèce de road-movie. Parvenu dans ce nouveau lieu, il s’aperçoit que cet objectif n’est pas tant d’être auprès de sa sœur mais plutôt de retrouver son fils dont il n’a plus de nouvelles depuis longtemps (après une douloureuse dispute par exemple) et dont sa sœur lui a signalé la présence à proximité. Le héros se fixe alors son véritable objectif : redevenir le père qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Ce qui implique qu’il doit d’abord changer et accepter le monde tel que son fils le voit.
L’acte Un se clôt sur une décision. Il en découle un objectif qui peut être maintenu jusqu’au dénouement. Néanmoins, ce choix peut aussi être une erreur de jugement. Lorsque le personnage principal se replie sur lui-même après les quelques expériences de l’intrigue, il peut alors prendre conscience qu’il se trompait, qu’il se mentait encore à lui-même et ouvrir les yeux sur sa véritable destinée qu’il ne peut accomplir si quelque chose ne s’ouvre pas d’abord en lui-même.
Ce qui a toujours été
L’âme du récit est le changement. Mais un personnage ne devient pas totalement autre au point de le rendre méconnaissable. Devenir autre, c’est s’accepter tel que l’on est et ce que l’on est, on le possède déjà en soi.
Il est alors possible qu’au point médian du récit (c’est-à-dire un moment qui scinde le récit en deux et l’oriente dans une nouvelle direction), le personnage élabore une nouvelle stratégie.
Quels que soient les nouveaux moyens d’action envisagés, ils rencontreront nécessairement une opposition. Car sans conflit, il ne peut y avoir de drame. Le drame fournit de la tension dramatique, du suspense et de la curiosité.
Ainsi, l’objectif s’accompagne à la fois d’un prix à payer, d’un sacrifice mais aussi en cas d’échec, d’une perte. Déterminer un conflit, c’est mettre un enjeu au cœur de la situation conflictuelle. Cet enjeu sera quelque chose de grand, c’est-à-dire qu’il recouvre de son importance toutes les actions et toutes les décisions des personnages.
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