Un personnage, c’est d’abord un être qui porte un regard erroné sur lui-même. Puisque ce personnage est appelé à devenir autre au cours du récit, il est important d’illustrer tôt dans le récit comment le personnage se ment à lui-même afin que lectrice et lecteur puissent percevoir le changement qui s’opère chez ce personnage.
Lorsque le comment est établi, il est important pour le lecteur/spectateur de comprendre pourquoi cet état d’esprit particulier du personnage est-il seulement possible. L’autrice et l’auteur d’un tel personnage explorent alors le passé de celui-ci.
Le pouvoir du passé
Afin de comprendre un personnage, de l’écrire au demeurant, la puissance du passé sur son caractère actuel sera considérée. Quelque chose hante le personnage et devra être dit tôt ou tard pour que s’éclaire son comportement.
Souvent, le personnage explique lui-même par la parole ce par quoi il est passé et qui a façonné ce qu’il est devenu. Ce que le personnage décrit, c’est l’expérience qu’il a vécue. Le caractère dionysiaque d’un personnage est un concept. En revanche, si le personnage décrit la souffrance de sa mère qui s’est sacrifiée pour lui, on peut comprendre pourquoi il semble ainsi brûler la vie par les deux bouts comme un mécanisme de défense contre sa propre culpabilité sans douter de la pertinence de celle-ci.
Le passé n’existe plus mais il a laissé des marques bien visibles ; le passé se montre comme les empreintes qu’auraient laissé des images. Un personnage est ce qu’il est car il a vécu des choses et maintenant, il doit les dépasser dans une quête de son propre bonheur. Ainsi se soulève la question dramatique de savoir s’il réussira ou non.
Pour que cette question se fasse jour, il faut que l’identité du personnage toute construite autour de ses croyances soit problématique. Si un personnage n’a pas de souci avec lui-même, il ne sera pas dramatique.
Cependant, comme dans la vie réelle, le personnage ne peut de lui-même trouver un remède à un problème dont il n’a parfois même pas conscience. Une incitation à changer viendra de l’extérieur. Elle peut être le fait de l’antagoniste ou d’un allié qui par leur action provoquent chez le personnage une interrogation sur lui-même, qui le contraignent à faire face à son conflit personnel.
L’intime s’invite dans le monde
Un personnage pourrait ne pas éprouver le besoin de changer. Ce qu’il détient comme sa propre vérité lui suffit pour les tâches auxquelles il se consacre.
C’est souvent le méchant de l’histoire qui est ainsi fait. Ce qu’il voit est un autre personnage qui ébranle ses convictions (sciemment ou non) et d’une manière tout à fait naturelle, il agit & réagit pour préserver ce qui est déjà.
C’est sous une perspective morale qu’on le qualifie de méchant. L’esprit humain est prompt à classer pour trouver du sens et se rassurer.
Le personnage principal pourrait être ainsi : il demeure sur ce en quoi il croit. Dans ce cas, il devient un modèle pour autrui. Les autres personnages qui l’approchent sont influencés par lui. Il éveille en eux une remise en question de leurs propres valeurs.
L’autrice et l’auteur pourrait aussi vouloir faire de leur personnage principal un être dont le désir est si puissant que le besoin est négligé. Car le mensonge qu’il se fait à lui-même lui donne du plaisir. Ses décisions fondées sur une vue erronée du monde ou de lui-même s’avèrent dans la pratique bonnes. Un personnage pourrait tuer l’autre qui est un obstacle si cela lui ouvre la voie vers la richesse qui est son objectif.
Un personnage qui ne change pas peut mettre ainsi ses convictions au service des autres (vouloir la liberté pour tous par exemple) ou bien favoriser son propre intérêt lorsque son éthique jugée mauvaise par les autres lui permet cependant de réussir.
Son influence sur les autres sera néanmoins au cœur du récit. Le drame se constitue de situations conflictuelles et celles-ci engendrent un changement quel que soit le lieu où ce qui change se situe.
Vos dons nous permettent de continuer à vos côtés. Merci