Poursuivons l’étude de la prémisse commencée dans l’article précédent : Un homme rêve qu’il commet un meurtre et commence à se demander si ce n’est vraiment qu’un rêve.
J’ai changé homme par femme et me demandait ce que pourrait vouloir cette femme et conséquemment qui elle était car il me semble que volonté et personnalité sont étroitement liés. Naturellement il vient à l’esprit des références : on se remémore ce qu’on a lu, ce qu’on a vu ou entendu ; des personnes réelles ou inventées par d’autres auteurs et autrices se profilent dans notre esprit.
Posons que c’est une femme de pouvoir qui possède une autorité reconnue par la plupart mais qui suscite la jalousie. La prémisse ne mentionne pas explicitement une opposition mais suggère qu’elle existe puisque dans l’acte de tuer, une victime est implicite.
Admettons que cette victime soit l’antagoniste. Notre héroïne rêve qu’elle tue cet antagoniste. Son quotidien est alors bouleversé dès l’apparition de ce rêve que notre héroïne ne comprend pas et ce qu’elle veut dorénavant est de remonter les événements qu’elle a inconsciemment refoulés.
Mais pourquoi ne peut-elle l’avoir ?
La force antagoniste se manifeste dans les rêves. A partir de ce moment, l’héroïne se sentira menacée. Elle pourrait avoir le sentiment qu’elle est constamment suivie. Cette angoisse contrarie son désir de connaître la vérité.
Un personnage principal agit. Notre héroïne suit les indices que lui a laissé le rêve mais son action est entravée par la confusion entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Et cette perte de repères ne fait que s’aggraver.
L’antagonisme
Lorsque les rudiments d’un personnage principal sont posés, ils continueront à se développer en examinant la relation qu’entretient notre personnage principal avec sa force antagoniste. Notre héroïne est une femme d’une quarantaine d’années qui a réussi dans sa carrière et qui a aussi une vie de famille.
Le meurtre dont elle rêve est celui de son mari, le même qu’elle côtoie au quotidien. Dans sa quête incessante de comprendre la nature de ce rêve étrange, elle en vient à concevoir l’idée que cet homme qui prétend être son mari n’est peut-être qu’un étranger.
C’est cette prise de conscience qui lance l’intrigue. Les jalousies que suscite sa réussite sociale sont l’objet d’une intrigue secondaire. La mise en place de l’acte Un nous montre que notre héroïne n’est pas une mauvaise personne qui mérite ce qu’il lui arrive. Au contraire, nous recevrons l’impression de ce que le phénomène du rêve a de perturbant sur elle.
C’est par ce moyen que nous créerons une liaison entre notre personnage et le lecteur/spectateur. Celui-ci comprend que cette femme est dans le déni. Les différents thèmes (le rêve, le déni, la jalousie) seront configurés de manière à aboutir à un dénouement.
Le dénouement donne la réponse au problème : a t-elle vraiment commis ce meurtre ou bien est-elle folle ? A ce moment de la réflexion, il semble que nous nous orientons vers un thriller psychologique bien que rien ne soit déjà fixé.
Il peut être intéressant de faire intervenir dans la structure l’effet Rashōmon qui consiste à décrire un événement selon le point de vue de différents personnages impliqués dans l’événement. Le rêve d’une part et le regard du mari qui contredit la version de sa femme. En effet, celle-ci lui a fait part de ce rêve étrange et de son inquiétude.
Une autre relation servira aussi à l’intrigue. Ce sera celle de la meilleure amie de notre héroïne. Notre héroïne lui fait totalement confiance, il s’avérera néanmoins que cette meilleure amie est aussi la maîtresse de son mari. Au fur et à mesure que cette vérité se fait jour, à la fois pour le personnage principal et pour nous, nous serons amenés à soupçonner un complot entre le mari et sa maîtresse contre l’héroïne.
La meilleure amie éprouvera néanmoins de la culpabilité envers l’héroïne. Et comme la relation change, la meilleure amie tente de renouer une relation sincère avec l’héroïne, une relation qui lui apporte bien plus que son amant.
Un jugement
De tels exercices sur des prémisses choisies au hasard ont pour objet de travailler nos esprits. Un esprit qui, face à des êtres fictifs ou réels, ne laisse pas de juger. Nous avons une femme qui a commis un meurtre, qui a refoulé ce meurtre et qui cherche à démêler la vérité des illusions (à travers les rêves mais aussi les fantasmes qui se saisissent d’elle lors des moments de veille).
On peut vouloir le meilleur pour son personnage principal. Dans ce cas, la victime nous sera présentée comme un être détestable. Pourtant, la justice ne peut être négligée. Cette institution sera d’ailleurs représentée par un personnage. Peut-être par un psychologue qui fait partie du cercle des connaissances de notre héroïne et qui l’aidera dans sa quête de vérité.
Le message à faire passer au dénouement, et tous les événements qui seront retenus et qui constitueront les actes Un & Deux devront mener à ce dénouement, est que notre héroïne a commis ou commet ou commettra le meurtre d’un être abject. Pourtant, ce geste sera en quelque sorte pardonné.
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