Un scénario possède ses limites. Un nombre de pages imposé, des scènes qui doivent faire avancer l’intrigue tout en développant les personnages, les mots utilisés doivent être suffisamment évocateurs comme images (un scénario est un outil pour un medium visuel) et tout cela limite évidemment non pas la création mais le moyen de créer.
Un procédé narratif utile pour obtenir quelque effet comme par exemple d’accroître la tension dramatique en focalisant l’attention du lecteur/spectateur sur un moment singulier ou bien de renforcer chez lui une espèce d’impatience dans l’attente d’un événement ou bien encore lui permettre de se remémorer les événements passés afin de faire le point en quelque sorte sur la situation présente ou tout simplement exciter en lui une réaction quelconque, nous montrons que le moment en question offre une pause au personnage avant que la scène ne se poursuive.
La problématique de la pause
Mais dire dans la didascalie qu’un personnage fait une pause dans l’action en cours n’est pas d’une évidente signification. D’une manière générale, on précise qu’un personnage fait une pause, c’est-à-dire que celui-ci prend un moment avant de réagir ou de répondre à ce qu’il se passe dans la scène.
Néanmoins, cette pause elle-même est une réaction même si les autres personnages ne la perçoivent pas comme telle ou bien pour nous signifier, en tant que lecteur & lectrice, que le personnage s’est soudainement aperçu de quelque chose ou bien, tout aussi soudainement, qu’il prend conscience de quelque chose.
La pause est ainsi destinée au lecteur/spectateur comme un indice ou signe ce qui crée une proximité renforcée avec le personnage.
Mais souvent aussi, l’auteur et l’autrice n’utilisent pas la pause à bon escient. Elle peut traduire chez eux leur propre moment de réflexion alors qu’ils élaborent une scène. La pause appartient alors au processus d’écriture non à l’action actuelle. Elle est davantage une digression qu’elle ne participe effectivement à la scène.
La plupart des scènes sont chargées en émotion. Comme le nombre de pages d’un scénario limite du même coup la quantité de mots employés, il est important de peser les mots afin d’obtenir l’effet recherché, c’est-à-dire à la fois divertir & émouvoir.
Ne pas prêter attention aux mots écrits revient pour l’auteur et l’autrice à se parler à eux-mêmes oubliant que leur écriture est destinée à un lecteur/spectateur.
Une pause dans l’action d’une scène participe au mouvement de la scène. Est-ce que cette pause nous montre quelque chose ? Par exemple,
Éric
D’accord. Combien ?
(Éric fouille dans la boite à gants)
Georges
(Georges suit du regard les mains de Éric)
10000 €
Ici, l’action réelle est présentée comme une pause, même s’il n’est pas explicitement dit qu’il doit y avoir un moment où le temps s’arrête. Ce moment au cours duquel l’action semble se figer sert à rendre dramatique la relation entre les deux hommes. Cela participe à la fascination qu’exerce la scène sur le lecteur/spectateur.
La pause n’est décidément pas une indication de mise en scène. Elle a une fonction qui consiste à éclairer ce qu’il se passe dans la scène. Elle a un rôle essentiellement informatif.
Une description
La pause participe au drame. Au lieu de laisser votre personnage ne rien faire, donnez-lui quelque chose à faire qui soit pertinent et qui fasse avancer le récit en montrant ce qu’il pense ou ressent.
Plutôt que :
EXT. – TOIT DE L’IMMEUBLE – JOUR
Éric déboule sur le toit et se fige.
Demandez-vous s’il n’y a pas une action plus pertinente que le personnage pourrait faire, ou bien montrez-nous dans quel état d’esprit se trouve le personnage lorsqu’il réagit à ce moment précis (ou les deux) :
EXT. – TOIT DE L’IMMEUBLE – JOUR
Joe fait irruption sur le toit et scrute anxieusement l’horizon.
Si vous avez déjà une pause, demandez-vous comment vous pourriez lui donner un aspect plus dramatique. Par exemple,
INT. – CHAMBRE DE ARIANE – NUIT
Éric attend anxieusement que Ariane entre dans la chambre.
peut certes se suffire à décrire l’état émotionnel du personnage mais manque de détail. Ainsi,
INT. – CHAMBRE DE ARIANE – NUIT
Éric est assis sur le bord du lit, se rongeant les ongles. Il regarde la porte.
par ce détail, nous entrons dans l’intimité du personnage. C’est une représentation de sa réalité intérieure. Ainsi, même dans les moments calmes, les pauses, l’anticipation de ce qui suit, peuvent communiquer une action qui contribue à la description et à la signification de la scène.
Ce sera lors de la réécriture de votre scénario que vous vous interrogerez sur la pertinence et l’effet de vos scènes.
Merci du fond de ma pensée à vous qui nous aidez à maintenir Scenar Mag.