Un récit provoque un effet sur sa lectrice et son lecteur. Cet effet est provoqué par l’ensemble du récit. Cependant, l’élément le plus marquant est certainement l’arc dramatique, c’est-à-dire une évolution et ce qui rend fascinant celle-ci est lorsqu’elle s’applique au personnage principal.
La signification du récit est portée par le changement qui s’opère chez le personnage principal par le moyen des expériences vécues. Ce qui est conté à travers le récit, ce sont précisément ces expériences et comment (et aussi pourquoi) elles affectent le personnage et l’incitent à devenir autre.
Une évolution est quelque chose de concret, qui s’inscrit dans le temps, avec un commencement et des nœuds dramatiques comme autant d’étapes qui mènent enfin à une conclusion.
L’arc dramatique doit être initié assez tôt dans le récit. Avant de commencer à établir les qualités du personnage qui seront importantes pour l’arc dramatique de celui-ci, nous devons d’abord nous assurer que nous savons à qui nous prêtons attention, c’est-à-dire de qui nous raconte t-on l’histoire personnelle. En d’autres termes, qui est le personnage principal.
Connaître son personnage principal
Si l’autrice et l’auteur connaissent leur personnage principal (qui est aussi souvent le protagoniste) alors lecteur & lectrice comprendront aussi qui il est. Cela permet d’établir l’attention sur lui. En effet, si le lecteur/spectateur se concentre sur la question de savoir à qui il doit prêter attention, il ne se focalise pas sur le personnage que vous tentez de lui faire découvrir ou que vous essayez d’inciter à expérimenter (par personnage interposé) la transformation.
Un arc dramatique se compose de trois choses :
- un besoin (et non un désir) de changer,
- une prise de conscience de la nécessité du changement forcée sur le personnage par les événements extérieurs,
- l’acceptation du changement.
Il existe entre ces trois éléments une espèce de liaison syntaxique qui les ordonne et leur donne du sens. On peut même y voir une relation de cause à effet. La prise de conscience est possible à cause d’un besoin qui peut ne pas être identifié immédiatement et cette nouvelle conscience de soi est la cause de l’acceptation ou d’un refus du changement.
Mettez de la logique dans une proposition et elle sera accessible au plus grand nombre.
Le besoin qui consiste à changer est le principe de l’arc dramatique. En tant que tel, il sera arbitraire. L’auteur et l’autrice décident pour leur personnage ce qu’il lui manque déjà : au moment même de sa création. Comme ce qu’il importe est de voir évoluer le personnage, il n’est peut-être pas nécessaire de s’étendre outre mesure sur les causes ou les raisons de ce besoin.
Le manque existe, il suffit pour le moment de le démontrer. Le personnage devient donc un être en devenir depuis ce manque.
Avant l’incident déclencheur
Cette démonstration du manque prendra lieu avant l’incident déclencheur. Cet incident est le moment d’une crise personnelle au cours de laquelle le personnage principal se voit proposer un choix.
Or, encore ancré dans le passé, il ne veut pas se rendre à l’évidence qu’il doit s’engager dans ce qui n’est qu’une prémisse d’aventure. Ce refus qu’il oppose à l’incident déclencheur est la manifestation du besoin.
L’incident déclencheur qui peut se produire à n’importe quel moment de l’acte Un est l’amorce de l’intrigue. Mais quoi mettre avant cet incident déclencheur ? Que signifie décrire le monde ordinaire du personnage avant que se produise l’incident déclencheur ? La solution possible est de mettre en scène le point de départ de l’arc dramatique. C’est relativement simple car il suffit de définir un désir, c’est-à-dire ce que veut le personnage et la stratégie qu’il imagine pour l’obtenir.
On objectera que l’arc dramatique et le désir sont deux éléments différents du récit. Comment l’un pourrait signifier l’autre ? Une des réponses possibles serait la philosophie pratique. C’est-à-dire comprendre le pourquoi des choses. En effet, le personnage agit. Il n’est pas dans la passivité. Les actions qu’il réalise semblent avoir pour motivation un objectif superficiel, un désir.
Mais les actions qu’il entreprend ont une cause plus profonde. Ainsi, le personnage se définit par ses actions. Posons que le personnage principal soit une jeune femme d’une trentaine d’années. Ayant jeté son dévolu sur un homme qui semble totalement ignoré ce qui boue en la jeune femme, nous observons une scène où ces deux personnages conversent devant un verre.
A ce moment du récit, nous ne comprenons pas encore pourquoi cette conversation est si importante pour la jeune femme et nous voyons en effet que nos deux personnages semblent s’accorder sur de nombreux points. Les causes qui expliquent le comment et le pourquoi de cette scène nous seront expliquées progressivement par la suite (quelques indices peuvent néanmoins se glisser dans la conversation).
Ce qui compte pour le moment, c’est que les actions de la jeune femme lors de cette séquence de la conversation ne sont pas dictées par la banalité de deux corps qui s’attirent mutuellement (ce qui serait le désir, l’objectif du personnage principal) mais par un besoin profond de l’autre, de sa présence, un besoin qui nous sera expliqué plus tard au cours de l’arc dramatique. Cette scène se justifie parce qu’elle nous permet d’établir facilement un des aspects les plus marquants du personnage. Nous voyons une jeune femme amoureuse. Et c’est bien cela qui est important pour elle à ce moment du récit et les événements qui se produisent au cours de cette scène particulière vont dans le sens de ce besoin.
Merci
Cher Williams, juste pour vous signaler que depuis 24/72h, votre site s’affiche d’une manière bizarre (genre mode html) sous Firefox et Google chrome (je n’ai pas essayé d’autres moteurs)
Merci Paul-en-Ski. Il semble qu’un réglage d’optimisation n’ait pas fonctionné comme attendu. Merci aussi de cette attention que vous portez à Scenar Mag. J’en profite pour vous donner avec une vraie sincérité mes vœux de réussite et de bonheur (toujours difficile à atteindre mais non inaccessible) pour la nouvelle année.
Encore merci. A très bientôt
Moi de même, cher Williams. Pour les voeux 2023, en plus d’un producteur, je cherche un vampire qui veuille bien me mordre, avant ou après l’incident déclencheur : les caveaux sont un peu humides mais l’immortalité sous la clé de voute, ma foi…
Ces jours-ci, j’ai classé tout ce que j’ai pu pomper dans votre site au fil des ans et je me suis aperçu que j’avais à ma disposition une véritable encyclopédie pratique du scénario qui pourrait se résumer ainsi : Un film, c’est de l’événementiel causal/logique (actions et structure) + du temps (chrono/rythme), écrit par un mytho (le scénariste), orchestré par un mégalo (le réal) et financé par un dingue (le prod) + un voyeur (spectateur) qui réagit (émotions) en regardant s’agiter mystérieusement des personnages (acteurs) dont il essaie de deviner ce qu’ils vont faire (désir d’anticipation) et comment ils vont changer (arc dramatique) par un trou de serrure si petit qu’au début il ne peut pas tout comprendre de ce qu’il entrevoit (jeux d’information), jusqu’au moment où la porte s’ouvre en grand et si fort qu’il la prend en pleine poire (climax).
Hello cher Paul-en-ski,
le vampire comme réponse au besoin d’appartenance est une idée intéressante mais l’immortalité sans la reconnaissance serait d’un profond ennui.
A très bientôt certainement
William