Nous avons travaillé précédemment sur le pilote après avoir élaboré les différents moments devant survenir tout au long de la série.
Le pilote est important pour le devenir de la série car s’il ne convainc pas, aucune suite ne sera donnée. A travers le pilote, le ton de la série (c’est-à-dire si vous appuyez sur ce qui effraie d’une manière assez universelle par exemple mais d’autres tons comme l’ironie ou le sérieux d’une approche de faits sociaux) est communiqué au lecteur et à la lectrice du pilote.
Ce ressenti vis-à-vis du ton est une des clés du trousseau. Une autre clé non moins importante est les personnages. On veut savoir qui ils sont, comprendre ce qu’ils font dans ce récit et s’interroger sur ce qu’ils peuvent hypothétiquement devenir : on s’accroche aux personnages.
Pourtant, rien ne peut être garanti par le pilote : le monde qu’il décrit peut ne pas convenir, la proposition originelle (connue aussi comme prémisse) peut ne pas intéresser, en bref, votre idée est à cent lieues de l’intérêt de la lectrice ou du lecteur de votre pilote.
Le pilote se clôt sur ce qu’on nomme un cliffhanger (l’action est suspendue) afin d’inciter le lecteur/spectateur à vouloir connaître comment elle se termine. Le cliffhanger est une invitation à l’épisode suivant. Aucun des épisodes n’y échappe d’ailleurs même le dernier pour une éventuelle saison 2.
Le plan de la série
Il sera nécessaire de prévoir le plan de toute la série, c’est-à-dire les différents événements qui doivent se produire au cours de la série tels qu’ils apparaissent en ce début du travail (car rien n’est encore figé). C’est ce que j’ai tenté de faire dans l’article précédent.
Une fois ces deux plans posés (le plan du pilote et celui de la série toute entière), le temps des questions est venu. L’une des toutes premières questions concerne la relation entre Ariane & Éric, c’est-à-dire la relation entre mon personnage principal et le personnage qui l’influencera le plus au cours du récit.
Cependant l’ensemble des relations concernant chaque personnage est important. D’abord parce que les relations d’un personnage offrent l’opportunité de démontrer certains aspects de sa personnalité. L’image que renvoie un personnage à travers chaque relation nous permet de le définir : par exemple, votre héroïne a une activité professionnelle de négociatrice (quel que soit le domaine), cela nous renvoie déjà une première idée de sa personnalité.
Dans d’autres scènes, alors qu’elle est seule, elle se livre à des confidences face au portrait de sa mère dont nous avons compris par quelques indices que celle-ci était morte. Cela nous offre l’opportunité de démontrer un autre aspect de notre héroïne qui nous servira plus tard à justifier certains de ses comportements.
Les relations ont aussi un effet sur le lecteur/spectateur. Votre héros monte des escroqueries. Nous sommes enclins plutôt à prendre la défense des victimes. Seulement si l’intention de l’auteur ou de l’autrice est de nous faire apprécier ce héros malgré son activité, il suffit de créer une relation d’amitié véritable entre lui et son partenaire car les relations véhiculent des idées : l’idée de mal suscitée par les escroqueries sera dominée par l’idée de bien qui résulte de l’amitié du héros et de son partenaire. On aspire généralement au bien.
La relation dominante est celle d’Ariane et d’Éric. La situation initiale (la mort de la fille d’Éric) répond à la mort d’Éric dans l’épisode ultime. Est-ce à dire que la relation d’Ariane et d’Éric est un échec ? Ce n’est pas mon intention. Je dirais plutôt : Malgré le support mutuel que s’offrent Ariane & Éric, leur relation ne peut sauver Éric qui ne peut se défaire de son passé.
Écrire, c’est faire des choix
Glenn Gers nous rappelle que les décisions que les autrices et les auteurs prennent ont forcément des conséquences : c’est ainsi que l’intrigue se construit et que les personnages changent au cours du récit.
J’ai décidé qu’Éric ne survivrait pas à son aventure non parce qu’il échoue à faire le deuil de sa fille mais parce que j’ai imaginé cette destinée pour dire ce que j’avais à dire : c’est à une métaphore inédite à laquelle j’espère me livrer et, à ce moment où j’écris ces lignes, que je dois encore travailler.
Autre décision : le plan du pilote met en avant deux rencontres :
- Ariane & Éric
- Anne & Éric
La mort de l’animateur, la mort de la fille d’Éric et l’agression de Anne alors qu’elle essaie de rejoindre Éric constituent des contextes dans lesquels ces deux rencontres s’exprimeront.
Les détails de ces rencontres et les contextes dans lesquelles elles se produiront deviendront des scènes, c’est-à-dire des lieux ou des moments différents. Glenn Gers nous expliquent qu’une scène est une action dans le sens où quelqu’un essaie d’accomplir quelque chose. La majorité des scènes répondent à ce principe. Toutefois, certaines scènes seront descriptives ou explicatives pour la bonne intelligence du récit.
Travailler sur le plan d’abord peut sembler retarder le moment du processus d’écriture du scénario. En fait, les idées posées dans le plan se cristallisent progressivement et elles mèneront à des scènes. Le plan consiste à vous expliquer à vous-mêmes ce que vous cherchez à dire. Les scènes donnent de la matière perceptible aux idées du plan : elles sont le moyen de connaître les choses.
Par exemple, si, dans votre plan, apparaît un personnage auquel il est manifeste qu’on ne peut lui accorder la moindre confiance (c’est l’idée), une scène ou quelques scènes démontreront le peu de fiabilité du personnage.
Ce que propose Glen Gers, ce n’est pas d’écrire les scènes et ensuite en tirer des idées possibles. On pose d’abord une idée et on en détermine après coup les conditions qui l’ont motivée (un travail d’archéologue en somme), les conséquences possibles car votre intention crée une finalité : dans la vie réelle, l’incertitude sur le moment d’après nous envahit mais l’autrice et l’auteur savent déjà ce que cette scène signifie et cette signification est l’idée posée préalablement dans le plan.
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