La plupart des scènes s’élaborent autour du conflit ou dans ses environs. Le conflit n’est pas seul à caractériser une scène. Elle est aussi équipée d’un revirement de situation. Une scène est un segment narratif dans lequel vos personnages entrent en conflit et entreprennent des actions significatives.
Entrer en conflit n’est pas nécessairement physique comme peut l’être un refus d’obtempérer quel que soit l’interlocuteur. On peut être en conflit avec un objet, une institution ou bien encore la nature. Les causes d’une situation conflictuelle sont infinies.
L’action significative est néanmoins nécessaire car une scène a un but dans le tout dans lequel elle s’inscrit. Robert McKee compare une scène à un Story Event, c’est-à-dire un événement dans le contexte du récit.
Une scène est structurée. En effet, elle possède un début, un milieu et une fin, donc une durée variable selon les scènes. Cette durée peut être brisée. Non seulement, le début, le milieu et la fin peuvent se produire en trois moments différents du récit, s’intercalant entre d’autres scènes mais chacune des parties d’une scène ainsi décomposée peut elle-même être découpée : une fin par exemple peut se jouer en trois ou quatre mouvements.
Dans une grande majorité, les scènes seront unifiées par
- un désir : en effet, les personnages veulent obtenir quelque chose ;
- une action car ils agissent pour mettre en œuvre cette volonté ce qui crée la situation conflictuelle puisque leurs différentes volontés s’opposent ;
- du conflit par voie de conséquence et à des degrés d’échelle divers (un trousseau de clefs dont on ne souvient plus où on l’a rangé et dont on a évidemment un besoin urgent jusqu’à la violence de sentiments intenses ou de l’infraction de commission) ;
- un changement qui est finalement ce pour quoi la scène existe.
L’enjeu
Ce qui motive une scène est qu’elle contient un enjeu. Le détail relève de l’imagination de l’autrice ou de l’auteur ; cependant, on peut tenter de catégoriser cet enjeu. Le problème soulevé par une scène est-il d’ordre sentimental (un personnage tente de regagner l’amour d’un autre, par exemple) ou bien s’agit-il d’une quête de vérité lorsqu’une scène est conçue de manière à dessiller les yeux d’un personnage sur sa véritable situation par une espèce de reconnaissance de soi ?
Une scène peut se jouer aussi sur un sentiment d’insécurité et traduire le malaise ou l’angoisse d’un personnage face au monde ou à lui-même. Il s’agit de représenter le sentiment, de le rendre concret parce qu’il se conjugue au présent dans une scène.
Il en est de même des questions d’honneur : une scène peut décrire la violence physique ou verbale de deux communautés dont l’une cherche à laver son honneur bafoué par l’autre. Souvent il est question de donner du sens aux choses.
La contradiction mise en avant dans une scène peut aussi s’expliquer par couple : soumission & libre-arbitre ; iniquité & justice ; connaissance de soi & aveuglement..
Après avoir écrit votre scène, assurez-vous de l’enjeu qu’elle dissimule sous l’action. Vous offrez une apparence à votre lectrice et à votre lecteur. Ceux-ci l’interpréteront selon leur propre vécu et expériences ; cependant, votre intention est cet enjeu.
Et l’objectif
Dans chaque scène d’action (c’est-à-dire qui ne soit pas d’exposition ou bien de rappel des événements survenus jusqu’à présent), le personnage poursuit un désir immédiat, à court terme. Cet objectif singulier dérive de l’objectif sur lequel s’arc-boute le personnage depuis le début de son histoire ; Comme si pour réaliser son objectif majeur, il doit obtenir certaines conditions comme par exemple se procurer des chameaux pour traverser le désert et se rendre en un certain lieu qui lui apporterait les réponses dont il a besoin.
Dans une scène, votre personnage poursuit cet objectif particulier et cela provoque un conflit ou une opposition. Le personnage doit prendre une décision quelle qu’elle soit. Il y est forcé par la lutte qui s’opère en lui ou par la tournure que prend la relation qu’il entretient avec l’autre ou les autres personnages qui l’entourent dans cette scène.
Une scène peut même encore se décomposer en une action et une réaction. D’ailleurs, l’une ne se comprend que par l’autre et réciproquement. L’action s’explique par la réaction qu’elle provoque ou la réaction est la conséquence voulue par l’autrice et l’auteur.
Une scène place le lecteur/spectateur dans l’attente de quelque chose. Il serait frustrant de ne pas le lui donner d’autant plus que les personnages de la scène portent aussi une attention particulière sur un quelconque objet au cœur de la scène (même si cet objet n’est qu’un McGuffin, c’est-à-dire un prétexte).
Seulement pour McKee, l’issue d’une scène est un retournement de situation ou un changement d’état, une passion contraire.. Et le personnage n’anticipe pas ce résultat.
L’effet recherché par l’autrice et l’auteur s’obtient en creusant l’écart entre l’attente et le résultat, faisant passer la situation actuelle extérieure du personnage ou bien sa vie intérieure (ses sentiments et ses passions), et parfois les deux, du positif au négatif ou du négatif au positif en termes de valeurs que le lecteur/spectateur comprend être en jeu. Par exemple, convaincu d’une certaine chose au commencement de la scène, le personnage sera tout empli d’incertitudes à la conclusion de celle-ci. Le positif serait que le personnage se défait d’opinions, de préjugés ou d’idées toutes faites et quant au négatif, l’effet inverse, c’est qu’en jugeant la situation par ses impressions, les choses deviennent si subjectives qu’elles plongent le personnage dans l’erreur.
Le changement
Puisque le changement est visé, il sera alors déterminé l’état dans lequel un personnage entre dans une scène. Disons que deux choses le caractérise : d’abord, quelque chose occupe son esprit. Son comportement est réglé sur une certaine valeur qui peut être positive ou négative. Par exemple, votre personnage principal a passé son enfance dans une cité d’une quelconque banlieue. Maintenant adolescent, les limites de la cité lui apparaissent comme un territoire d’appartenance.
Une scène ou une séquence importantes pour le récit seraient une rencontre avec un animateur. Celui-ci qui apprécie ce jeune adulte tente de lui faire prendre conscience qu’il existe d’autres horizons, que la violence n’est pas la seule réponse possible pour donner du sens à une existence.
Tout au long de la séquence, nous assistons et participons aussi par personnage interposé à la reconstruction de ce jeune selon des normes plus morales. Néanmoins, c’est ce que n’a pas compris l’animateur. Et il échoue. On peut donner toutes sortes de raisons car ce n’est pas ce qui compte. Ce qui importe est que l’animateur est persuadé qu’il peut selon ses propres valeurs sauver ce jeune, mais à la fin de la scène ou de la séquence, il est persuadé du contraire.
Nous le devinons : la seconde chose est un objectif, donc une attente. Chacun des personnages veut quelque chose dans une scène. Ce qui signifie qu’il l’anticipe et qu’il ne l’a donc pas encore. Ce qui laisse la place pour une opposition.
Car soit les objectifs se contredisent, soit ils constituent une gêne pour être mutuellement réalisés. La scène met en œuvre une situation conflictuelle. Celle-ci ne reste cependant pas suspendue en l’air. Elle aboutit à ce changement de polarité tel que l’entend Robert McKee.
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