Jung et ses archétypes ont certainement une influence sur la création de personnages. En particulier, de celle du personnage principal. Cependant, les réflexions et les découvertes de Jung sont emplies de symboles, de significations cachées sous des représentations qui sont autant d’esquisses d’une réalité qu’il y a d’individus qui perçoivent cette réalité.
Carol S. Pearson, éducatrice et autrice, développa une théorie et un modèle comportemental en s’appuyant sur les travaux de Jung, de Joseph Campbell et du psychanalyste James Hillman. Parmi les nombreux archétypes existants, Carol S. Pearson distingua plus particulièrement le guerrier, l’orphelin, le martyre (l’ange gardien déchu en quelque sorte), l’innocent, l’explorateur et le magicien.
On peut alors se déterminer par la volonté par exemple de ne pas être un martyre et d’être un guerrier. Notez l’emploi de la négation, du refus d’un modèle. La détermination se fait par comparaison.
Alors le monde ordinaire du personnage sera celui du martyre et son récit consistera à représenter comment ce personnage devient un guerrier.
Une identification
L’emploi de l’archétype facilite la reconnaissance du personnage par la lectrice et le lecteur. On se prend à s’imaginer comme ce personnage. On compare sa propre vie à celle, fictive, du personnage et peut-être découvre t-on sur soi-même quelques vérités.
Les expériences que vit le personnage peuvent être à mille lieues de notre propre vécu, néanmoins, par le biais de l’archétype, par définition universel, passionnément on éprouve ce qui nous manque.
Il est possible de schématiser le parcours héroïque en quatre étapes, chacune d’elles correspondant à l’un des six archétypes retenus par Carol S. Pearson.
Par exemple, dans l’acte Un, celui du monde ordinaire du personnage principal, celui-ci pourrait être à l’image de l’archétype de l’orphelin (du moins, posséder quelques traits de caractère de cette figure).
Puis l’acte Deux nous le décrit comme un explorateur. L’articulation entre l’acte Un et l’acte Deux nous permet de justifier cette évolution. Au point médian du récit, c’est-à-dire dans la seconde partie de l’acte Deux, après une crise personnelle très forte du personnage principal par exemple, celui-ci emprunte des traits de caractère de l’archétype du guerrier.
Et dans l’acte Trois, en conséquence de cela, le personnage principal se coule dans la figure du martyre ne serait-ce que parce que le héros ou l’héroïne ont cette vertu, cette force d’âme du sacrifice pour le bien d’autrui.
Un récit répond à quatre problématiques pour lui permettre d’exister :
- Qui est votre personnage principal ?
- Que cherche t-il vraiment à accomplir ?
C’est-à-dire non pas quel est son désir mais plutôt son besoin. En poursuivant tel désir, quel besoin comblera t-il ? - Qu’est-ce qui s’oppose à lui ?
C’est-à-dire pourquoi existe t-il dans ce monde une instance d’une volonté contraire à celle du personnage principal ? Et comment s’y prend-elle pour manifester sa désapprobation ? - Qu’arrivera t-il au personnage principal s’il échoue ?
C’est-à-dire sur le plan personnel car un personnage peut ne pas connaître le succès dans son objectif mais ce ne sera pas une tragédie tant que sur le plan intime, il est parvenu à une harmonie avec lui-même.
Les quatre archétypes répondent aux questions :
- Qui sont votre héroïne ou votre héros ?
Dans leur monde ordinaire, ils sont comme des orphelins. Une interprétation possible est qu’il leur manque quelque chose pour être entier.
Quelle est cette part d’eux-mêmes qu’ils n’ont pas encore découverte et qui, pourtant, est déjà en eux ? Combler cette apparente lacune en fouillant dans ses propres profondeurs est la finalité du parcours initiatique qu’emprunteront le héros ou l’héroïne. - Que veulent-ils ?
Dans leur quête d’eux-mêmes, l’héroïne et le héros sont dans l’errance. Par exemple, le héros veut détruire une entité maléfique pour qu’elle cesse de posséder l’âme de victimes. Il agit par vengeance parce que lui-même fut une victime de cette entité et c’est sous son emprise qu’il s’accuse de la mort de sa mère.
Mais son véritable objectif consiste dans son besoin de cesser de se culpabiliser pour la mort de cet être cher. Un autre exemple serait celui d’un prêtre qui s’interroge sur sa vocation. En effet, poussé par son milieu familial à suivre la voie de la prêtrise, n’ayant pas la force morale de s’opposer à cette décision que d’autres ont prise pour lui, toute son aventure consistera alors à faire face à ce qu’il ressent vraiment en lui. Et la question dramatique devient alors de savoir s’il réussira ou non. Cette recherche prend les traits de l’archétype de l’explorateur. - Qui ou quoi doivent-ils combattre ?
Narrer un événement consiste à le décrire comme une situation conflictuelle. Il y a donc dans le récit des moments où le personnage principal devient l’archétype du guerrier. Cela est particulièrement évident après cette crise au cours de laquelle le personnage croit que tout est perdu pour lui, mais en fait, une situation conflictuelle peut intervenir à n’importe quel moment du récit même dans le passé du personnage ou dans celui du récit lui-même qui, par une sorte de rappel, revient sur ses pas. Par exemple, une conversation est laissée en suspens. Quelques scènes plus tard, l’information manquante sera donnée par le rappel de la scène antérieure à la situation présente. - Et s’ils échouent ?
Dans l’anticipation d’un échec possible, l’héroïne et le héros deviennent des martyres. Si deux amants ne parviennent pas à s’accorder sur leur amour ou sur leurs amours, la séparation sera inévitable. L’archétype du martyre décrit la souffrance d’un échec toujours possible.
Ainsi se dessine une structure. Le récit s’organise autour de ces quatre archétypes. Ceux-ci offrent deux aspects : l’un positif et l’autre négatif. Le guerrier puise dans son énergie pour lutter contre l’adversité mais celle-ci épuise cette force morale et être guerrier signifie aussi que nos moyens de défense s’amenuisent. Accepter d’être guerrier, c’est se rendre vulnérable.
L’innocent attire à lui du fait même de son innocence mais cette vertu peut être aussi un vice lorsque l’intention parfois est de leurrer autrui.
Être entier, c’est accepter qu’aimer, c’est aussi souffrir ou détester. Le bien s’explique parce que le mal existe. De cette contradiction naît notre unité.
Inutile de compliquer un personnage tant et si bien que nous ne le comprenons plus. Il suffit de comprendre pourquoi il fait ce qu’il fait ce qui s’explique par ses propres contradictions. Celles-ci se révéleront tout au long de son arc dramatique. Qui aurait cru le passé de ce tueur repenti dans Impitoyable à le voir lutter au quotidien à survivre ? Les plus sombres aspects de son être ressortiront au cours de situations qui constitueront alors son arc dramatique.
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