Il existe un moyen narratif de renforcer l’impact émotionnel d’un récit, il consiste à trouver des points de ressemblance, c’est-à-dire des analogies et autres comparaisons entre le héros ou l’héroïne & le méchant de l’histoire.
La morale et les préjugés les désignent comme bon et mauvais mais ils sont animés par des passions qui les rapprochent sur de nombreux points. Ces similarités peuvent aider à mieux comprendre ces personnages et offrent au récit une dimension supplémentaire.
Un objectif commun
Si la force antagoniste et le personnage principal poursuivent le même but, cela souligne les différents moyens, tactique et stratégique, qu’ils emploient pour y parvenir. L’embarras d’un objectif commun est qu’on tombe facilement dans le jugement de ce qui est juste et injuste.
C’est une certitude que le conflit est le moteur du récit. Une intrigue peut se résumer à un personnage qui veut désespérément quelque chose (comme récupérer sa femme dont il est séparé) et qui entreprend des actions pour obtenir ce qu’il veut tout en faisant face à une opposition, interne et externe, tout le long de ce parcours dramatique (c’est-à-dire sa propre insensibilité, par exemple, et un autre personnage qui veut aussi gagner le cœur de cette femme).
Il est donc beaucoup trop réducteur de qualifier la force antagoniste de méchant de l’histoire. La problématique est de comprendre pourquoi l’antagoniste s’oppose pendant une grande partie du récit à ce que le personnage principal obtienne ce qu’il veut.
L’attention du lecteur/spectateur est attirée vers le personnage principal. Mais doit-il croire, ce lecteur/spectateur, que l’idée initiale contienne en puissance le germe du mal ? Le mal est-il un élan d’une volonté individuelle et libre de toute contrainte extérieure ? Les règles morales (et juridiques aussi) existent-elles pour encadrer le mal ?
Que dire d’un individu lambda qui collabore avec l’ennemi ? Est-il irrésistiblement poussé vers cette décision ? Quelles que soient les passions qui s’agitent chez un tel individu, chaque passion est duelle : c’est-à-dire qu’il serait vain, par exemple, de distinguer l’amour & la haine comme deux passions distinctes.
C’est un même élan, une même force qui attire un être soit vers l’amour, soit vers la haine selon les circonstances particulières de sa vie.
La trajectoire de l’antagoniste
L’opposition est un fait. Se contenter de celui-ci appauvrit le récit. Considérons que l’antagonisme influence le personnage principal : alors passons du temps à découvrir qui est cet antagoniste ou de quoi il est fait.
Indépendamment de la relation qui unit le personnage principal à l’antagoniste, cet antagoniste a aussi une vie et un vécu. Ceux-ci devraient être explorés afin de leur donner de la consistance. Expliquer comment & pourquoi votre méchant est devenu méchant fascinera tout autant vos lectrices et vos lecteurs. Et dites-vous bien qu’il y a un début à tout et avant que le récit se lance vraiment, il y a une histoire, c’est-à-dire des choses qui se sont passés et qu’il est nécessaire d’expliquer (ou du moins d’en informer) le lecteur et la lectrice.
Reprenant l’exemple de la collaboration avec l’ennemi, croyez-vous que l’individu en question sait qu’il agit mal ? Si vous le faites exister seulement pour procurer du conflit à votre récit, il est probable qu’il manquera quelque chose à ce récit : vous risquez de vous saborder.
Comment deux personnages qui s’opposent peuvent-ils avoir le même but ? Les deux personnages peuvent souffrir de la même injustice et vouloir tous deux un monde sans corruption peuplé d’individus qui ne connaîtraient pas le péché, par exemple.
Tous deux sont agités par la même morale sous l’influence de la même motivation. Les moyens qu’ils mettent en œuvre cependant sont différents : l’un voudra l’éradication de la majeure partie de l’humanité, une espèce de table rase pour repartir de zéro alors que l’autre sera convaincu de l’efficacité de la loi et de l’ordre pour maintenir une cohérence sociale.
Tous deux veulent la même chose mais leurs perspectives sont différentes.
Une même motivation mais des buts différents
De manière très simple, le personnage principal et son antagoniste recherche tous deux le pouvoir mais la finalité d’une telle volonté est totalement différente : l’un veut le pouvoir pour étendre ses frontières et posséder encore plus de pouvoirs ; l’autre le veut pour aider son peuple et tous les peuples à trouver le bonheur.
A l’origine de deux conceptions du monde différentes, une même motivation, une même volonté. Cela peut être l’occasion de donner une profondeur psychologique aux personnages.
Il faut du temps pour que le lecteur et la lectrice pénètrent un personnage. Et pour que cela se produise, un personnage devrait être dépeint avec une certaine profondeur psychologique, quelques traits de caractère qui lui donnerait une consistance.
Le choix
Lorsqu’un personnage est face à une décision, celle-ci peut être rendue difficile par une tension interne. Le personnage doit faire un choix entre deux ou plusieurs options qu’il aimerait toutes faire, mais pour des raisons différentes.
Par exemple, le personnage pourrait hésiter entre sacrifier sa carrière ou privilégier ses enfants si les circonstances l’obligent à choisir l’un ou l’autre. Nous apprenons à connaître le personnage parce que nous le voyons dans une situation dans laquelle il doit montrer laquelle de ses importantes motivations est la plus forte.
Ainsi, le personnage principal et son antagonisme seraient explorés sous l’angle de cette hésitation.
L’expérience
Le personnage vit des expériences qui ne peuvent pas le laisser inchangé. Nous apprenons à connaître le personnage non pas grâce aux choix qu’il fait, mais en découvrant les expériences marquantes qu’il a vécues.
Votre personnage principal est une enfant qui a vu sa mère mourir et nous comprendrons tout ce qu’elle fait à la lumière de cette connaissance de sa psyché. En connaissant son histoire, nous comprenons le fonctionnement actuel de son esprit.
Si l’antagoniste de cette enfant a connu une expérience similaire, nous pourrions alors comparer les deux trajectoires dont l’origine est néanmoins commune.
La révélation
Dans le même ordre d’idées, l’expérience peut être une révélation commune. Par exemple, les deux personnages peuvent avoir suivi le même parcours initiatique. Pourtant, cela les a rendus vulnérables l’un envers l’autre car ils ne peuvent se protéger sous un voile que l’on porte ordinairement pour se préserver d’autrui.
Les craintes, les espoirs, les désirs sont connus de l’autre. Et nous voyons l’autre tel qu’il est. Les deux personnages pourraient avoir commis les mêmes fautes ou bien posséder les mêmes faiblesses et de cette identité naîtra leur opposition.
Le choix, l’expérience ou la révélation sont quelques moyens pour que le personnage principal et son antagoniste partagent une même idée qui les fonde. Ils pourraient avoir connu la même tentation mais expier cette faute différemment.
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