PERSONNAGES & ÉMOTIONS

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Les personnages sont mus par leurs émotions, par les passions qu’ils éprouvent. L’action a son importance car elle passionne elle aussi lectrices et lecteurs mais ce qui les fascinent, ce qui les engagent émotionnellement dans l’histoire, c’est l’existence des personnages de cette histoire.

Cette singulière fascination s’exprime par des interrogations : Qu’est-ce qu’un personnage fera dans cette circonstance particulière dans laquelle il a été jeté par l’autrice ou l’auteur ? Pourquoi le fait-il ? C’est-à-dire qu’est-ce qui le pousse à agir ainsi ? Qu’est-ce qu’ont été les conditions qui l’ont mené dans telle ou telle situation ? Quelles en sont les causes ?
Qu’est-ce qui est en jeu pour qu’il agisse ainsi ? La réponse est souvent un autre personnage car si l’enjeu est un intérêt personnel, il est moins prégnant sur le lecteur et la lectrice.

Lorsqu’un personnage se révèle de l’intérieur, lorsqu’il dépasse sa personæ, il nous touche. Dans la réalité, nous offrons aux regards des autres une apparence afin de préserver une cohérence sociale ; dans une fiction, il n’y a pas cette contrainte : nous acceptons le personnage tel qu’il se présente à nous, nous suspendons notre jugement le temps de sa présence. Nous laissons nos propres émotions nous guider.

Une émotion se prépare. Lorsqu’un personnage éprouve une véritable souffrance à prendre une décision, le lecteur/spectateur y sera plus sensible si les circonstances ont été préalablement fouillées.
Si le regard de votre héros croise la silhouette d’une jeune femme et reste fixé sur elle alors que celle-ci est indifférente (car elle ne connaît pas votre héros), nous comprendrons mieux cette scène car nous saurons l’extrême solitude qui caractérise votre héros. Des scènes préalables conçues autour de cette solitude seront alors nécessaires pour que l’effet de cette première rencontre soit perçu par le lecteur/spectateur, afin qu’il pénètre le personnage et ne se limite pas à son apparence.

Garder l’attention du lecteur/spectateur

Le personnage vit dans un espace. Le lecteur/spectateur vit aussi dans son propre espace. Chaque espace est clos mais, par l’émotion, les frontières deviennent poreuses et ces deux territoires, dont l’un est imaginaire, se fondent en un.
Une jeune fille qui se prélasse sur l’herbe peut faire un joli plan mais si on ignore ce qui la préoccupe, si seulement elle a un but dans sa vie, la passivité de cette scène détournera l’attention du lecteur ou de la lectrice de cette jeune fille.

Cette jeune fille a une vie et cette vie doit transparaître de ce qu’elle nous donne à voir d’elle-même. Réussir cela est difficile. Même au moment où je l’écris, je m’aperçois du défi que cette tâche représente et si j’en suis simplement capable.
Travailler sur les émotions facilitent les choses parce qu’elles sont une matière qui se reconnaît facilement. Encore faut-il comprendre la nature de cette émotion.

Pour identifier ce qui nous meut et ensuite le communiquer à d’autres, un exercice consiste à se demander quels personnages créés par d’autres autrices et auteurs, ou bien des personnalités historiques qui ont réellement vécues ou qui vivent encore et qui, d’une manière ou d’une autre, nous touchent : soit parce qu’ils nous attirent, soit parce qu’ils nous révulsent.

Dans un cas comme dans l’autre, il est très probable que des émotions sont actives. Identifier ses propres sentiments permet à autrui de les reconnaître et de les éprouver. Et c’est ce que tente de faire les personnages d’un récit.

Écrire n’est pas facile

Fouiller intimement la nature d’un personnage, c’est en quelque sorte s’emparer de sa personnalité et en décrire les traits les plus marquants. Une journaliste qui risque sa vie de couple non pas par ambition mais parce qu’elle est motivée par un puissant besoin de dénoncer les injustices se présentera à nous sous ses réactions émotionnelles.
C’est bien plus qu’un simple enthousiasme qui l’aveuglerait sur la destinée que prend son couple. Ce serait limiter la profondeur de ce personnage. En revanche, comprendre les causes qui inaugurèrent ce besoin de justice étend le personnage vers des dimensions facilement perceptibles par le lecteur/spectateur.

Autrices et auteurs peuvent trouver de nombreuses réponses dans les émotions. Comprendre un personnage commence par le déterminer émotionnellement. La lâcheté d’un personnage peut s’expliquer par son inadaptation au monde ; elle peut aussi expliquer pourquoi d’autres personnages utilisent ce manque de courage comme moyen de pression sur le personnage ou pourquoi un personnage le prit sous son aile et sa colère lorsque le personnage lâche de nature l’aura trahi sous l’influence d’un autre personnage qui a compris la lâcheté du personnage.

De nombreuses actions et réactions sont légitimes sous l’influence des émotions qui agitent un personnage. Pourtant comment écrire sur la lâcheté si nous-mêmes en tant qu’autrice & auteur ignorons ce sentiment ?
C’est en soi qu’il faut trouver les réponses. En créant, nous pouvons sortir de nous, disait Marcel Proust. En imaginant ce que peut ressentir autrui, nous nous ouvrons d’autres horizons. Et lorsque nous parlerons avec nos mots de cette émotion ressentie par un personnage, nous la communiquerons alors à une lectrice ou un lecteur.

Au commencement, néanmoins, c’est notre propre perméabilité à voir chez autrui et cela signifie que nous ignorons notre propre ego qui nous masque non seulement aux regards d’autrui mais qui nous empêche de nous saisir du monde tel que le voit et le vit autrui.

Probablement, chacun est capable de saisir chez l’autre par quoi il passe. Autant ne doit pas être négligé l’intelligence du lecteur/spectateur, autant faut-il admettre qu’émotionnellement, il réagit aux émotions qu’il croit reconnaître.

Une biographie pour ses personnages

Consacrez un peu de temps à écrire sur vos personnages. Ces quelques paragraphes ne figureront probablement pas dans le récit mais ils vous permettront d’aller à la rencontre de ces êtres de fiction, à les connaître un peu mieux sur le plan personnel et atteindre à leurs émotions.

Ce qui signifie que pratiquement vous devrez vaincre vos propres peurs d’exposer trop de vous-mêmes. Mais si vous le faites pas, vos personnages seront superficiels. Nous saurons ce qu’ils font, pourquoi ils le font mais nous ignorerons ce qu’ils ressentent à le faire.

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