On est habitué aux trois actes. Mais peut-être que quatre actes permettraient de mieux dire le récit que l’on a en tête. Chacun sa méthode pour rendre intelligible les choses qu’on veut communiquer. Mais si l’on pense quatre actes, comment y insérer un début, un milieu et une fin ?
Et si la structure n’était qu’un moyen de décrire les choses dans la visée de les rendre intelligibles ? Il faut tenir compte du destinataire de l’œuvre. Lectrices et lecteurs possèdent chacun leur propre façon de pénétrer l’œuvre.
Certains la liront littéralement se contentant de ce qui est en surface et d’autres iront peut-être plus en profondeur découvrant des choses qui les émeuvent : dans un cas comme dans l’autre, la finalité de l’œuvre est de les satisfaire par la compréhension qu’ils en tirent.
Les nœuds de l’intrigue
Ce sont des informations qui informent l’intrigue. Prenons comme exemple un couple avec 10 années de vie commune : chaque matin, chacun met le doigt sur son propre réveille-matin, se lève de son côté, se brosse les dents face à son propre miroir (un regard à peine jeté sur l’autre), prend son café en lisant (des lectures différentes), se prépare et après un baiser sans passion, chacun se rend à son travail.
Focalisons-nous sur la femme, par exemple. Avant de prendre son poste, elle s’arrête quelques instants dans le même café à proximité. Ce matin-là, elle observe un couple peut-être juste un peu plus jeune qu’elle-même et son mari et qui vit manifestement une passion dévorante l’un envers l’autre.
Puis son regard se déplace vers une femme âgée, assise seule à sa table, indifférente aux bruits alentours. Même le garçon de café qui lui apporte sa commande le fait par habitude : inutile de lui demander ce qu’elle veut.
Analysons cette séquence : nous avons une exposition qui va droit au but. Le couple qui fait l’objet de cette description est endormi et engourdi dans ses habitudes ou du moins dans l’habitude de l’autre ce qui tue lentement la passion.
Le premier nœud dramatique pourrait être la lassitude marquée de cette jeune femme assise à ce comptoir familier. Ce n’est pas de ce que sa journée sera constituée que l’on comprend cette morosité qui imprègne son âme.
Notez comment le temps nous aide à communiquer ce message. Le passé est représenté par le couple d’amoureux qui a complètement néantisé l’entourage pour vivre pleinement ce qu’ils ressentent l’un pour l’autre.
Puis le futur dans la figure de la femme âgée (ou du moins qui semble être un peu plus âgée que notre héroïne). Toute l’intrigue porte sur la prise de conscience de notre jeune femme face à son devenir.
Et là, je dénie le concept d’incident déclencheur : le seul nœud dramatique est celui de la remise en cause. L’exposition et les observations dans le café expliquent les conditions ou causes qui ont mené à cette idée : les impressions (celles du regard) ont permis de dévoiler une vérité à laquelle elle se refusait.
La relation aux autres
Ce qu’il importe de démontrer, ce sont les relations que chaque personnage entretient avec autrui. Évidemment, la relation première est celle de son couple qui fera l’objet d’une ligne dramatique spécifique (les différents événements auxquels ils participent en tant que couple).
Néanmoins, il y a aussi une relation avec l’autre elle-même, c’est-à-dire cette personne que l’habitude a enfouie et qu’elle n’entendait plus. Cette personne-là qui la détermine vraiment et qui ne demande qu’à éclater en brisant les apparences.
Ce qu’il se passe en elle-même fait l’objet d’une ligne dramatique personnelle tandis que l’évolution de la relation entre elle et son mari sera aussi décrite suivant une ligne dramatique particulière qui décrira ou la réconciliation ou la désintégration.
Tout le jeu de l’intrigue porte sur les rapports entre ces différentes lignes dramatiques. Et il n’y a néanmoins qu’un seul nœud dramatique. Maintenant, il est vain de vouloir complexifier le scénario en détaillant chaque moment en scènes car quelques scènes seulement, et là la réflexion l’emporte sur l’imagination, peuvent suffire à justifier ce nœud dramatique.
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