La prémisse d’un récit, c’est d’abord un personnage. C’est-à-dire le concept d’un personnage suffisamment novateur pour qu’on ait le sentiment de le rencontrer pour la toute première fois. Beaucoup de manuels d’écriture insiste sur le souvenir de cette prémisse tout au long du travail sur l’œuvre en devenir mais c’est paradoxal car l’idée posée dans la prémisse subira, par l’invention, un développement tout à fait imprévisible. Une prémisse n’est pas une prophétie.
Aller au-delà
Les sources possibles pour une idée sont diverses. Quand elle surgit, elle n’est encore qu’une matière brute. Le travail d’invention consiste précisément à transformer cette matière. Ce sera par l’association.
Quand, par exemple, un souvenir revient à notre conscience sans que nous l’ayons cherché, il excite en nous un autre souvenir. Quand une idée apparaît, elle peut être transcendée de la même manière. Lorsque l’idée d’une scène se forme dans notre esprit, elle est la prémisse de quelque chose de plus vrai. Cette première idée n’est qu’une apparence comme le serait un acte manqué qui signifie autre chose que ce qu’il laisse paraître.
Une fois posée, l’idée brute sera questionnée. Par exemple, on a l’intuition qu’une scène devrait se situer à l’aurore. Pourquoi l’aurore ? Est-ce simplement par goût ? Qu’est-ce que cela signifie vraiment que l’arrière-plan d’un événement possède les couleurs de l’aurore ?
Les différentes interprétations possibles permettent de préciser les enjeux. C’est-à-dire ce qui fonde les motivations. Considérons qu’une scène a un but. Ce but est une illustration, une représentation parmi d’autres de l’idée, forcément abstraite dans notre esprit. Le but se constitue en une métaphore.
Une métaphore est une analogie, une substitution qui permet de rendre tangible ce qui ne l’est pas. Elle se fonde sur une certaine ressemblance entre l’idée ou le sentiment abstraits et la représentation concrète que l’on en fait. L’idée ou le sentiment deviennent objets et par là acquièrent une certaine universalité. Et cela peut être littéralement un objet comme le Horcruxe, cet objet maléfique de l’univers Harry Potter.
Il y a certainement une valeur symbolique lorsqu’un même objet est utilisé plusieurs fois au cours du récit comme par exemple lorsque des scènes se focalisent sur une paire de moustaches pour signifier le père.
Mais ce qui clôt une scène et qui ne sera pas réutilisé est une métaphore. Lorsque la métaphore est accomplie, le récit peut reprendre son mouvement. Car comme nous l’a soufflé Gérard Genette, la substitution est comme la chaîne du métier à tisser ; elle est verticale. Elle illustre un événement qui n’est qu’une partie du tout. Et ce qui importe est le tout justement.
La métaphore n’est cependant pas la finalité de la scène, ce pour quoi cette scène existe et surtout ce qui la rend nécessaire. Elle est un moyen de communiquer cette nécessité.
L’intention
La prémisse d’une scène commence donc par s’expliquer ce qui justifie sa présence, de lui trouver une raison d’exister et de participer au tout. Ensuite, il faut se saisir de l’intention en tant qu’autrice & auteur qui consiste en notre volonté à écrire cette scène.
Tout comme nos personnages qui manifestent une certaine volonté, celle-ci peut être une illusion. Maîtrisons-nous vraiment ce que nous cherchons à accomplir ? Une fois les mots posés sur la page et l’exercice peut être difficile, pouvons-nous associer ce qu’ils représentent à une autre idée qui ne sera peut-être pas définitive, celle-ci en entraînant une nouvelle et ainsi de suite jusqu’à ce que nous ayons l’intime conviction de notre intention.
La quête de ce qui constitue une idée, sa nature, son essence, est une introspection qui peut être douloureuse quand il s’agit de régresser jusqu’à l’origine de cette idée, de ce qui l’a amorcée il y a longtemps parfois et que les circonstances ont soudainement ramenée à la conscience par une espèce de mémoire involontaire.
Quel en fut le point de départ ? Comme chez les personnages, un événement traumatique refoulé peut être la source d’une attitude, d’une posture, d’un comportement. En un mot, quel est le mobile de cette idée ?
Les grands maîtres du jeu de go préviennent que le premier coup qui vient à l’esprit ne devrait pas être joué. Ce qui apparaît peut être suffisant mais qu’en est-il s’il y a une vérité cachée derrière ce qui est aperçu ?
Les enjeux les plus fascinants sont ceux de vie et de mort spirituelles. L’esprit, l’intelligence, la volonté encore mais aussi les émotions, les sentiments, et la renaissance spirituelle lorsque le personnage principal devient autre, renaît en un autre à la suite de l’expérience de ses aventures.
L’imagination est au pouvoir
Notre vécu a tendance à brider notre imagination. Alors cet exercice d’objectivation qui consiste à poser devant soi les choses et à se demander ce que c’est, peut aider notre imagination à associer des idées, à trouver des liens nouveaux dans des relations d’enchaînement, d’oppositions entre les événements.
Et si cela vous semble difficile, dites-vous que vous êtes comme ces personnages totalement perdus qui sont à la recherche d’eux-mêmes dans la traversée d’un désert et cela prendra le temps nécessaire et suffisant pour trouver la réponse qui vous manque dans l’écriture d’une scène sur laquelle vous trébuchez.
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