LES TROIS ACTES

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Chaque acte possède des caractéristiques propres qui sont autant de jalons qui nous dirigent vers un but précis.

Les jalons du premier acte

Le point de non retour est un moment accentué parce qu’il est un moment décisif, le moment le plus marquant du fragment de vie du personnage auquel une autrice ou un auteur nous invite à participer.

actesUn récit est un incessant mouvement vers l’avant. Le passage entre l’acte Un et l’acte Deux est une voie à sens unique. Dès que le personnage prend la décision de franchir ce seuil, il entre dans une situation unique et ne peut plus revenir en arrière. Le seuil n’est rien d’autre qu’une décision et sa signification est déterminée par la difficulté que le personnage éprouve à résoudre ce dilemme. Par exemple, une fois que Benjamin a fait l’amour avec Mme Robinson dans Le Lauréat, il devient vulnérable dans le second acte.
Benjamin aurait pu faire l’amour avec Mme Johnson, qui n’a pas de filles, et cela n’aurait rien changé. L’importance de ce choix est soulignée par le fait qu’il lui faut presque tout le premier acte pour avoir le courage de faire l’amour avec Mme Robinson et, plus tard, par le fait que son geste semble avoir condamné sa liaison avec la fille de Mme Robinson, Elaine.

Seulement, la réponse donnée lors de ce point de non retour est toute empreinte d’erreur. Il semble que le personnage ait trouvé une réponse à son problème, qu’il a le contrôle de sa vie, cependant, sa solution est fausse car si elle ne l’était pas, le récit n’est alors plus justifié.

L’articulation entre le premier et le second acte offre une fausse solution à la crise actuelle mais en fait ouvre une toute nouvelle série de problèmes. La fausse solution peut être un mauvais choix évident mais irrésistible, comme Benjamin couchant avec Mme Robinson ; ou bien un choix dans la bonne direction mais avec une compréhension ou une préparation insuffisante, comme Frank Galvin (Le Verdict) décidant de porter l’affaire devant les tribunaux sans s’apercevoir ou reconnaître qu’il n’est plus aussi compétent qu’auparavant, malgré son alcoolisme et malgré sa croyance innocente que l’injustice est si évidente qu’elle parlera d’elle-même.

Les incontournables du second acte

Dans le second acte, un fait est certain : le personnage ne semble pas conscient de sa destinée. Plutôt, il a oublié son passé, les circonstances dont il est issue. Cependant, nous sommes, en tant que lectrices et lecteurs, bien conscient que ce passé rattrapera le personnage.

Car le conflit interne et caché le plus souvent n’en continue pas moins de dévorer le personnage de l’intérieur comme si cette lutte interne ne cessait de croître, de s’amplifier et nous en sommes les témoins. Par exemple, l’amertume que ressent un personnage viendra d’une prise de conscience progressive de sa situation. Mais nous savions qu’il ne pouvait en être autrement. En tant que lecteur et lectrice, nous avons cette espèce d’intuition de la destinée du personnage. Nous attendons que les choses tournent mal, et nous attendons le moment où le personnage est obligé de faire face à ce qu’il s’est fait à lui-même.

Le deuxième acte atteint son apogée lorsque le personnage doit enfin faire face aux implications de la fausse solution de la fin du premier acte. Cette reconnaissance donne l’occasion d’une prise de conscience, qui conduit à la résolution et à la guérison, à la réhabilitation, à la reconstruction du personnage (en un mot en son salut qui pourrait consister en la mort physique ou symbolique du personnage) dans le troisième acte.

Le passage dans le troisième acte a un impact particulier grâce à une sorte de double résolution. Le personnage se rend enfin compte de son erreur, tandis que nous, lecteur/spectateur, sommes enfin satisfaits que le personnage nous soit revenu. C’est souvent le moment où l’identité est la plus forte. Nous sommes en phase avec le personnage.

La fin du premier acte tend à imposer une décision au personnage principal. Dans de nombreux cas, la structure nous amène à croire que si le personnage avait pris une autre décision, l’histoire serait terminée. Dans Wall Street, si Bud avait rejeté la proposition de Gekko, que se serait-il passé ensuite ? De même, si Frank Galvin avait accepté la proposition de l’église, de lutter contre la volonté de la famille de prendre l’argent ? Et si Benjamin n’avait pas répondu aux avances de Mrs. Robinson ?

Le sentiment à la fin du deuxième acte est tout autre. Le récit semble se dérober et laisse le personnage perdu. Bien que nous gardions un intérêt envers le personnage, notre élan est épuisé car nous venons de voir le personnage vaincu par les événements que nous savions devoir le vaincre. Le prix à payer pour les premières erreurs du personnage ne soulève pas en nous plus de compassion ou bien une sourde satisfaction parce que, après tout, il mérite ce qu’il lui arrive.
Nous éprouvons en fait une certaine indifférence à l’égard des erreurs commises par le personnage.

C’est pourquoi le personnage a besoin de réaffirmer son importance pour le récit. Sa volonté (ou plutôt détermination) de le faire nous propulse dans le troisième acte. Maintenant, le personnage nous guide, nous étonne par son ingéniosité, relie la lucidité, la connaissance au succès, et prouve qu’une fois qu’il s’est confronté à lui-même, il triomphe.

Et le troisième acte

Une structure en trois actes est plutôt positive. Une tragédie exige davantage d’actes pour s’exprimer. Ayant reconnu son échec, le personnage est capable de se relever et de surmonter la tension interne et dans le même coup le conflit global.

En général, la résolution du conflit interne vient en premier. La réalisation de soi est suffisante pour permettre à Galvin de reconnaître que l’innocence seule ne permet pas de gagner une affaire ou Bud de renouer avec son père dans la chambre d’hôpital (Wall Street).

actesAprès cette reconnaissance éminemment subjective, le troisième acte se concentre sur la résolution du problème global, objectif. La question dramatique posée par le récit s’impose puissamment et attend sa réponse : Est-ce que Frank Galvin pourra vaincre un juge corrompu et rompre avec sa maîtresse dont il est convaincu de l’insincérité ? Même si Laura semble regretter sa mission.

Les événements extérieurs du deuxième acte ont conduit à la reconnaissance, et non à un désastre irrémédiable. La reconnaissance arrive à temps pour éviter la tragédie ; c’est la clé de l’impression que renvoie une structure en trois actes. Il y a toujours une seconde chance ; la rédemption personnelle est plus significative que les événements, et les actions sont moins importantes que les motivations.

Les personnages sont censés faire des erreurs – cela fait partie de la vie. Le véritable test intervient lorsque les erreurs sont mises à nu, lorsque le personnage se rend compte de ce que nous, lecteurs et lectrices, avons déjà compris : à quel point le personnage a été hypocrite envers lui-même.

De cette compréhension naît la chance pour le personnage de faire ses preuves et de se racheter.

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