La structure en trois actes est très répandue. Un début, un milieu et une fin semblent logiques mais sur le plan de la pratique, qu’est-ce que cela signifie ?
Pour être pratique, admettons que notre récit s’oriente vers un dénouement clair et logique afin de rencontrer la satisfaction de ses lectrices et de ses lecteurs. Mais n’y a t-il pas là un danger pour la création ? Non pas parce que nous suivons une structure dont notre texte a néanmoins besoin pour être intelligible mais parce que nous cherchons à plaire à un lecteur/spectateur.
Une structure classique
Nous disons donc qu’un scénario composé de 120 pages distingue trois actes : deux d’entre eux auront une longueur d’environ 30 pages alors que le second acte occupera une soixantaine de pages. C’est ce que Syd Field nous apprend (un peu arbitrairement, je l’avoue).
Chacun de ces trois actes se clôt sur un moment de grande intensité. Ces moments forment les articulations du récit (connues aussi comme plot points dans une autre langue car le premier acte débouche sur l’intrigue [plot] et l’intrigue, c’est-à-dire l’espace de l’acte Deux, se dissout dans l’acte Trois qui apporte le message de l’auteur et de l’autrice et le dénouement, c’est-à-dire la situation essentiellement psychologique du personnage principal après qu’il ait vécu toute son aventure).
Nous constatons que le passage de l’acte Un vers l’acte Deux et celui de l’acte Deux vers l’acte Trois créent un mouvement. Lorsqu’un personnage prend la décision de rompre avec les habitudes qui lui assuraient un certain confort (ou plutôt un faux sentiment de sécurité dans sa vie) pour s’engager dans un monde qu’il ne connaît pas, il propulse le récit dans une direction nouvelle.
Les articulations du récit sont précisément cela : un choix face à un dilemme. Et lors de l’ultime confrontation, le personnage fait encore un choix qui explique le dénouement. Et ce dénouement pourrait être tragique si le dilemme consiste en deux options entre lesquelles il faut choisir la moindre des conséquences tragiques ou bien si le personnage est condamné à ne pas être capable de connaître une rédemption, ce qui laisserait entendre qu’il est déterminé par une espèce de particularité inhérente à ne jamais connaître le bonheur malgré sa volonté.
L’action décrite entre l’acte Un et l’acte Deux puis entre l’acte Deux et l’acte Trois non seulement oriente l’histoire dans une autre direction mais aussi ferre le lecteur/spectateur dans le récit. En effet, il y a une certaine usure de l’attention de ce lecteur/spectateur et elle sera ravivée parce qu’il se passe quelque chose de nouveau.
Si vous dépeignez par exemple ce que sera la société dans un proche avenir, ce que deviendront les contraintes imposées par les institutions, mais sans jamais mettre en relief pourquoi et comment un individu donné refuse ce nouvel état des lieux, votre lecteur et votre lectrice s’ennuieront au bout de quelques pages cherchant désespérément un peu d’action dans votre histoire.
Il est commun d’entendre que le premier acte sert à l’exposition des personnages et du contexte dans lequel ils se meuvent. Toute l’intrigue, l’acte Deux, est une espèce de confrontation car l’action est en effet une situation conflictuelle. Tout est prétexte au conflit. D’ailleurs, comme dans la vie réelle, il y a des difficultés. C’est en cherchant à résoudre les problèmes qui nous assaillent au quotidien que nous grandissons de nos tribulations et pérégrinations.
C’est en confrontant nos tourments que nous apprenons à vivre. Le personnage principal a un problème et il cherchera à le résoudre. De l’issue de cette lutte personnelle avec lui-même est tiré le dénouement. C’est la conclusion du récit, l’acte Trois qui comporte à la fois le message de l’autrice et de l’auteur et ce que deviendra la vie du personnage principal après avoir retrouvé un équilibre certes différent de ce qu’il était au début du récit.
La quête de ce nouvel équilibre participe à l’évolution du personnage, à faire de lui un être différent à la fin du récit qu’il ne l’était au début.
Notons aussi que la tension dramatique connaît un flux et un reflux. L’intensité monte régulièrement en puissance mais il faut réserver des moments de détente afin que le lecteur/spectateur reprenne son souffle : ce peut être un moment de rappel de la situation lorsque le personnage fait le point sur ce qu’il lui arrive ou lorsqu’on nous explique les conditions qui ont permis telle situation. Dans Retour vers le futur, par exemple, Doc explique à Marty sur un tableau noir comment le présent peut être altéré quand les événements historiques sont différents. Cette scène est nécessaire à la fois pour la compréhension de Marty mais aussi pour celle du lecteur/spectateur.
Trois actes pour être sauvé
La structure en trois actes est une forme qui se prête bien à des récits de rédemption. Nous avons ainsi trois processus : une transgression, une reconnaissance et la rédemption (ou délivrance, ou salut, en fait une réhabilitation après que le personnage se soit lui-même en quelque sorte rejeté).
Cette forme singulière cherche à obtenir une réponse auprès de la lectrice et du lecteur. Le moyen de cet effet sera alors la lente et progressive transformation du personnage entre la transgression d’un état (matériel ou psychique) vers le salut, c’est-à-dire un état psychique qui correspond mieux à la véritable nature du personnage et que, en tant qu’autrices et auteurs, nous cherchons à démontrer à un lecteur/spectateur.
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