STRUCTURE : UNE FORME PARMI D’AUTRES

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A chaque article nouveau, je donne l’impression de dire la vérité. Or, je n’ai aucun préjugé particulier ni envers le concept d’intrigue, ni sur aucune nécessité de centrer un récit sur les personnages d’abord (bien que je préfère quand il en est ainsi).
Lors de mes recherches, je découvre nombre d’approches et dans une tentative pour ne pas les trahir, je les interprète tout au plus en une espèce de recension. Ceci dit, nous pouvons considérer que l’autrice ou l’auteur d’un scénario appartiennent à une tradition assez récente. Néanmoins, ce rapport ne doit pas être exclusif : on peut écrire pour le théâtre ou écrire un roman car ces différents types d’écriture possèdent de nombreux points communs.

Le scénario, un outil ?

Effectivement, le scénario est un outil dont s’empareront d’autres corps de métiers. Seulement, l’auteur ou l’autrice d’un scénario ne devraient pas se voir comme un technicien ou une technicienne de l’écriture.

Que sait-on de l’écriture d’un scénario ? D’abord, elle offre des situations conflictuelles car sans le conflit, il n’y a pas de drame. Dans la boite à outils de l’écriture d’un récit, nous trouvons les renversements de situations et les révélations telles que l’anagnorisis qui consiste pour un personnage de prendre conscience de sa situation, de découvrir la vérité sur son environnement.. d’ouvrir les yeux..

Ces outils servent à ferrer le lecteur et la lectrice sur le récit en préservant l’étonnement sinon on observe une série d’événements qui sont aussi froid que les constatations d’une statistique. Cet étonnement face à ce qu’il se passe dans le récit est issu d’une expérience passionnelle donc forcément subjective. Par exemple, le lecteur/spectateur ressent la séparation d’avec l’être aimé du personnage principal. L’effet du récit est comme une onde qui frappe l’esprit (et même la chair) du lecteur/spectateur.

Pour être intelligible, un récit a besoin d’une structure. Celle-ci possède des articulations (ou turning points dans une autre langue). Ainsi, il est possible par exemple de distinguer trois actes : Aristote dit un début, un milieu et une fin mais autrices et auteurs n’ont aucune obligation à respecter cet ordonnancement s’ils ne le souhaitent pas.

Car ce qui importe est de faire confiance à son imagination.

La prémisse

La prémisse est l’idée au cœur du récit. Par exemple, dans Eve, la prémisse serait de savoir ce qu’il adviendrait d’une grande comédienne lorsque l’âge menacera à la fois sa beauté et sa carrière ? La prémisse n’est pas la question dramatique que pose le récit. Au contraire, elle condense et unifie ce que vous avez à dire.
La prémisse ne vous apparaîtra pas immédiatement dans toute sa clarté ; il est normal d’être confus. Au contact de l’écriture, néanmoins, elle s’affirmera progressivement avec de plus en plus de précision.

StructureLa prémisse ne décrit pas un conflit extérieur : l’héroïne ou le héros n’ont pas à combattre un ennemi extérieur. Au contraire, il s’agit d’un conflit intime.
Dans Eve, le conflit offre deux options : accepter de vieillir sans tenir compte des conséquences émotionnelles et professionnelles que cette option suggère, ou lutter pour des relations intimes et des rôles au théâtre qui n’ont plus lieu d’être. Cette lutte personnelle et son issue constituent la base du scénario. Lorsque Margo prend sa décision, le récit est terminé.

structureLe conflit s’avère donc la caractéristique majeure d’un récit surtout si celui-ci se présente sous la forme d’un scénario : deux volontés s’opposent et elles peuvent être toutes deux dans l’erreur ou bien elles sont légitimes dans leurs actes et s’expliquent aisément. Tout ce qui importe, c’est qu’elles soient de polarité inversée car tout indique la différence ; le moindre contraste est recherché. Par exemple, dans Sur les quais, l’impression sombre que renvoie Terry contraste avec la blondeur (et partant, la pureté) d’Edie.

Mais pour que cette impression soit ressentie, il faut un moyen pour la véhiculer entre ce qu’il se passe dans le récit et la lectrice ou le lecteur de ce récit. Ce sera par le personnage principal. Ce qu’il lui arrive provoque des sensations, forme des images et conçoit des idées dans l’esprit du lecteur et de la lectrice.

Nous ne subissons pas passivement ce qu’il se passe dans le récit. Celui-ci convoque des représentations et des souvenirs (Freud dirait par association) et nous substituons à l’action illustrée dans les scènes nos propres vécus même si le contenu en est totalement différent. Ainsi, le lecteur/spectateur croit reconnaître (d’aucuns emploient le terme s’identifie) dans le dilemme du personnage principal des choses qu’il a personnellement vécues. Sans cette implication du lecteur/spectateur par personnage interposé, l’effet du récit sur ce lecteur/spectateur est nul.

En surface, le personnage peut être reconnaissable par une caractéristique physique ou comportementale dominante. Cependant, lors d’un moment de révélation privée ou d’un moment où le personnage se laisse aller et se montre vulnérable, notre empathie pour ce personnage se réalise et notre identification avec le personnage est assurée.

Le changement, encore & toujours

Ce qui différencie le personnage principal de la dramatis personaæ (c’est-à-dire l’ensemble des personnages) est que celui-ci est appelé à changer au cours du récit. On peut considérer que cette dramatis personaæ est un fait social puisqu’elle est tout entière engagée dans l’objectif du personnage principal soit que ses membres soutiennent cette entreprise, soit qu’ils la perturbent.

En revanche, la transfiguration que connaît le personnage principal est particulière et totalement indépendante de ce qu’il se passe par ailleurs au vu et au su de tout un chacun (personnages, autrices, lectrices, auteurs, lecteurs).

Dans Sur les quais, Terry est confronté à ces questions : Est-ce que lui, un boxeur fatigué, peut-il être une personne plus morale que son frère Charley, un criminel dans l’âme ? Doit-il suivre les pas de son frère ou adopter une attitude plus conforme à ce que la société semble exiger de lui ? Les personnages secondaires existent aussi parce qu’ils permettent à Terry (c’est-à-dire à tous les personnages principaux qui ont jamais existé dans les récits) de ruminer ces questions en incitant ce personnage principal a rejoindre leurs camps respectifs.

D’ailleurs, les arguments avancés par l’un et l’autre camp ne sont pas conçus comme le bien et le mal ou le vice et la vertu ou toutes autres valeurs morales : chaque camp offre un intérêt certain pour le héros ou l’héroïne. Le récit rencontre alors sa conclusion une fois que le personnage principal a fait son choix, c’est-à-dire qu’il a pris une ultime décision face à son ultime dilemme.

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