Un personnage sans caractère s’immisce assez facilement dans un récit si l’on n’y prend garde. Posons, par exemple, qu’un personnage brimé, sur le point d’être émotionnellement brisé, décide brutalement de quitter l’histoire : il sort littéralement de l’action, il disparaît.
L’intérêt d’un tel rapport de ce personnage au monde dans lequel il vit est que les autres personnages responsables ou non des brimades reconnaissent qu’ils ont été trop loin, c’est cette prise de conscience qu’il est intéressant de fouiller bien que l’épuisement émotionnel du personnage intentionnellement pris pour souffre-douleur ne soit pas à négliger.
Maintenant, si les autres personnages se contentent d’admettre que, connaissant ce personnage, il ne reviendra jamais, on peut manquer quelque chose parce que le harcèlement décrit (il en existe d’autres formes) aurait été précisément parce que le personnage n’arrivait pas à prendre de décisions sur quoi que ce soit, que c’était un être facilement influençable et cela peut expliquer en partie sa faible résistance face à la persécution.
Une information cachée
Ne pas tout dire à la lectrice et au lecteur est souvent préférable. Il faut réserver une certaine durée au processus de compréhension de ce qu’il se passe dans un récit car les événements et les actions s’expliqueront après leur survenance : lectrice et lecteur assembleront progressivement les éléments disparates du récit tels qu’ils leur sont exposés par l’histoire (qui réorganise l’ordre des actions et des événements de manière à produire l’effet le plus adapté à ses exigences).
Dans mon exemple, faire dire à un personnage qu’il savait que cet autre personnage maltraité, et cela parfois sans mobile, que, le connaissant, il sait qu’il ne reviendra pas, cela signifie qu’il y a une information sur la relation entre l’être brimé et ce personnage qui le juge qui nous est donnée en regard d’un passé qui n’est pas crédible.
Ce qui manque pour que ce passé soit crédible et que cette information ait quelque portée sur le lecteur et la lectrice, c’est que l’être harcelé aurait dû être davantage développé. Un être humain est un être complexe, imprévisible. Un personnage de fiction même s’il a atteint la perfection de la statuaire grecque comme Frère au Grand Jour du Cycle de Fondation d’Isaac Asimov n’en est pas moins un être en perpétuel changement.
C’est-à-dire comme un être humain réel et cela est même vrai avec l’anthropomorphisme. Un personnage doit avoir un passé, un présent et un futur ou plus précisément peut-être un présent qui contienne à la fois le passé et l’avenir d’un personnage. Sinon c’est la volonté de l’intrigue qui l’anime.
Tout personnage participe à l’orientation de l’histoire. En fait, chaque histoire a besoin de personnages qui informent le personnage principal (et le lecteur/spectateur du même coup). Ils sont souvent en marge de l’histoire, comme un ami, un collègue ou un membre de la famille, ou même comme deux inconnus ayant une conversation que le personnage principal surprend par hasard.
Mais ce personnage principal doit avoir un sentiment d’identité, même si ce sentiment est remis en question et doit changer.
Les personnages existent dans un monde qui a été construit pour eux. Un simple brainstorming peut aider à maintenir un équilibre entre monde et personnages :
- Connaître ses personnages
Comme s’ils étaient des personnes réelles. Plus vous connaissez vos personnages, moins ils sont susceptibles de faire quelque chose de difficile à justifier. Même la spontanéité comporte quelques traces de caractérisation. Prenez le temps d’apprendre à connaître vos personnages – élaborez une biographie succincte afin de savoir qui ils sont, ce qu’ils veulent, comment ils évoluent dans le monde. - Si un personnage fait quelque chose d’inhabituel, que cet inhabituel soit singulièrement remarquable. Le problème n’est pas que les personnages se comportent d’une manière étrange. En fait, cela peut être un véritable plaisir et une partie vivifiante de l’écriture et de la lecture.
Mais si vous préparez votre personnage à faire quelque chose qui ne lui ressemble pas, donnez à cette action une grande importance dans l’histoire. Faites en sorte que d’autres personnages soient choqués, voire que le personnage lui-même soit choqué ! Ne faites pas passer cela pour une facette du personnage que le lecteur/spectateur n’a jamais vue auparavant. Même si cet aspect est mentionné dans la fiche de votre personnage, le lecteur/spectateur doit être préparé à le découvrir.
Grâce à vous, Scenar Mag existe. Merci