Écrire une histoire courte n’est pas moins facile. Quelques règles peuvent être respectées cependant. L’une des toutes premières est d’oser l’économie. Lorsque vous écrivez un scénario, gardez à l’esprit qu’une page équivaut à environ une minute. Si les courts métrages durent généralement moins de 50 minutes, il vous faudra un scénario de 50 pages ou moins.
Commencez par écrire un court métrage d’une quinzaine de pages et voyez où cela vous mène.
Un moment de la vie d’un personnage
Le scénario d’un court-métrage se concentre sur un moment singulier, un fragment précis de la vie d’un personnage. Cela implique que l’arc dramatique, c’est-à-dire l’évolution de ce personnage en bien ou en mal, ne s’applique pas dans le court-métrage. Il n’y a pas la place pour décrire les différentes étapes qui le mène d’un certain état à un autre.
Néanmoins, il y a bien une transformation chez le personnage principal et celle-ci se concrétisera en un SEUL événement. Cet événement peut être frappant ou du moins suffisamment puissant pour que le personnage principal s’interroge sur lui-même.
Dans un court, le passé de ce personnage n’est pas convoqué et nul besoin des intrications d’une intrigue telles qu’on les connaît dans le format d’un scénario de 90 ou 120 pages. Chaque scène sera pensée pour un but précis et d’une manière ou d’une autre, le récit progresse avec chaque scène.
Ainsi, se lancer dans l’écriture d’une histoire courte consiste à mettre en avant un sujet (c’est-à-dire un thème) qui dominera toute l’œuvre. Vous avez quelque chose de précis à dire : votre discours (narratif ici) se contraint de lui-même dans les limites d’une préoccupation.
Une histoire courte se concentre sur quelques événements seulement et ceux-ci iront droit au but de ce que vous cherchez à dire. Une force centripète agit sur le personnage principal qui en est le centre. Qu’il s’agisse d’une histoire romantique, d’une question de vengeance ou encore de rectifier une injustice (ou considéré comme telle), l’histoire courte ne peut se focaliser que sur un seul thème : ou ce sera une histoire d’amour (la naissance d’un nouvel amour inespéré par exemple ou affirmer avec toute l’effronterie qui peut caractériser un auteur ou une autrice que l’amour n’existe pas) ou bien vous parlerez d’une injustice faite à votre personnage principal ou à quelqu’un qui compte pour lui ou pour elle, mais vous n’aurez pas l’espace nécessaire pour traiter de deux sujets.
Qui est-il et que veut-il ?
L’approche d’un personnage dans le court-métrage n’est pas différente que lorsqu’on aborde une histoire plus longue. Avant le processus d’écriture du scénario, comprenez qui est votre personnage et ce qu’il veut dans cette histoire singulière.
De quoi a t-il peur ? Est-ce que quelqu’un ou quelque chose le menace comme étant dangereux, douloureux ou blessant (physiquement ou spirituellement) ? Que veut-il ? C’est-à-dire quel est son désir ? Veut-il quelque chose ou se débarrasser de quelque chose ? Veut-il qu’un événement précis se produise ?
Qu’est-ce qui se met en travers de son désir ? Est-il tout empli d’une croyance ou pire d’une opinion qui le circonstraignent dans des limites qui ont drastiquement réduit son horizon ?
Déterminer ce que sera cette croyance vous donnera votre thème. Si votre personnage principal s’est persuadé que l’amour lui est inaccessible parce que son éducation lui a inculqué que la chair était péché mortel, les événements que vous décrirez dans les quelques pages de votre histoire courte seront orientés de manière à ce qu’il fasse table rase de ce mensonge (si tel est votre message) qui a régi sa vie jusqu’à présent (c’est-à-dire au moment où lectrices et lecteurs font sa connaissance).
Comme je l’ai précisé, cette prise de conscience fait l’objet d’un seul événement (qui peut néanmoins se découper en quelques scènes).
Un récit court se caractérise par une dramatis personæ (l’ensemble de vos personnages) réduite car multiplier les différents personnages, c’est prendre le risque de vous éparpiller vers des thèmes et des choix narratifs qui vous éloignent de l’avancée d’une intrigue qui doit être rapide.
En pratique, trois personnages fondamentalement différents peuvent participer efficacement à construire une histoire courte.
Commencer fort
Une histoire courte a tout autant besoin d’un prologue que n’importe quel autre fiction. C’est le teaser des anglo-saxons dont la finalité est de capter aussitôt l’attention du lecteur et de la lectrice. Faites usage du In Media Res qui consiste à lancer une action alors que celle-ci a déjà commencé. Par exemple, imaginez un chevalier solitaire qui traverse une forêt emplie de ronces et d’épines. Joseph Campbell reprenant Jung dirait qu’il s’agit d’une représentation de notre inconscient mais là n’est pas mon propos.
Donc, le chevalier traverse la forêt et aboutit à une clairière où il découvre quelque chose (destiné à faire avancer l’intrigue justement). Le In Media Res nous autorisera alors à montrer la limite de la clairière et s’en dégageant avec plus ou moins de peine le chevalier qui aperçoit alors l’objet intrigant posé au milieu de la clairière.
Le voyage à travers l’épaisse forêt puisque ce n’est pas de ce symbolisme dont je veux parler m’est inutile parce que j’écris une histoire courte. Si ce n’est pas le cas, alors la terrible traversée de la forêt peut être décrite dans une séquence qui aura du sens dans l’ensemble de mon récit de 90 ou 120 pages mais pour une histoire d’une quinzaine de pages, seul la clairière est suffisamment significative.
Dans un récit, la succession des événements mène à un dénouement. Dans un dénouement, vous impliquez totalement votre lectrice et votre lecteur ou votre lecteur/spectateur. Soit ils sont heureux de la conclusion que vous leur proposez, soit ils se trouvent offensés par votre message mais dans un cas comme dans l’autre, vous les faites réagir à votre discours.
En pratique, cela signifie que les questions que vous avez soulevées au cours de votre récit doivent trouver réponse dans le dénouement.
Merci de votre soutien. Notre credo est le partage et ce monde en a besoin.