Poursuivons notre analyse du sens que Joseph Campbell entend dans le mot et l’image des abysses. Dans le prologue de The Hero with a thousand Faces, Campbell mentionne : Beneath this spot is the earth-supporting head of the cosmic serpent, the dragon, symbolical of the waters of the abyss, which are the divine life-creative energy and substance of the demiurge, the world-generative aspect of immortal being.
the earth-supporting head of the cosmic serpent
Référons-nous à la théologie indienne. Le symbole du serpent est un élément inséparable du culte de Shiva. Il a d’ailleurs de nombreux parallèles dont le dragon (Campell juxtapose serpent et dragon dans sa phrase).
Faisons un détour dans le dictionnaire sanskrit. Nous y trouvons budhnya dont la définition est : qui appartient ou provient des profondeurs ; dragon des profondeurs (habitant les profondeurs de l’atmosphère ou du firmament) ; Ahirbudhnya est un épithète de Shiva.
Budhnya vient de budhna qui signifie : être sur le sol ou à la base, venir de ou appartenir à la profondeur.
Il est étonnant qu’un tel concept se soit répandu dans le monde entier. Selon la mythologie populaire de l’Inde, le nâga (les Nagas sont des êtres mythiques de l’hindouisme moitié hommes et moitié serpents) Vâsuki tient la terre sur l’une de ses têtes et lorsqu’il est fatigué et qu’il déplace le fardeau d’une tête à l’autre, il y a un tremblement de terre.
Vâsuki vit aux enfers ou l’enfer, tout lieu de ténèbres ou d’éternelles souffrances. Le lieu dont parle Campbell (Beneath this spot) est la terre éternellement figé dans l’univers. Sous ce lieu demeure Vâsuki.
symbolical of the waters of the abyss
Dans The Hero with a thousand Faces, Campbell parle du World Navel (le nombril du monde). Le nombril du monde est le centre de l’univers et le point à partir duquel la force vitale pénètre dans le monde.
Les Grecs l’appelaient l’Omphalos. Il peut être symbolisé par une scène se déroulant dans une église ou un temple, une forêt, près d’une source ou d’une rivière, ou au cœur d’une maison, son foyer.
D’autres symboles du World Navel incluent le centre d’une spirale ou le centre d’un groupe de cercles concentriques. Campbell mentionne que la croix de la Passion est également l’un de ces symboles.
Un autre terme pour le nombril du monde est l’œuf du monde (pondu par le serpent, un des plus anciens mythes de la création) qui se rapporte au potentiel vital du monde. L’Omphalos ressemble à un œuf.
Brian Froud, l’artiste du film The Dark Crystal, cite à la fois Jung et Campbell lorsqu’il fait référence à l’Anima Mundi – l’âme du monde, qui est un autre terme pour le nombril du monde (ou Œuf, Omphalos).
L’Anima Mundi sert de médiateur entre la divinité ultime et le monde sensoriel terrestre, tout comme l’âme humaine sert de médiateur entre le corps et l’esprit.
Pour l’autrice et pour l’auteur
Le World Navel est l’un des éléments les plus importants de la structure mythique et pour votre héroïne ou votre héros, cet omphalos constitue la base du voyage. Le nombril du monde est le système de croyances de vos personnages, leurs philosophies personnelles sur la vie, le thème central de leur vie spirituelle.
Au plus profond de leur cœur, que croient vos personnages ? Sur quelles parties profondes d’eux-mêmes devront-ils s’appuyer pour achever leur voyage ? En quoi ont-ils foi ?
Pour Ismaël, le solitaire et épique héros de Herman Melville, ce sera la conséquence salvatrice du fait qu’il aura enfin une vue complète et dégagée de Moby Dick au dernier jour de la chasse. Toute la puissance du nombril du monde, de la baleine, se déversera en lui, sous la forme d’une énergie spirituelle ou de grâce, et le soutiendra face à la mort.
Car, dit Campbel, sous cette région se trouve la tête du serpent cosmique, le dragon, qui soutient la terre et symbolise les eaux de l’abîme, qui sont l’énergie et la substance divine créatrice de vie du démiurge, la dimension engendreuse de monde de l’être immortel.
En tant que héros spirituel accompli, Ismaël est donc lui-même le point ombilical par lequel les énergies de la vie entrent dans la création.
Au chapitre 99 de Moby Dick, Melville mentionne le doublon au grand mât. Ce doublon n’est rien d’autre qu’un objet (qu’il soit d’or n’ajoute rien à sa signification) mais en tant que symbole, il révèle que tout objet, qu’il soit insignifiant ou extraordinaire, s’ouvre sur une dimension spirituelle et peut être un lieu de connaissance et de pouvoir insoupçonné.
A ce moment, Ismaël a sondé son âme, maîtrisé son ego et conséquemment, est parvenu à une compréhension totale de son être.
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