La caractérisation et l’histoire sont interdépendantes, et le lien qui les unit est l’objectif, c’est-à-dire ce que veut un personnage car c’est le fondement sur lequel autrices et auteurs construisent et étoffent chacun des personnages.
Les objectifs des différents personnages déterminent le cours des événements et sont la clé pour comprendre ces personnages et leur comportement. Ce comportement, d’ailleurs, détermine la ligne dramatique global décrivant comment tous ces personnages essaient par différents moyens d’obtenir ce qu’ils veulent, d’accomplir un désir en quelque sorte.
Dans Casablanca, ce que Rick veut, c’est de ne pas s’impliquer dans les événements malgré la pression de son entourage. Dans Les Quatre Cents Coups, Antoine veut trouver sa place dans le monde, une place où il est aimé et apprécié.
Sa quête de cet objectif en dit long sur le côté espiègle et troublé de son personnage et contribue à créer la série d’événements qui composent l’histoire.
Le rapport à l’objectif
L’aspect d’un personnage peut aider à le caractériser ; porter une chemise hawaïenne peut signifier une certaine personnalité. Mais la clef pour comprendre un personnage revient toujours à l’objectif qu’il s’est fixé et aux moyens employés pour l’atteindre.
Des attributs physiques ne donnent pas une personnalité : un personnage chauve ne révèle rien de sa vie intérieure si cet attribut ne définit pas une attitude du personnage envers lui-même. Considérons Cyrano de Bergerac. Son énorme nez est partie prenante de sa caractérisation pour la simple raison que ce nez est crucial dans la manière dont Cyrano se perçoit. Son nez est la source de son sentiment d’infériorité ET de son sentiment de supériorité ; il est le moteur de ce à quoi il excelle et de ses craintes.
Nous en venons à voir le nez de Cyrano comme un élément formateur central de tout son être, faisant ainsi de cette caractéristique une voie d’accès à la vie intérieure du personnage.
Les conditions qui enveloppent un personnage qu’elles soient handicapantes comme ce nez de Cyrano ou sociales comme l’appartenance à une certaine classe ou encore des questions raciales, religieuses ou de genres ne seront légitimes et nécessaires qu’en participant à la définition de la personnalité d’un personnage.
Presque tous les personnages d’un récit veulent quelque chose. Ces désirs, ces forces s’entrechoquent et créent l’histoire, poussant les personnages à révéler leur moi intérieur. La révélation de cette vie intérieure est l’essence de la caractérisation.
Les désirs justifient l’action et cette manifestation d’une volonté singulière nous permet d’atteindre l’intimité d’un personnage et de le comprendre. Les personnalités peuvent être dépeintes sur la base de ces désirs, et des scènes peuvent être construites sur des désirs opposés (ou sur une vue divergente pour accomplir un désir).
Le conflit peut n’être qu’une légère friction de tempéraments qui s’exaspèrent l’un l’autre, ou bien il peut représenter un affrontement écrasant de volonté ; mais sans au moins une certaine mesure de conflit comme dans le cas d’une exposition, une scène semblera certainement inanimée.
Des personnalités différentes, ainsi que des objectifs opposés, peuvent engendrer des conflits. Cela signifie que l’autrice ou l’auteur comprennent leurs personnages – tout ce qui les concerne, comme s’il s’agissait de proches connaissances personnelles.
En fait, ils en sauront beaucoup plus sur les personnages importants que ce qui peut être intégré dans l’histoire ou exigé par celle-ci. Ce n’est qu’en comprenant les désirs profondément ancrés des personnages qu’auteurs et autrices peuvent dépeindre des motivations de manière plausible, rendant les personnages crédibles et leur comportement naturel et cohérent. Et ce n’est qu’en en sachant plus sur les personnages que ce qui peut être utilisé dans le récit qu’un auteur peut rendre un scénario riche et complet, vivant et réaliste, texturé et, finalement, crédible.
Les personnages ignorent qu’ils sont dans un récit
Un personnage ne sait pas quelle est sa fonction dans l’histoire. Les notions d’antagoniste, de protagoniste, de mentor.. lui échappent totalement. Chacun d’entre eux est au cœur de sa propre vie fictive. Ses comportements, sa vision des choses relèvent d’une combinaison de son vécu, de ses expériences.
Un personnage secondaire qui ne sait pas qu’il est secondaire s’opposera naturellement à la volonté du protagoniste (qui est arc-boutée sur un objectif). Ce conflit étoffe le personnage avec
une économie et une simplicité parfois étonnantes. Mais un personnage qui sait que son existence est subordonnée à celle du protagoniste s’effacera devant le désir de celui-ci plutôt que de poursuivre activement ses propres buts et autres desseins. Cela sape le potentiel conflictuel et partant, le drame.
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