Ernest Lehman a écrit qu’un des moyens d’écrire une scène d’exposition (c’est-à-dire de communiquer des informations) est d’utiliser une scène de conflit afin de forcer un personnage à dire les choses que le lecteur & la lectrice ont besoin d’entendre.
Nous sommes les témoins d’une action et pourtant, l’intention de l’auteur ou de l’autrice est de nous dire ce que nous avons besoin d’entendre pour comprendre ce qu’il se passe dans l’intrigue ou ne serait-ce que pour comprendre l’attitude d’un personnage (qui, lui, connaît déjà ces mêmes informations le concernant).
Selon Lehman, l’humour est aussi un moyen de communication fort utile lorsqu’il s’avère que communiquer ou exposer ce qu’il s’est passé autrefois devient nécessaire. Les faits qui ne sont pas évidents pour le lecteur/spectateur à partir des événements qui se déroulent sous ses yeux, mais dont il doit être informé, sont traités par le dispositif narratif appelé exposition.
Plus phénomènes qu’événements, ces faits peuvent appartenir au passé (d’un personnage ou du monde) mais aussi ils peuvent être des sentiments, des désirs avoués ou confus, les erreurs du passé ou encore la manifestation étonnante de ces erreurs ou bien des manques (ou besoins) ou aspirations qui ne peuvent s’exprimer autrement que dans une exposition qui brise, certes, le rythme de l’action mais nécessaire pour que cette action fasse sens.
Le personnage sait
C’est l’embarras avec les scènes d’exposition : Dire ou faire dire par les personnages ce qu’ils sont censés ne pas ignorer.
Il nous faut connaître (en tant que lecteurs et lectrices) les circonstances entre les limites desquelles un personnage agit. Un personnage agit ou réagit parce qu’il a pris une décision ou est sous le coup d’une réponse émotionnelle. Mais cette action se fonde sur une cause. Elle est un effet ou une conséquence de quelque chose qui aurait très bien pu se produire avant le début du récit.
L’exposition doit être utilisée avec parcimonie, car il s’agit d’un dispositif narratif plutôt que dramatique. La sur-utilisation de l’exposition devient rapidement ennuyeuse pour le lecteur/spectateur.
En pratique, il suffit d’en saupoudrer l’acte Un avec quelques bribes car lecteurs et lectrices se saisissent rapidement d’une situation sans qu’un lourd matériel historique préliminaire ne leur soit imposé. La plupart des récits ont besoin d’au moins quelques éléments d’information pour se lancer et, au fil des siècles, les dramaturges les ont fournis de différentes manières. Les pièces grecques s’ouvraient souvent par un chœur formel dans lequel les événements historiques précédant la pièce étaient passés en revue. Le prologue ou le chœur a survécu au théâtre sous la forme d’un narrateur ou d’un personnage qui s’adresse directement au public.
Le pendant cinématographique du narrateur ou du chœur est la narration en voix off, souvent par le personnage principal (Sunset Boulevard ou American Beauty par exemple). L’exposition peut généralement être rendue plus captivante si elle est révélée par le conflit, et c’est la méthode la plus répandue pour la traiter. L’information exposée devient alors une sorte de résultat d’une scène qui est dramatiquement intéressante en soi.
Les scènes sont dramatiquement riches et stimulantes pour le lecteur/spectateur. L’exposition n’est pas cachée ; elle se dévoile simplement pendant que nous sommes absorbés par le conflit entre deux personnages intéressants.
C’est une interprétation des Quatre cents coups (car je ne suis pas critique) mais Les Quatre cents coups s’ouvre sur Antoine tout prêt à s’attirer des ennuis, montrant l’espièglerie et l’humour de son personnage, et la nature de son amitié avec René.
Au début, nous ne pouvons que deviner les raisons de l’espièglerie d’Antoine ; nous imaginons car nous essayons de comprendre. Une fois qu’il est à la maison avec sa mère, que nous assistions à son lever, c’est-à-dire à l’exposition de ses conditions de vie, nous sommes déjà accrochés au garçon et à son comportement, à sa détresse.
Faire & Dire
Quelques indices peuvent suffire pour projeter de futures révélations ou informations que lecteurs et lectrices veulent entendre. Les actions des personnages permettent à ces mêmes lecteurs d’expérimenter et de découvrir par eux-mêmes :
- qui est le personnage,
- ce qu’il fait,
- les circonstances dans lesquelles il fait ce qu’il fait,
- et pourquoi fait-il ce qu’il fait.
Pour éviter que l’exposition ne plombe une scène, installez un conflit même insignifiant. La présence conflictuelle permet de distraire l’attention et de faire passer une pilule qui pourrait s’avérer ennuyeuse.
Ne chargez pas vos premières scènes par un afflux d’information. Cela donne une séquence d’ouverture statique guère passionnante avant que l’histoire elle-même ne commence à se déployer. Une bien meilleure tactique consiste à utiliser des indices et des révélations partielles, des petits mystères et des énigmes, des démentis et des opinions contradictoires des personnages sur des questions d’exposition.
Tous ces éléments sont des moyens de faire travailler le lecteur/spectateur (et donc de le faire participer) pour qu’il acquière des connaissances de base sur les événements dont il est témoin. En poursuivant l’histoire et en laissant lecteurs et lectrices découvrir la majorité de l’exposition au fur et à mesure que le récit se déroule, le scénariste est en mesure de placer les personnages dans leur vie quotidienne et de nous laisser découvrir les mystères qui se cachent derrière cette vie.
Pour résumer :
- N’exposez pas ce qui n’est pas essentiel et qui deviendra clair par la suite. Un récit possède un cours naturel et les informations se donneront d’elles-mêmes.
- L’exposition nécessaire s’affichera à travers une situation conflictuelle et parfois avec humour.
- Retenez l’information jusqu’au moment où son effet sera dramatiquement puissant.
- Saupoudrez l’information, ne la déversez pas car lecteurs et lectrices tenteront désespérément de donner du sens et seront vite confus quant à ce qu’il faut comprendre.
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