L’action a ses conventions. Celles-ci se manifestent lors de scènes spécifiques attendues par ceux et celles qui apprécient le genre.
L’action se concentre autour d’un consensus moral : le bien contre le mal, question de vie ou de mort. Un individu juste un peu différent de la banalité doit combattre les forces du mal qui jettent sur son chemin de terribles obstacles.
Après avoir surmonté ses difficultés, l’individu habituellement triomphe. En quoi cet individu est-il différent ? Il ne trouve pas sa place dans le monde. Incompris des autres, on peut presque le considérer comme un paria.
Les situations personnelles et sociales éclatent et l’on se reconnaît plus souvent dans l’action que dans n’importe quel autre genre. Se sentir différent ou incompris, nous l’éprouvons, l’avons éprouvé et indubitablement, nous l’éprouverons encore. Et l’action devient alors un moyen de soulager la souffrance.
L’action nous montre comment nous pouvons non seulement embrasser les choses qui nous rendent différents, mais aussi comment nous pouvons utiliser ces choses pour lutter contre les forces du mal dans nos vies.
Nous avons le pouvoir d’être le héros & l’héroïne de notre propre histoire et de faire une différence dans le monde, aussi.
Un genre hybride
L’action permet de colorer les genres. Romance, mystère, aventure, fantasy… tous profitent de l’action pour démontrer l’importance de la survie dans un monde qui ne s’y prête pas. Il est vrai que les scènes d’action nous sortent de notre quotidien sans que nous ayons à risquer nos vies. L’enjeu de vie et de mort est contraint entre les limites de la fiction.
Cependant, nous espérons de cette démonstration qu’elle nous inspire à voir en nous-mêmes que nous pouvons faire mieux. C’est donc cela, bien plus que la dichotomie du bien et du mal, qui nous rassure en nous disant que si nous continuons, si nous embrassons nos dons ou talents uniques, nous savons que le bien finira par l’emporter.
En fiction, l’expérience émotionnelle est exigée par le lecteur et la lectrice. Certaines scènes sont précisément conçues pour cela. Elles illustrent des événements qui doivent nécessairement se produire, des décisions qui doivent être absolument prises et des révélations non moins autant indispensables.
D’emblée, dès l’acte Un, se produit un événement qui fait la démonstration que la force antagoniste est puissante, violente. Ses agissements peuvent être exagérés mais cela n’a pas d’importance car ce qui nous relie à la réalité est l’effet déstabilisant que cette action a sur le personnage principal, c’est-à-dire sur nous-mêmes puisque nous en reconnaissons plus ou moins les détails.
Cette scène se positionne souvent dans l’incident déclencheur. En général, le protagoniste ne ressent pas le besoin de répondre à cette attaque, ou bien il choisit d’éviter l’engagement parce qu’il est concentré sur un autre objectif.
Dit autrement, il part du principe que ce qu’il s’est passé dans cette scène est le problème de quelqu’un d’autre, et il fait donc le minimum d’effort nécessaire pour répondre, évitant ainsi la responsabilité qu’on attend pourtant de lui.
Tony Stark, dans Iron Man, est pris en otage par des terroristes dès la séquence d’ouverture. Ceux-ci lui offrent la liberté en échange de la fabrication d’une arme de destruction massive. Stark se précipite t-il dans cette opportunité ? Que nenni, il montrera de la réluctance parce qu’il sait que les terroristes ne tiendront pas leurs promesses.
Vous m’objecterez quelle est la responsabilité que Stark nie ? Celle d’avoir conçue cette arme.
Un engagement en deux étapes
L’embarras pour le personnage principal est qu’il n’a pas vraiment identifier ce contre quoi il devra lutter. Il a besoin d’informations sur ce qu’il s’est passé (généralement avant le début de l’histoire). Ce n’est que lorsqu’il sera en possession de ces informations qu’il commencera à donner du sens aux événements.
Progressivement, le chaos s’éclaircit. Par exemple, si vous avez décrit une prise d’otage dans la séquence d’ouverture, le héros ou l’héroïne ne comprendront pas immédiatement la situation. Essentiellement, ce second mouvement attendu par le lecteur/spectateur consiste pour le personnage principal à tenter de rétablir l’ordre pour lui-même et pour les autres.
Dans Les Gardiens de la Galaxie, Peter, dans un premier temps, croit que d’empocher sa part de la vente de l’orbe lui permettra de se tirer d’affaire. Il a abouti à cette conclusion parce qu’il n’a pas encore les moyens de mesurer l’ampleur de la menace.
C’est une convention de l’action de retarder la prise de conscience de son personnage principal. Comme toutes les données ne lui sont pas encore parvenues, il réagit selon ses habitudes qui fonctionnaient autrefois mais totalement inadaptées à la situation présente.
Puis vient le troisième mouvement : la révélation de la menace. Ne pas savoir est un malaise qui ne doit pas durer car le lecteur/spectateur ne le supporterait pas. Rapidement, le protagoniste apprend la vraie nature ou le but de l’antagoniste. Donc, essentiellement, il découvre ce que l’antagoniste veut et pourquoi il le veut.
Concrètement, ce sera l’action du protagoniste (fonction proactive par nature) qui forcera l’antagoniste à se dévoiler. Ainsi le protagoniste prend conscience que les choses ne pourront jamais revenir à la normale et que ses tentatives actuelles pour rétablir l’ordre contre l’antagoniste ne résoudront pas le problème. Cette scène est souvent le point médian du récit.
Dans Les Gardiens de la Galaxie, Peter et son équipe apportent l’orbe au Collectionneur et apprennent qu’il ne s’agit pas d’un orbe ordinaire, mais d’une pierre d’infinité capable de détruire des planètes entières.
Cela oblige Peter et toute l’équipe à reconsidérer leur plan pour le vendre. Maintenant qu’ils savent ce que Ronan veut et pourquoi il le veut, peuvent-ils encore le vendre au plus offrant ?
Une stratégie fautive
Le personnage principal a un plan initial. Il le met en œuvre dès la première partie de l’acte Deux. Seulement sa volonté sera contrée par la toute-puissance de l’antagoniste qui surpasse largement les capacités actuelles du héros ou de l’héroïne surtout parce qu’ils ne se sont pas encore révélés à eux-mêmes.
Accompagnés d’un terrible sentiment d’échec, héros & héroïnes aboutissent à la nuit obscure de l’âme ; ils sont au creux de l’abîme et tout leur semble perdu. C’est ainsi lorsque le doute devient certitude. Persuadés de l’imminence de la destruction, héros & héroïnes envisagent leur fin. C’est un moment de puissante désespérance et celle-ci devrait être totale.
Dans Hunger Games, lorsque Rue est tuée sous les yeux de Katniss, Katniss pleure la mort de Rue en recouvrant son corps de fleurs, puis elle se tourne vers le ciel et lève trois doigts : un acte qui montre qu’elle est prête à affronter le président Snow et le Capitol.
Katniss est passée d’une fille obsédée par la survie et prête à tout pour gagner à une personne décidée à se rebeller contre le Capitol (un défi apparemment impossible à réaliser) et à donner un sens à ses derniers instants (à ce moment, Katniss devient une possible victime sacrificielle comme préalable à son éventuel triomphe).
Sans qu’elle soit reliée à la nuit obscure de l’âme, une autre scène est attendue par les lecteurs et les lectrices : celle dans laquelle le personnage principal est à la merci de son antagonisme. Mais il possède un atout que nous connaissons déjà. Ainsi, il ou elle doit utiliser son don, son talent ou sa compétence particulière pour se sauver et sauver les autres.
Cette faculté ne sera pas un deus ex machina, elle sera connue dès les premiers moments de notre rencontre avec le héros ou l’héroïne.
C’est souvent le moment du climax, l’ultime rencontre entre le protagoniste et l’antagoniste. Tout ce qu’il s’est déroulé jusqu’à présent conduit à ce moment. Auteurs et autrices nous confient leur message lors de la conclusion du climax.
Cette scène d’action est souvent une lutte concrète : héros & héroïnes combattent non seulement pour leurs vies mais aussi pour celles de ceux qu’ils aiment et, geste héroïque s’il en est, pour la vie des innocents.
Lorsque Tony Stark (Iron Man) rencontre Stane pour leur dernière confrontation, son réacteur ARK n’est pas assez puissant face à celui de Stane. Au plus fort du conflit, Stane tient Tony à sa merci, mais heureusement Tony et Pepper travaillent ensemble pour faire exploser le gros réacteur ARK de l’usine et Stane ainsi que son armure sont détruits.
Nous avons ici un effet miroir sur la responsabilité de Stark concernant les armes de destruction massive. En détruisant le réacteur ARK de l’usine Stark, Tony reconnaît sa faute et en avouant au monde qu’il est Iron Man, peut-être cherche t-il la rédemption ou le pardon ?
Sacrifice et récompense
Lorsque l’action imprègne un récit, le lecteur/spectateur s’attend à ce que le sacrifice du héros ou de l’héroïne soit récompensé. Il s’agit essentiellement de conclure l’histoire et de donner aux lecteurs le sentiment que le sacrifice du protagoniste en valait la peine et que ses actions avaient un sens. Alors, à quoi ressemble leur vie maintenant ? Comment les choses ont-elles changé pour en faire une nouvelle vie ?
Dans Les Gardiens de la Galaxie, Peter et son équipe survivent à la confrontation avec Ronan l’Accusateur. Ils sont maintenant amis. Le vaisseau de Peter est réparé, son dossier est effacé et le gouvernement xandrien leur accorde son pardon.
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