GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (10)

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Sur la fiche du personnage d’Éric, j’ai précisé précédemment :

Donc Éric pourrait ne plus croire au bonheur. Lorsqu’il rencontre Ariane, il est tout empli de ce sentiment.

Et sur la fiche du personnage d’Ariane :

Tout comme Éric, Ariane a besoin de combler un vide affectif.

Cela m’a donc conduit à penser qu’autant Ariane qu’Éric ont tous deux le besoin de se sentir aimé mais à y donner une seconde pensée, je crois que pour chacun d’entre eux le désir est de se sentir aimé mais le besoin est de se laisser aimer.

Donner une forme

Toutes les idées qui nous viennent à l’esprit, nous tentons de les organiser en fiches pour nos personnages ou pour les thèmes que nous souhaitons aborder mais même les fiches finissent toujours dans le chaos.
On pense alors faire un plan : notre récit aura un début, un milieu et une fin. Glenn Gers préconise qu’à cette fin, nous organisions nos idées réparties à travers toutes ces fiches en scènes. Ces scènes seront alors structurées en actes.

Jusqu’à présent, nous avons établis quelques scènes :

– Où nous découvrons qui est Éric

– La rencontre entre Ariane et Éric

– Le dénouement

– La rencontre avec l’animateur : sa mort mystérieuse suivie de la constitution du groupe qui cherchera à élucider ce crime.

– Le cliffhanger qu’envisage Gers pour son pilote est que le tueur de l’animateur dont on ignore à la fois l’identité et qu’il est déjà un membre du groupe menacera directement Éric et Ariane mais sans se manifester à eux leur prouvant ainsi qu’ils sont sur la bonne piste. Ce cliffhanger vient s’ajouter à la liste des scènes. Disparition d’Ariane ?

Pour le moment, je n’ai pas encore retenu l’idée de Glenn Gers qui consiste à ce que le véritable coupable du meurtre de l’animateur déguise son acte criminel en empruntant le modus operandi d’un véritable serial killer de manière à détourner les soupçons sur lui.
La fiche personnage du serial killer tel que je le conçois est assez différente. Les motifs que je lui ai donnés en font davantage une victime que le mal incarné ce que serait le meurtrier & le serial killer de Glenn Gers.

Un conseil que rappelle Gers et qu’on a tendance à oublier est que le pilote d’une série doit présenter les personnages majeurs de la saison, c’est-à-dire ceux qu’on nomme récurrents.

Ma façon de voir les choses

Glenn Gers a imaginé un personnage qui se faisant passer pour un serial killer tue l’animateur d’un podcast. Mais cette imposture met en branle le véritable serial killer. Gers propose donc la présence de deux méchants de l’histoire.

  • Pour le dénouement de la saison, il prévoit que l’assassin et le serial killer mourront des mains d’Éric et d’Ariane (sous le motif d’une légitime défense).
  • La stratégie d’Ariane et d’Éric est de mettre en place le même plan machiavélique que celui utilisé par l’assassin et de le piéger de la même manière qu’il a attiré l’attention sur le serial killer pour masquer son crime.
  • Ariane et Éric parviendront alors à réunir en un même lieu l’assassin et le serial killer pour une confrontation finale au cours de laquelle ils l’emporteront. Ce sera au cours de cette stratégie que Éric et Ariane confirmeront leur amour.
  • Ce que cherche à faire Glenn Gers est de créer un effet miroir entre le pilote et le dernier épisode. Cette symétrie consiste à recréer une situation similaire à celle du pilote dans laquelle un individu est accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis (même si cet individu est un sérial killer, il est innocent de ce dont on l’accuse).

Ce qui m’embarrasse est qu’il y a deux antagonistes. J’ai donc orienté mon récit de manière à ce que le serial killer soit l’assassin de l’animateur, qu’il rejoigne incognito le groupe qui est à sa recherche et qu’à l’intérieur du groupe, il parvienne à convaincre les autres que l’un d’entre eux est le coupable.

Je garde ainsi mon concept de l’innocent injustement accusé et je ne maintiens qu’un seul antagoniste.

Maintenant, j’ai tout de même besoin d’un effet miroir. Mais cela ne concerne que le final de la série. Je n’ai pas besoin de prendre un tel risque maintenant mais je sais déjà qu’il me faudra un effet miroir pour le final d’où l’importance de bien penser le pilote selon ce que je cherche à obtenir au moment du final.

Une culpabilité

Il y a quelque chose de définitivement intéressant dans le fait que l’individu désigné par le serial killer meurt au cours du pilote afin que le groupe et dans la foulée Ariane et Éric ressentent un fort sentiment de culpabilité lorsqu’il sera révélé plus tard que cet individu était innocent.

Je note l’idée dans le plan en cours de construction :

– La mort de l’innocent : l’individu injustement accusé par le serial killer se suicide ou est tué par le groupe. Il en résulte un sentiment de culpabilité parmi le groupe.

Ce sera aussi un thème majeur et je note donc sur ma fiche thématique :

– Accepter le sentiment de culpabilité
Éric et Ariane devront vivre avec l’idée qu’ils sont indirectement coupables de la mort d’une personne.

Les thèmes apparaissent au fur et à mesure de la réflexion. Celle-ci m’amène d’ailleurs à m’interroger sur l’idée de Glenn Gers d’introduire deux antagonistes dans son récit. Selon ce que je comprends, c’est par comparaison que Gers établit le mal : les actes du copycat d’un serial killer sont plus mauvais que ceux de son modèle.

En effet, Gers accorde des circonstances atténuantes au serial killer qui agirait sans prendre conscience de la gravité de ses actes qui relèveraient de la folie alors que le copycat agit volontairement. La folie du serial killer le rend irresponsable alors que la volonté du copycat est de tirer un profit personnel.

À nouveau, le thème de la culpabilité ou plus précisément de la responsabilité de ses propres actes surgit de cette pensée. Pour m’accorder à Gers mais en maintenant néanmoins la présence d’un seul antagoniste (car deux antagonistes m’apparaissent comme redondants), il me faut renforcer et rendre clair le sentiment de culpabilité qu’éprouve le groupe après la mort de l’innocent.

Rejoindre les expectations de deux publics

Gers écrit une comédie romantique et un thriller. Un genre ne peut se fondre dans l’autre car il disparaîtrait. L’exercice est difficile car chaque genre possède ses propres conventions ou styles d’écriture et il faut respecter ce qu’on attend de l’un et l’autre.

Dans une romance le moment structurel du Dark Night of the Soul consiste à ce que les deux amants soient séparés sans qu’il apparaisse qu’ils soient réconciliables. Dans un thriller, ce même moment illustre la vulnérabilité du personnage principal. A aucun autre moment au cours du récit, il n’a été aussi fragilisé, aussi désespéré. All is lost, tout lui semble perdu (et nous, lecteurs et lectrices, le croyons aussi).

La disparition d’Ariane à la fin de l’épisode serait à la fois ce Dark Night of the Soul qu’éprouverait Éric d’être incapable de protéger Ariane ainsi que le cliffhanger pour le prochain épisode. Gers insiste néanmoins sur la vulnérabilité de ses deux personnages. Il me faudra aussi illustrer cet aspect des choses dans ma propre interprétation des idées de Glenn Gers.

Glenn Gers envisage arbitrairement 7 épisodes pour sa série. Probablement pour se fixer les idées, il établit que l’épisode 7 (donc le final de la série) sera la confrontation entre le copycat, le serial killer et les deux amants.

Le pénultième épisode consisterait en la séparation des amants car ils auront fait un mauvais choix (qui reste à déterminer) et se rendent ainsi vulnérables vis-à-vis du copycat (celui-ci est le méchant de l’histoire et non son modèle).

Quant au pilote, il introduit tous les personnages récurrents de la série. Cet épisode sera fait de rencontres : rencontre des deux amants en devenir, l’un des deux tombe amoureux de l’autre mais ce sentiment d’affection n’est pas encore retourné ; la mort de l’animateur et la rencontre avec le tueur du moins avec son modus operandi ; et à la fin de l’épisode, le tueur se met en chasse des deux amants qui deviennent ainsi sa nouvelle proie.

Je l’avoue, personnellement, je préfère concentrer les choses et n’envisager le futur que comme conséquences de mon action présente. Je sais qu’il y aura plusieurs épisodes mais je ne veux pas m’imposer ce qu’ils contiendront le moment venu.

Gers reconnaît aussi que si le pilote ne trouve pas d’investisseurs, ce qui le suit n’a plus de raisons d’être. Ce que fait Gers, à mon sens, c’est de poser des jalons qui lui serviront de guides. Quant à moi, je retiens pour le moment que la disparition d’Ariane servira à la fois de cliffhanger et de Dark Night of the Soul pour ce pilote.

La structure

Le plan que nous établissons au fur et à mesure de nos réflexions commence à dessiner une structure. La psychologie des personnages est abordée sur les fiches personnages respectives. Mon plan actuel :

– Où nous découvrons qui est Éric

– La rencontre entre Ariane et Éric

– La rencontre avec l’animateur : sa mort mystérieuse suivie de la constitution du groupe qui cherchera à élucider ce crime.

– La rencontre avec le serial killer mais la présentation qui en sera faite sera fausse. Nous ne savons pas qu’il est un tueur. Au contraire, c’est un personnage qui doit attirer la sympathie.

– Ariane refuse de récupérer les documents.

– Le serial killer demande à Éric de récupérer les documents mais celui-ci refuse.

– Le dénouement – Dark Night of the Soul : Disparition d’Ariane.

– Le cliffhanger qu’envisage Gers pour son pilote est que le tueur de l’animateur dont on ignore à la fois l’identité et qu’il est déjà un membre du groupe menacera directement Éric et Ariane mais sans se manifester à eux leur prouvant ainsi qu’ils sont sur la bonne piste. Ce cliffhanger vient s’ajouter à la liste des scènes. La Disparition d’Ariane peut servir de cliffhanger.

– La mort de l’innocent : l’individu injustement accusé par le serial killer se suicide ou est tué par le groupe. Il en résulte un sentiment de culpabilité parmi le groupe.

Dans la fiche personnage du serial killer, je note :

Le serial killer ne sera pas un personnage distinct du groupe.
Il s’intègre au groupe parce que c’est le seul moyen pour lui de récupérer le dossier qui le compromet. Sa tactique serait alors soit de tenter de tenter de gagner la confiance d’Ariane soit de tenter de convaincre Éric de récupérer le dossier compromettant.

Il sera intéressant que le serial killer approche d’abord Éric pour qu’il intervienne auprès d’Ariane mais Éric refusera (c’est une situation conflictuelle).

A la suite de sa rencontre avec Ariane, Éric est déjà dans une attitude protectrice envers elle. Ainsi nous posons très tôt dans le récit les prémisses du climax qui décrivent un échec pour Éric lors de la disparition d’Ariane.

J’ai noté sur les fiches personnages d’Ariane et d’Éric qu’ils étaient forcés d’une manière ou d’une autre de participer au groupe qui cherche à élucider le meurtre de l’animateur (c’est-à-dire qu’Ariane est dorénavant sa veuve et non plus une femme divorcée).
Le groupe apprend que la veuve de l’animateur peut récupérer le dossier compromettant. Mais Ariane refuse de le leur remettre (de nouveau une situation conflictuelle et c’est ce qui importe quand on crée des scènes).

Je modifie un des paragraphes de la fiche d’Ariane de cette façon :

Ariane récupère les dossiers de l’animateur menant sur la piste d’un serial killer. C’est seulement après avoir été réticente à l’idée de se mettre en danger qu’elle découvre en elle une force qu’elle ne soupçonnait pas. Ce qui invalide l’idée que l’animateur est sécurisé les documents en les faisant discrètement parvenir à Ariane. Ou plutôt, Ariane n’est pas encline à l’idée de faire la démarche pour récupérer ces dossiers. Elle ne se sent pas concerné ou bien elle a définitivement mis derrière elle la relation toxique qu’elle a connue avec son mari.

Voyez comme je fais des allers-retours entre les fiches personnages et le plan. Mais à chacun sa méthode d’écriture.

Quelques points à noter

Une situation conflictuelle provient du refus ou de la dénégation de l’un des personnages présents voire même de plusieurs selon la complexité de la scène. Les dialogues devraient suivre le mouvement : alors qu’au début de la scène, les personnages peuvent s’étendre sur la légitimité de leurs raisons, la tension progressive qui s’installe provoquent des dialogues beaucoup plus courts et incisifs.

Ensuite, je prévois quatre lignes dramatiques selon une méthode que j’apprécie :

  1. Une ligne dramatique générale qui narre les événements et les différentes actions des personnages. Cette ligne regarde les choses d’en haut et elle concerne tous les personnages. Si je me contentais de cette vue objective, mon histoire serait sèche car il me manquerait ce qui la rend vivante et concrète, réelle en un mot, c »est-à-dire l’aspect subjectif.
  2. Ainsi, je prévois une ligne dramatique qui décrira les détails de l’évolution du regard de mon personnage principal sur le monde. Car en effet, un personnage principal est par nature un être qui change (pour le meilleur ou pour le pire).
  3. Mais il n’est pas le seul qui possède un regard particulier sur le monde. Il existe un autre personnage qui a une vue différente et qui tentera d’inculquer le bien-fondé de son point de vue auprès du personnage principal. Dit autrement, il tente de le convaincre d’adopter ce qu’il lui propose. La fonction de ce personnage au sein du récit est diverse : il peut être l’antagoniste ou le Love Interest par exemple. Ce personnage lui-même évolue au sein du récit et c’est cette évolution que cette ligne dramatique décrit en détail.
  4. Il y aura aussi une quatrième ligne dramatique concernant la relation qui existe entre le personnage principal et ce second personnage qui cherche à l’influencer. Cette relation existe indépendamment des deux personnages qui la constituent.

Je reprends le fil de la pensée de Glenn Gers. Après que le serial killer ait demandé à Éric d’intervenir auprès d’Ariane pour récupérer le dossier et qu’Éric lui est opposé un refus, le serial killer ne s’adresse pas directement à Ariane mais à un autre membre de la petite communauté.
Nous vérifierons plus tard si, ce faisant, nous n’atermoyons pas sur le rapport nécessaire entre Ariane et le serial killer, un rapport que nous n’avons pas encore vraiment développé. En revanche, cela nous permettrait peut-être de présenter l’un des autres personnages.

Ce que Glenn Gers cherche à démontrer est qu’écrire commence par des questions :

  • Que s’est-il passé ?
  • Comment cela a t-il été possible ? C’est-à-dire quelles ont été les conditions pour que des événements se produisent ? Pourquoi se sont-ils produits ?
  • Comment cela a t-il été seulement possible ?

Considérez un homme très populaire. Soudain des révélations sur des transgressions qu’il aurait commises se répandent parmi l’opinion publique. A l’époque des faits, une omerta a couvert ses agissements parce qu’il avait un rôle important (ou fondamental) dans la communauté à laquelle il appartient.
Pourquoi la communauté l’a t-elle couvert ? Comment a t-il pu obtenir une telle soumission de ceux qui connaissait ses agissements ? Pourquoi a t-il commis de tels actes ? Qu’est-ce qui peut justifier qu’il les a commis ?

Les réponses à toutes ces questions et bien d’autres ne sont que des choix que vous devrez prendre. L’intérêt du brainstorming n’est pas de trouver immédiatement la bonne réponse, le bon coup à jouer.
Vous imaginez toutes les réponses qui vous viennent à l’esprit sans les rejeter. Après quelques ruminations, vous ferez alors les choix qui engageront tout votre récit.

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