TECHNIQUES DRAMATIQUES DE L’HORREUR

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Écrire l’horreur, c’est utiliser certaines techniques narratives pour en augmenter l’effet.

Incertitude et hésitation

L’incertitude est un des traits caractéristiques de l’horreur et du suspense. Il suffit de laisser le lecteur/spectateur dans l’expectative. L’astuce est l’équilibre : Donnez suffisamment d’informations pour que lecteurs et lectrices s’intéressent à la situation, mais pas assez pour qu’ils puissent deviner ce qu’il s’y passe. L’hésitation face aux événements (Tzvetan Todorov parlait d’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles face à un événement en apparence surnaturel) accroît la tension dramatique et suscite l’effroi.

Pour le lecteur/spectateur, ce sera dans l’interprétation des événements que se situera l’incertitude. Ou bien il accepte ce qu’il se passe comme la réalité ; par exemple un culte satanique a bien sacrifié une famille entière au démon vénéré : la secte est réelle, tous ses membres sont réels, et aucun des personnages n’a eu d’accès de folie furieuse et massacré les autres.

Ou bien lecteurs et lectrices acceptent comme explication que l’un des personnages fut atteint d’un délire paranoïaque si fort que ses convictions erronées l’incitèrent à commettre l’impensable. L’utilisation de la secte n’est alors qu’une illustration, une représentation par un personnage de ce qu’il perçoit de la réalité.
La perception consiste au moins en trois choses : il y a ce qui est perçu ; il y a ce qui perçoit (le sujet qui perçoit [souvent un personnage en particulier, c’est-à-dire une vision non partagée par les autres]) ; et il y a l’acte de percevoir.

Auteurs et autrices interviennent sur l’une ou l’autre de ces choses pour manipuler le lecteur/spectateur et établir le doute dans son esprit sur la réalité de ce qu’il lit, de ce qu’il entend ou de ce qu’il voit. Nous ne pouvons pas être sûrs que tout est dans la tête des personnages ou que tout se passe réellement. C’est un effet souvent recherché avec plus ou moins de réussite.

Des éléments pris dans la réalité

Pour que l’horreur fonctionne, il est nécessaire qu’elle s’appuie sur des choses familières aux lecteurs et lectrices. Quelles que soient nos croyances, nous savons ce que sont les démons par exemple ou bien les extraterrestres. Imaginaire ou inconscient collectif, nous utilisons ces concepts pour donner du sens à ce qui nous entoure ou encore à notre place dans le monde.

Si l’antagonisme croit qu’un démon peut lui apporter richesse et puissance, alors son combat consistera à lui procurer le vaisseau humain qui lui permettra de s’incarner sur terre. Les sacrifices sont un moyen classique d’attirer l’attention des dieux et d’être favorisés par eux.
Être l’élu peut procurer une telle jouissance que des actes horribles peuvent se justifier, du moins sous un certain regard, afin que s’accomplisse cette élection.

Situer les phénomènes dans un contexte précis, c’est-à-dire un arrière-plan qui s’enracine dans notre réalité, dans notre monde, et davantage le sentiment d’étrangeté de certains phénomènes aura d’emprise sur l’esprit du lecteur ou de la lectrice.

Bousculer les conventions de genre

Le clair-obscur du gothique par exemple est une convention, c’est-à-dire une esthétique particulière qui caractérise le genre. Le lieu peut alors être considéré comme le seuil entre deux mondes. Si le récit pose un autre monde, un au-delà à notre réalité et qui existe déjà mais dont l’accès se situe non pas dans des ruines antiques mais au sein du moderne siège social d’une multinationale très puissante, l’effet en sera tout autant garanti.

Le costume sur-mesure d’un capitaine d’industrie peut être aussi dérangeant qu’un individu en robe de bure dont les traits du visage sont indiscernables sous la capuche qui les recouvre et d’autant plus si le personnage se présente à nous en contre-jour.

Écrire l’horreur est difficile car il faut maintenir à la fois des éléments familiers afin de ferrer le lecteur/spectateur dans la réalité du récit tout en prenant le contre-pied de ses attentes pour le déranger davantage dans ses certitudes et ses préjugés. Auteurs et autrices de l’horreur jouent avec la familiarité et l’inconnu.

Métaphore et sens littéral

Si l’effet d’une décapitation n’est qu’une recherche de gore, c’est-à-dire de provoquer une répulsion viscérale liée essentiellement au travail involontaire de notre imagination, elle peut se justifier si elle est utilisée comme métaphore.

Si l’un des thèmes du récit est la folie par exemple, un serial killer qui décapite ses victimes pourrait représenter sa souffrance dans une tentative d’arracher cette névrose d’angoisse ou d’échec qui le dévore de l’intérieur.

Le genre horrifique est particulièrement doué pour concrétiser des concepts. Presque toutes les histoires de fantômes, par exemple, examinent les effets persistants de la mort. Nos disparus demeurent dans notre esprit. Parfois, on a même l’impression qu’ils ne sont pas vraiment partis. Le concept même de fantôme est cette idée, mais rendue littérale.
Ainsi, nos personnages ont une entité avec laquelle ils peuvent interagir, qu’ils peuvent craindre et combattre. La métaphore rendue concrète est un moyen de solliciter les peurs du lecteur ou de la lectrice.

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