Lecteurs et lectrices attendent beaucoup d’un récit. Comme ils ont aussi une vie en plus de la lecture, il suffit d’un rien pour que leur attention soit attirée vers une autre activité.
Donc, il faut parvenir à les retenir dans le récit. Dès ses dix premières pages, un scénario devrait parvenir à inciter à s’intéresser à l’histoire.
On commence par le monde
C’est au sein de ces dix premières pages que vous introduirez votre lecteur/spectateur au monde de votre histoire en sollicitant leur imagination à concevoir une image qui leur donnera le ton de l’histoire.
Si vos personnages évoluent dans le monde de la publicité, c’est au début du récit que le lecteur ou la lectrice s’attendent à découvrir quelles sont leurs activités, les pressions qui s’exercent sur eux. En quelque sorte, vous situez le lieu comme source de possibles situations conflictuelles.
Le monde est ce qui ajoute de la texture et du contexte à l’identité des personnages au début de l’histoire et fournit un arrière-plan et des obstacles lorsqu’ils tentent de ne pas changer (ou peut-être de trop changer) alors qu’ils se dirigent vers le proverbial Happy Ending.
Le monde n’est en fait que les règles et le contexte qui font que votre histoire et vos personnages sont les vôtres et non ceux de quelqu’un d’autre. C’est ce qui met les personnages sur leurs chemins respectifs – des chemins qui les envoient se heurter les uns aux autres, pour le meilleur ou pour le pire.
Si votre idée est d’écrire une histoire d’amour, pour rendre cette histoire spécifique, imaginez par exemple, qu’elle prenne place au sein d’une station spatiale.
On pense déjà au dénouement
En effet, il est plus facile d’écrire le début d’une histoire lorsque l’on sait comment elle se terminera. Les dix premières pages fournissent la base sur laquelle on peut juger le reste de l’histoire. Ces pages fournissent juste assez d’informations pour établir clairement l’univers du récit sans en dévoiler trop, trop tôt. C’est le moment de créer juste assez de mystère pour que lecteurs et lectrices se demandent ce qui les attend.
Ce dix premières pages décrivent le personnage principal : à la fois ce qui nous le rend sympathique même s’il n’est pas très moral dans ses actes et ce en quoi il est vulnérable (ce sera certainement sur ce point qu’il devra changer d’ici la fin du récit).
Ce personnage s’inscrit dans un monde ordinaire, c’est-à-dire l’environnement dans lequel il évolue au quotidien. Il pourrait vouloir en sortir même inconsciemment. C’est d’ailleurs la raison d’être de l’incident déclencheur qui lui fournira l’opportunité de partir à l’aventure pour explorer un monde nouveau dont il ne connaît encore rien. Il entraînera alors à sa suite le lecteur et la lectrice.
Ce monde ordinaire est un statu quo dans lequel votre personnage principal est empêtré. C’est certainement ce qui nous le rend si fascinant : il ose ne plus accepter car l’acceptation est toujours une compromission mais qui recèle en son sein une soumission.
Un point qu’il ne faut pas négliger est que le lecteur/spectateur favorise un genre particulier. Pour le rassurer et lui donner l’envie de continuer à s’immerger dans ce genre (par exemple, il cherchait une comédie, une romance ou un thriller), le genre doit se manifester dans ces dix premières pages.
Et puis, il y a aussi ce que vous cherchez à dire. Ce qui vous préoccupe, vous allez le mettre en mots sur une page qui ne vous est déjà plus destinée.
Surtout, pensez conflit. C’est l’essence du drame.
L’incident qui change tout
L’incident déclencheur est une articulation qui s’articule donc dans une structure. C’est pour cela qu’il est un point majeur du récit. En fait, il est ce que dans la langue anglo-saxonne, on dénomme le First Turning Point.
A partir de ce moment, l’histoire prend effectivement une orientation différente car nous quittons un monde ordinaire insatisfaisant pour l’inconnu. Que se passe t-il lors de cet incident déclencheur ?
Après quelques scènes d’exposition, une action soudaine plonge le personnage principal dans une situation conflictuelle. Dans Hunger Games, Katniss doit intervenir pour sauver Prim. Dans Kramer contre Kramer, la femme de Ted le quitte.
Il se peut qu’une soudaine information surgisse qui impose l’action. Dans Il faut sauver le soldat Ryan, la mort de trois frères Ryan est l’incident qui incite le général George Marshall à retrouver le dernier Ryan. Dans la guerre, la mort d’un homme peut ne pas sembler très importante, mais la mort de trois frères sur quatre l’est.
L’incident déclencheur peut être préparé aussi par une séquence de quelques événements. Le Masque de Zorro est un exemple de cette technique. Deux frères voient Zorro tenter de déjouer une exécution. Ils lui sauvent la vie et il les récompense en leur remettant un médaillon en argent. Les troupes gouvernementales envahissent alors sa maison, tuent sa femme, enlèvent son enfant et le jettent en prison.
Des années passent avant qu’il ne s’échappe. Pendant ce temps, les frères, maintenant adultes, fuient également les soldats du gouvernement. Lorsque l’un d’entre eux est tué, l’autre sombre dans une grande dépression et risquerait sa vie pour le venger, s’il n’était pas d’abord intercepté par (qui d’autre ?) Zorro.
Tous ces événements préparent le lecteur/spectateur à la véritable histoire, qui concerne la formation d’un nouveau héros masqué. Cette préparation prend évidemment plus de temps que dix pages, mais le résultat est le même.
Ce dont il s’agit
Le lecteur/spectateur a besoin de savoir ce que veulent vos personnages et ce qui pourrait les empêcher d’obtenir ce qu’ils veulent. Ces questions constituent les prémisses de l’histoire, c’est-à-dire son sujet.
Avec l’incident déclencheur se pose la question dramatique. Le personnage réussira t-il ? Il est donc important que l’on sache ce qu’il poursuit.
Et ce qu’il poursuit doit être à la fois universel, c’est-à-dire ne pas dépendre d’une culture particulière qui ne parlerait pas aussi aux autres cultures et éternel, c’est-à-dire que quelle que soit l’époque dans laquelle il vit, ce qui le motive à agir est une raison qui dépasse l’espace et le temps : l’amour et la haine en sont des exemples.
Malgré l’universalité de thèmes vieux comme le monde, il vous faut séduire votre lectorat. C’est par les personnages que vous y parviendrez. L’individualité de chacun d’entre eux est importante. C’est ce qui fait d’eux des êtres humains ou encore des entités non humaines mais qui possèdent néanmoins de tels traits de caractère.
La façon dont un personnage particulier réagit aux événements de sa vie lui est propre. Comme les réactions sont propres à chaque personnage, leurs possibilités sont infinies. Plus que tout autre aspect de la narration, la façon dont vous traitez les réactions de vos personnages fait la différence entre originalité et cliché, rappelle Robert McKee.
Ce qui nous amène à la question de l’empathie. Croit-on reconnaître dans ce qu’il arrive au héros ou à l’héroïne ne serait-ce que de ténus fragments de notre propre vie, de notre propre vécu et expériences, et il se crée entre elle ou lui et nous un lien empathique comme si nous comprenions cette souffrance qui est la leur pour l’avoir nous-mêmes vécue.
L’universalité du thème
Le thème, la grande question qui sous-tend les actions de votre personnage, doit résonner à un large niveau humain. Il doit parler au plus grand nombre. Le thème se constitue donc de concepts, d’idées. L’amour, par exemple, chacun sait ce que c’est. Quand il s’agit de le décrire, on illustre alors le concept avec un récit que l’on voudrait unique. Les mots posés sur le papier ou les images sur l’écran rendent concrètes les idées. Le thème illustre des concepts en donnant à lire ou à voir une représentation tangible possible de cette idée ou de ce concept.
Et vous y parviendrez d’autant mieux si votre thème accroche votre lecteur et votre lectrice avec un dilemme moral. L’évidence de lois d’une précision et d’une rigueur absolues telles qu’acquises par la science ne provoquent-elles pas un assèchement du cœur ? La nature et l’héritage de l’homme n’exigent t-ils pas de lui la nécessaire foi en quelque chose qui le dépasse ?
Assemblez ces deux concepts (science & foi) en un seul personnage et vous pourrez explorer ce qui le tourmente et qui fascinera le lecteur/spectateur.
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