Parmi toute votre Dramatis Personæ (l’ensemble de vos personnages), au moins l’un d’entre eux devrait être (par moments du moins) un substitut pour le lecteur ou la lectrice.
Un substitut du lecteur/spectateur est un personnage qui pense comme le lecteur, pose les questions que le lecteur se pose et permet au lecteur et à la lectrice de s’identifier à eux. Plus important encore, il offre au lecteur un point de vue familier dans un monde qui ne lui est pas familier.
Le docteur Watson occupe cette place auprès de Sherlock Holmes mais le personnage principal peut être lui-même un substitut tel Harry Potter qui s’interroge tout comme nous sur ce monde des sorciers qu’il découvre.
Un narrateur aussi peut être le biais ou le lien qui nous unit à un univers qui n’est pas le nôtre tel Nick Carraway dans Gatsby le Magnifique.
Découvrir
Il est important d’aider quelqu’un à explorer un environnement qui ne lui est pas familier. Reprenons l’exemple de Harry Potter. Au début du récit, Harry est un jeune garçon qui grandit dans le même monde que nous. Bien sûr, il a cette expérience unique d’être orphelin et de grandir dans un placard sous un escalier.
Mais pour le reste, il nous apparaît comme un enfant ordinaire du même monde que nous. Aucun personnage ne pourra jamais vraiment représenter les traits de caractère, les origines et les expériences de vie de chaque lecteur et de chaque lectrice. Cependant, Harry est un substitut reconnaissable pour la plupart des lecteurs/spectateurs adolescents.
Certes, un auteur ou une autrice peuvent communiquer les règles, les lois, les normes de ce monde totalement inconnu dans lequel ils jettent leur personnage principal. Le souci est que cela nécessite une exposition détaillée du monde ce qui relève davantage du documentaire que de la fiction.
Si Harry connaissait déjà Poudlard, le Chemin de Traverse ou encore Celui dont on ne doit pas prononcer le Nom, cela n’aurait simplement pas fonctionné. Hagrid, néanmoins, aurait pu servir de substitut mais sa fonction est d’expliquer les règles à Harry, c’est-à-dire au lecteur/spectateur.
A quoi reconnaît-on un substitut ? Essentiellement à sa curiosité. Il se pose les questions que le lecteur et la lectrice se posent. Lorsqu’une information est donnée, lecteurs et lectrices ne sont pas censés la connaître.
Lorsque Celui dont on ne doit pas prononcer le Nom est mentionné la première fois, on se demande de qui l’autrice nous parle et comme nous ne pouvons pas nous-mêmes poser la question à Hagrid, ce sera Harry qui la posera.
Lorsqu’un auteur ou une autrice cherche à nous immerger dans un univers que nous ne connaissons pas, la présence d’un personnage qui en ignore les détails nous permet alors d’acquérir un sens plus intime de ce monde.
Un point de vue
Considérons maintenant Sherlock Holmes. Du point de vue de l’intrigue, les mystères n’apporteraient pas beaucoup de drame si nous avions le point de vue de Holmes (après tout, il est le personnage principal et en tant que tel, le point de vue d’un personnage sur les événements semble naturel), mais si cela était le cas, nous connaîtrions ses déductions étape par étape.
La grande révélation à la fin de chaque affaire, lorsque Holmes relie tous les indices, ne serait pas aussi satisfaisante.
Et, du point de vue de la caractérisation, Watson ressemble beaucoup plus au lecteur moyen que Holmes. Holmes est un génie reclus dont la personnalité frise l’antisocial. Watson, quant à lui, a une intelligence moyenne ou un peu supérieure à la moyenne et est généralement aussi perplexe que le lecteur ou la lectrice face aux affaires.
Lorsqu’un personnage s’interroge, ce sera au-travers de ses réactions. Par exemple, dans Alien, Joan Lambert représente la voix et les pensées du lecteur/spectateur. C’est un peu comme Oliver Hardy lorsqu’il nous prend à témoin à travers ses géniaux regards caméra.
La présence d’un substitut s’avère aussi indispensable lorsque le personnage principal possède des traits de caractère qui rendent difficile de sympathiser ou d’éprouver de l’empathie envers lui. L’ajout d’un personnage plus accessible au lecteur, avec lequel on peut s’identifier (reconnaître en lui des expériences que nous avons nous-mêmes plus ou moins vécues) permet alors de jeter un pont entre nous et le personnage principal.
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Le tout est de respecter et de ne jamais mésestimer l’intelligence du (lecteur)/spectateur et surtout celle du coeur (organe également pourvu de neurones dont incidemment, miroirs).
Watson pourrait très bien assister, interroger ou raisonner Sherlock Holmes sans qu’il ne s’en montre intellectuellement inférieur.
Même face à tant de perspicacité, Watson devrait représenter et donc rappeler la primauté de l’intelligence du coeur (non dénuée parfois d’humour et dudit « bon sens populaire »).
Perso, je ne supporte pas qu’un personnage dit secondaire mais que je préfèrerais qualifier de « délégué » ou « représentant » du public, s’incline en admiration ou par soumission devant un ou une protagoniste …
Sa seule présence devrait plutôt servir à activer les neurones miroirs. On peut même penser que c’est sa fonction de co-protagoniste venant s’attribuer une part antagoniste pour mieux éclairer le ou la protagoniste sur lui ou elle-même, sur ses attitudes.
Pour en fait, surtout éclairer le public sur une question qui le taraude (souvent sans qu’il ne le sache sur le moment) et dont l’histoire lui proposerait une première réponse, sinon la meilleure.