La vocation de l’acte Deux est d’emmener vers une crise. Toutes les scènes ne participent pas de cette intention. Quelques scènes clés néanmoins sont posés pour que s’accomplisse la destinée de l’acte Deux dans les meilleures conditions possibles.
Un récit peut s’analyser en séquences. Chaque séquence possède une accumulation d’événements, une crise et une résolution. Le terme de crise doit être entendu au sens de la dramaturgie, c’est-à-dire qu’il s’agit de ce qu’on nomme un nœud de l’action (un événement pour bien situer les choses) caractérisé par un conflit intense entre les passions (la raison est moins dramatique dans sa tentative d’expliquer le monde).
Après la crise vient la résolution parce que rien (du moins en fiction) ne devrait rester sans réponse.
Des événements
Notez qu’il s’agit d’une accumulation mais celle-ci n’est pas forcée sur le lecteur/spectateur. Les événements se succèdent certes mais il existe un lien qui les unit comme si chaque événement, chaque phénomène participait par son existence même au tout.
Ce qui a fait dire à Aristote en son temps, que retirer une scène sans que l’édifice ne s’écroule, signifie que la scène retirée ne servait pas le propos du récit et qu’on pouvait s’en débarrasser sans crainte de détruire son œuvre.
L’acte Deux ne consiste pas seulement à relater une aventure. Il décrit un voyage. En effet, dans la langue anglaise, le terme de journey est très souvent employé pour désigner la série d’événements ou de phénomènes ou de faits qui se produisent au cours d’un récit.
Certains d’entre eux sont des faits, c’est-à-dire qu’ils sont figés dans le passé et d’autres sont des processus, c’est-à-dire qu’ils agissent maintenant. Mais ce qui crée surtout l’aventure, le voyage, c’est le devenir des relations qui existent entre les personnages et les décisions qu’ils prennent ou les choix qu’ils font.
L’acte Deux se construit pour un objectif. Celui que le personnage principal a décidé (après quelques hésitations néanmoins) de s’engager corps et âme.
Revenons à cette notion de séquences. Chaque séquence possède son climax, c’est-à-dire son geste ultime menant à un dénouement (provisoire au cours de l’acte Deux). Lecteurs et lectrices comprennent qu’il s’agit d’une séquence intermédiaire et ils en attendent la conclusion dans l’espérance ou la crainte.
Dans Sa Majesté des mouches, lorsque Simon décide de vérifier par lui-même s’il existe ou non un monstre, puis son retour dramatique couvert du sang de la truie auprès des autres tandis que ceux-ci se livrent à une danse tribale pour chasser la peur et qu’ils confondent Simon avec le monstre et qu’il le tue est une telle séquence.
Nous devinions l’issue mais le personnage de Simon l’ignorait. Nous n’étions pas sûrs et nous espérions que nos craintes ne soient pas vérifiées. Voir une scène comme celle-là arriver, la voir se développer jusqu’à la crise, est l’un des principaux moyens de créer de la tension, du drame et du suspense dans un récit.
Les premières séquences seront les plus difficiles, car elles auront encore des tâches d’exposition à accomplir – développer les personnages, démontrer la nature du conflit, établir le cadre… Ces premières séquences sont plus difficiles à mettre en place parce qu’elles ne bénéficient pas de ce qu’il s’est déjà passé alors que les séquences qui suivent peuvent être plus simples et directes.
Car vous aurez alors mis en place votre monde assez complètement dans toutes ses complexités ; le lecteur et la lectrice connaissent déjà vos personnages et votre histoire et apprécient ce qui est en jeu, et vous aurez eu le temps de préparer le terrain pour préparer le coup de théâtre à venir.
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