Voici quelques points qui pourraient vous être utiles pour mener à bien l’écriture de votre scénario.
La prémisse
C’est ce qui est au cœur de votre histoire. La prémisse est l’essence de votre récit. Ce n’est pas facile de la cerner. Parfois, il faut se lancer dans le processus d’écriture, mais il ne sera pas évident de dégrossir tous les mots posés pour s’assurer de ce que l’on cherche à dire.
Décrire l’idée de son histoire en quelques lignes est une tâche difficile. Il est important d’y consacrer le temps suffisant pour y penser.
Ainsi, une prémisse pourrait se formuler ainsi :
C’est l’histoire de [quelques traits de votre personnage principal : par exemple, un jeune homme mal à l’aise avec son poids…] qui [ici sera mentionné le désir, l’objectif, l’intention de ce personnage : … veut conquérir le cœur de sa voisine…] mais [évidemment, les choses seraient trop faciles s’il n’y avait pas des obstacles apparemment insurmontables posés soit délibérément pour empêcher la réalisation de l’objectif, soit parce que l’objectif lui-même semble irréalisable : … mais se trouve confronté au regard de celle-ci plutôt moqueur…] et [vous concluez votre prémisse avec une interrogation sur ce que pourrait être une fin possible : et comprendra peut-être trop tard que l’amour est là où on ne le cherche pas.]
Ne nommez pas vos personnages dans la prémisse. On ignore encore tout d’eux et les nommer réduit l’horizon des possibilités. Lorsque vous décrivez succinctement votre personnage principal, vous formez déjà une image. Ainsi jeune, homme, un attribut qui le distingue : désespéré par son obésité prépare le lecteur ou la lectrice de la prémisse à accepter un personnage qui, en soi, possède déjà un besoin. Dans l’attribut se cache le besoin véritable du personnage qui consiste ici à s’accepter tel qu’il est.
Conservez cette prémisse tout au long du processus d’écriture comme guide pour éviter que vous ne digressiez de ce que vous avez vraiment à dire. Vous pourriez peut-être aussi la changer au cours de ce processus après que vous ayez affiné votre projet. Digressez sans fin est probablement ce qui peut vous dissuader de terminer votre projet.
Vous vous apercevrez aussi, si vous privilégiez l’action dans votre récit, qu’il sera plus facile de venir avec une prémisse de quelques mots. En revanche, il sera plus délicat d’énoncer en quelques mots ce qu’est une histoire où les relations sont plus importantes que l’histoire elle-même.
L’action du héros ou de l’héroïne
L’action fondamentale est la chose que votre héros ou votre héroïne tenteront de mener à bien tout au long du récit. Leur volonté toute entière est arc-boutée sur un objectif et c’est une évidence autant pour les autres personnages que pour le lecteur ou la lectrice.
Il peut être difficile de poser clairement dans le premier acte quel sera l’objectif du personnage principal. Cet objectif peut se révéler clairement au point médian du récit (c’est-à-dire approximativement le milieu de l’histoire, c’est-à-dire une articulation majeure du récit qui l’apparente au milieu de l’histoire) ou bien il peut devenir évident par la répétition.
Ainsi, un personnage tente tout au long de l’histoire d’ouvrir une certaine porte mais ne parvient pas à trouver la clef adéquate. En vous concentrant sur cet objectif, vous pointez dans le même coup sur la lutte essentielle que le personnage se livre à lui-même et qui, s’il remporte ce combat, l’amènera à changer.
Le changement est la clef
Essayez de définir les raisons ou les conditions qui ont précédé l’objectif. Certes, rien n’oblige votre personnage à désirer ce qu’il désire dans votre histoire.
Néanmoins, vous le jetez dans une situation. Réfléchissez alors au Comment : Que se passe t-il ? Pourquoi cela s’est-il passé et plus important encore : Comment cela a t-il pu être possible ?
Comment votre personnage principal a t-il pu être amené à haïr un homme au point de vouloir sa mort ? Quelles sont les causes de cette haine ? Pouvez-vous les justifier ? Et pouvez-vous aussi justifier les prises de positions de l’adversaire ?
C’est dans le détail que vous pourriez trouver des réponses. Posons le principe que le besoin du personnage principal est de changer. Ainsi, pour trouver une paix intérieure (qu’il n’a peut-être jamais connue), le personnage principal devra non pas tant pardonner à son ennemi mais à accepter pour lui-même le pardon pour un acte de lâcheté qu’il n’a jamais voulu admettre comme sien en le projetant sur cette homme (dont il est irréfutable que le conduite a incité l’acte de lâcheté chez le personnage principal) mais qui n’est pas vraiment à l’origine de la haine que le héros ou l’héroïne ressentent envers lui.
Ainsi, en donnant des détails sur la vie de vos personnages, vous dessinez les forces qui les font agir. Si votre antagoniste est un scientifique dont la découverte a été utilisée comme arme de destruction massive, sans nier sa responsabilité dans la catastrophe, vous pourriez expliquer qu’il n’a jamais eu l’intention de créer une arme.
Ce sont les militaires qui se sont emparés de son invention. Pourquoi n’a t-il pas cessé ses recherches lorsqu’il a compris le risque qu’encourrait sa découverte entre les mauvaises mains ? Parce qu’il est persuadé que le progrès, le bonheur de l’humanité est dans la science et non dans la croyance en une entité supérieure aux hommes. C’est cette pensée devenue force qui l’a poussé à mener à son terme sa découverte alors qu’il savait que l’usage qui en serait fait servirait les intérêts personnels d’une nation et non l’humanité toute entière.
Héros et héroïnes sont eux aussi animés par des forces
Le personnage principal possède aussi une volonté qui est nourrie par une force. La volonté s’aperçoit dans les actions et les décisions. Mais la vérité pourrait être toute autre. Il n’a pas rejoint la résistance pour mener la lutte contre l’envahisseur. Il a perdu des êtres chers parce qu’il a été lâche. Ou bien il aurait pu rejoindre une garde blanche ou les vendéens, nommez-les selon votre contexte, parce qu’il était convaincu que la résistance était vaine.
Ce qui alimente sa haine contre un quelconque antagoniste, c’est qu’il ne peut accepter son comportement au moment des événements. Il doit d’abord faire la paix avec lui-même pour être en paix avec le monde.
Parmi les forces qui orientent les personnages dans une direction apparemment inévitable, il y en a des positives et des négatives. Lors de l’élaboration de vos personnages, il peut être utile de lister quelles sont les forces positives qui dirigent vers le changement et celles qui retiennent le personnage dans son passé.
Pour le personnage qui s’accuse de lâcheté, une force positive serait sa tendance à faire confiance à un personnage (peut-être un Love Interest) à qui il pourrait se confier et ainsi se libérer de ce qui le hante. Une jeune femme, par exemple, qui se sentirait coupable de la mort de son fiancé qui s’est suicidé après qu’elle lui ait annoncé sa décision de rompre, pourrait énoncer avec des mots libérateurs ce poids qui lui pèse si lourd à un autre personnage dont l’écoute serait sincère.
Ces premiers mots enfin exprimés pourraient la mettre sur la voie de la guérison, une épreuve qu’elle devra, néanmoins, assumer seule.
La culpabilité, dans ce cas, est la force négative qui l’empêche d’avancer dans sa vie, de continuer à s’épanouir (c’est-à-dire à changer). On comprend aisément que cela soit négatif mais pourquoi est-ce une force ? Parce que c’est une passion qu’elle ne peut raisonner. Comment prendre de la distance quand le regret nous colle à la peau, nous englue dans les miasmes qui nous font sentir seuls au monde ?
Comprenez bien aussi que plus seront dramatiques ces qualités positives et négatives, et plus votre héros ou votre héroïne seront passionnants à suivre.
Il y a donc encore un événement traumatique dans le passé d’un personnage qui le hante, qui l’effraie, le paralyse ou bien dont il ressent une honte si terrible qu’il ne peut l’exprimer. Cet événement singulier est souvent incarné dans le présent du personnage. Quelque chose réapparaît régulièrement, dans une horrible répétition, pour lui rappeler cet événement tragique.
La répétition est un moyen narratif pour manifester la force négative. Un policier qui a tué accidentellement un touriste lors d’une fusillade avant que l’histoire ne commence hésitera dorénavant à sortir son arme. Nous comprendrons ce comportement habituel du personnage (c’est ainsi qu’il nous a été présenté), à un moment donné de l’intrigue, peut-être dans un moment de crise majeure qui forcera ce policier à abattre les murs qui le retiennent prisonnier.
Vous et votre héros
Peut-être que se comprendre soi-même est la clef pour comprendre autrui. Tenter de formuler ses propres obsessions peut aider à construire des personnages qu’on a envie de connaître. Comme chacun d’entre nous un personnage de fiction a des forces et des faiblesses.
Prêtez attention à ce qui le rend vulnérable. C’est par là que l’antagonisme cherchera à l’atteindre. Plus ce qui fragilise un personnage sera important et plus le conflit sera fort. Par exemple suivre aveuglément les règles sans s’autoriser à les remettre en cause peut parfois être un handicap dans certaines situations qui ne seront résolues que si le personnage accepte de contourner les règles.
Définissez la faille psychologique (donc strictement personnelle) qui retient votre personnage d’accomplir le but qu’il s’est fixé. Lors du climax, lors de son affrontement final avec son antagonisme, l’échec sera assuré si ce personnage n’a pas réussi au préalable à se mettre en accord avec lui-même.
Par exemple, si un trait de sa personnalité est l’indécision, il s’ensuit un manque d’initiative. De même s’il est la proie d’une peur qui le paralyse. Le changement consiste précisément à surmonter cette inertie qui bloque l’évolution du personnage. Considérez que la faille psychologique ou morale pétrifie votre personnage. S’il ne parvient pas à rompre le sortilège, il est perdu.
Les problématiques liées à la morale sont par exemple l’irresponsabilité, le manque de compassion, l’insouciance devant les malheurs d’autrui (pourrait être un moyen de défense contre le monde) ou encore la cupidité.
Puis vient le moment du Dark Night of the Soul. On peut l’assimiler au point médian qui sépare les deux parties habituellement reconnues de l’acte Deux. Spirituellement, moralement, intellectuellement, c’est le plus bas niveau auquel le personnage principal descend. Tout lui semble perdu. Lorsque vous planifiez votre récit, posez déjà sur le papier cette crise majeure que devrait connaître tout héros ou héroïne, même le super-héros.
Du moins, commencez à vous en faire une idée.
Cette crise permet de mieux comprendre la nature du besoin, c’est-à-dire le combat intime que se livre le personnage principal (sachez que c’est sur cette notion de personnage principal que se porte l’empathie du lecteur/spectateur). Notez aussi qu’il est vain d’envoyer votre personnage principal au climax s’il n’a pas a priori comblé son besoin, c’est-à-dire d’avoir surmonté cet obstacle qui le bloque littéralement.
Comprenez aussi que le changement ne vient pas ex nihilo chez votre personnage principal. Soyez convaincu qu’il possède déjà le potentiel à changer.
Merci de votre soutien. Grâce à vous, Scenar Mag continue d’exister. Faites un don. Merci
Bonjour Scenar Mag, bonjour William et bravo, vraie synthèse d’excellents rappels !