PSYCHOLOGIE DE L’HISTOIRE

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histoireLa psychologie de l’histoire est un concept à connaître. Abordons-le donc avec le roman Le Tour d’écrou de Henry James. Il est paru en 1898 et est l’une de ces œuvres mystiques qui résistent à l’oubli. On peut l’interpréter chacun à sa façon mais cette œuvre de James comporte de nombreux aspects qui mérite notre attention.

Un narrateur digne de confiance ?

L’une des principales préoccupations des lecteurs, des lectrices et des critiques concernait le point de vue du narrateur et la confiance que nous pouvions lui accorder dans la réalité du fantôme. Le personnage principal, la gouvernante engagée pour s’occuper de deux jeunes enfants, ne cesse de nous interpeller.

Il y a des doutes concernant l’état psychologique de la jeune femme. Trois interprétations sont cependant possibles :

  1. Le fantôme existe réellement.
  2. Le fantôme n’existe que dans l’imagination de la gouvernante.
  3. Ou bien cette jeune femme souffre de troubles psychologiques.

Nous parlions donc de psychologie de l’histoire. Nous fournirons l’argument que la fiabilité du narrateur peut être débattue et que le fantôme n’était que le fruit de l’imagination de la gouvernante à travers l’analyse critique de la psychologie de l’histoire vue sous différents angles.

Le Tour d’écrou est un mélange de psychologie et de surnaturel. Lorsque cette œuvre est parue en 1898, la littérature gothique était encore très en vogue et Le Tour d’écrou fut considéré comme une histoire de fantômes, rien de plus.

La présence d’un narrateur est assez caractéristique de ce genre de littérature. Récemment, la saison 2 de l’anthologie The Haunting (The Haunting of Bly Manor) qui s’inspire ouvertement des nouvelles et romans de James s’est organisée autour du récit d’une narratrice.

Considérons donc la présence du narrateur comme une tradition que Henry James confirme dès le début de la nouvelle. On nous conte le combat d’une jeune femme dont l’objectif est de protéger les enfants d’un fantôme maléfique.

Cependant, au fil de l’histoire, la question de la santé mentale de cette jeune femme se fait jour. C’est très malin de la part de Henry James d’avoir structuré son récit de manière à ce que les deux possibilités : présence d’un spectre & condition mentale d’une jeune femme apparaissent simultanément.

Cela pourrait signifier que James ne cherche pas à opposer ces deux prémisses dans un argument dont nous pourrions tirer une conclusion. Car si cela avait été le cas, chacune de ces prémisses se serait logée dans leurs scènes respectives afin que le lecteur puisse de lui-même faire la part des choses.

Le contexte historique du récit

Afin de bien comprendre un texte, il est important de connaître le contexte historique pendant lequel il fut écrit. Il ne s’agit pas de l’époque décrite dans la fiction mais bien de celle de l’auteur. A l’ère victorienne, l’ère de James, la position sociale de ces gouvernantes était dévalorisée à l’image des nourrices du moyen-âge à qui l’on confiait les enfants.

De surcroît, à l’époque de James, une jeune femme qui était choisie comme gouvernante prenait son rôle très au sérieux au point d’être obsédée par ses responsabilités et ses tâches envers l’enfant qu’on confiait à ses soins.

Dans Le Tour d’écrou, la mort de Miles interroge. Afin de sauver l’enfant de l’emprise maléfique de Quint, on peut spéculer que la gouvernante l’a peut-être tué en le serrant trop fort dans ses bras et en l’étouffant. Évidemment, cet acte est involontaire mais suscite la question de sa santé mentale.

Il est difficile de croire à la mort de Miles comme à une rédemption car le concept de l’enfance est lié à l’innocence (si vous introduisez des enfants dans votre récit, tenez compte de ce syndrome de l’enfance dans l’esprit de vos lecteurs et de vos lectrices).
Ainsi, la folie de la gouvernante s’impose avec force.

Alors les fantômes sont-ils de véritables apparitions comme autant de représentations symboliques du mal ou bien sont-ils des projections d’une névrose obsessionnelle chez la gouvernante ?
Cette question interpelle la psychologie de l’histoire justement ou plus précisément la psychologie liée au comportement de la gouvernante.

Dès le début du récit, cette jeune fille d’une vingtaine d’années montre des signes de l’instabilité psychologique de son comportement émotionnel. Henry James indique qu’elle est la plus jeune d’une sororité élevée par un pauvre pasteur de campagne.

Et lorsqu’elle arrive au manoir, elle est face à des responsabilités que la psyché d’une jeune fille de 20 ans avec cette origine qu’on lui connaît ne peut supporter.

Un état émotionnel instable

On s’aperçoit assez vite que la gouvernante est nerveuse. Principalement, parce que le propriétaire des lieux lui a bien fait comprendre qu’elle allait devoir se débrouiller seule alors que notre gouvernante se bat pour lui montrer qu’elle fait de son mieux, pour qu’il apprécie son travail. En un mot, cette jeune fille a besoin d’une reconnaissance que ce maître ne peut lui offrir.

Ce besoin de reconnaissance s’ancre dans le passé de la jeune femme ; ce n’est pas un trauma. Seulement l’influence d’un milieu familial qui la cernait de toutes parts. Une sorte de trauma, en fin de compte.

On peut alors comprendre que cette frustration l’ait déstabilisée émotionnellement. Puis cela crée aussi un paradoxe entre l’opinion généralement admise que le travail d’un collaborateur soit vérifié et la totale responsabilité confiée à une jeune fille qui n’était manifestement pas prête à l’assumer.

Ceci intervient avant que la gouvernante n’aperçoive les premières apparitions. Elle comprend rapidement qu’il n’y a rien d’humain dans ces apparitions car comme toutes les femmes de l’époque victorienne, époque de James qu’il peint dans sa fiction, les histoires de fantômes impressionnent la jeune femme.

A la suite des apparitions, la gouvernante perd le sommeil. La fatigue contribue alors au développement de son instabilité mentale et impacte, inconsciemment, sa perception de la réalité. C’est ainsi que le moindre phénomène qu’elle ne peut expliquer lui semble surnaturel.

Un fait aussi semble confirmer que la gouvernante a un problème et que le fantôme n’existe pas : elle est la seule à l’apercevoir. Ainsi, une lecture psychologique est possible puisque les apparitions ne semblent provenir que de l’esprit de la jeune femme.

Cela modifie sa relation aux autres et définit aussi son objectif qui consiste à protéger les enfants. C’est ainsi que la ligne dramatique du personnage principal (la gouvernante) commence à se tracer sous un point de vue subjectif. En tant que lecteurs et lectrices, nous sommes forcément attirés et fascinés par cette ligne.

Il faut noter aussi l’importance des dialogues car lorsque la gouvernante mentionne les apparitions, elle utilise le conditionnel, le temps du doute. Si elle-même met en cause l’existence du fantôme, cette confusion déplace l’histoire sous son aspect psychologique.

Tout le génie de James fut de ne jamais opposé des événements posés de manière objective, indépendamment de tout point de vue, et l’état psychologique d’une jeune femme oscillant entre délires hallucinatoires et paranoïa. La réalité de l’apparition et l’imagination d’une jeune personne ne se confrontent pas car ils nous sont donnés simultanément.
L’existence des fantômes est présupposée, assumée à la fois par le narrateur (ou la narratrice puisque c’est le récit de la gouvernante elle-même qu’on nous relate) et lecteurs & lectrices.

Dans le même coup néanmoins, la gouvernante elle-même met en doute ses perceptions. Ce ne sont pas deux moments différents ; la gouvernante ne clame pas ce qu’elle a vu et cède devant l’incrédulité d’autrui ; elle met en cause aussitôt la réalité de ses perceptions.

Les perceptions sont-elles réelles ou seulement imaginées ? On ne le saura jamais. Nous sommes aussi confus que peuvent l’être les personnages.

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