Le point de vue peut être personnel comme général. Quand doit-il être l’un ou l’autre ? Comment l’information sensible doit-elle parvenir au lecteur/spectateur ?
Un point de vue globale sur l’action peut être économique car il permet de donner un grand nombre d’informations en utilisant le moins d’espace possible. Cette solution n’est pas la panacée mais ne peut être exclue.
Cependant, la plupart des fictions sont racontées d’un point de vue singulier, celui de l’âme et du cœur (raison & passion) d’un personnage. Un narrateur qui ne participe pas à l’action est possible mais souvent, le point de vue est dans l’action. Par conséquent, très souvent, votre tâche en tant qu’auteur décrivant un aspect de l’environnement consiste à déterminer ce que le personnage principal peut connaître ou expérimenter de manière réaliste à un moment donné, puis à limiter votre présentation à cet aspect.
Quel point de vue ?
Le point de vue est un moyen de délivrer de l’information. Dit autrement, vous cherchez à communiquer une impression sur le lecteur ou la lectrice. S’il s’agit de situer le contexte contre lequel tous les personnages évoluent, une description objective, quelque chose de neutre suffit. Par exemple, pour l’anniversaire d’une petite fille malade, une émission de télé-réalité s’arrange pour qu’une célébrité dont la gamine est une fan lui fasse une visite surprise.
Pour poser ce contexte, aucun point de vue singulier n’est exigé. Vous posez une situation mais il n’y a pas encore d’histoire. L’histoire commence dès qu’un point de vue particulier réagit à la situation énoncée.
De même, pour des besoins de clarté, vous pourriez être amené à créer une scène de rappel des circonstances qui ont mené à la situation actuelle sans que ces circonstances ne soient biaisées par aucune subjectivité.
Ou bien lorsque vous avez fait un saut dans le temps ou encore clôt une action. C’est-à-dire que lorsqu’une rupture quelconque est créée, il est difficile de reprendre aussitôt avec le regard singulier d’un personnage.
A propos de rupture, si vous souhaitez jouer sur l’ironie dramatique, vous pourriez, par exemple, donner les indices d’une menace imminente comme un barrage sur le point de céder. Aucun des personnages n’est au fait de la menace. Néanmoins, le lecteur/spectateur est averti et ce point de vue global ajoute à la tension dramatique.
Voir les choses sous un regard singulier est évidemment d’une importance considérable en fiction car c’est par lui que nous éprouvons l’arc dramatique du personnage concerné. C’est souvent, d’ailleurs, celui du personnage principal dont le point de vue nous est nécessairement cher (autant les lecteurs que les auteurs).
Dans cet exemple du barrage fragilisé, un journaliste (votre héros) aurait pu être averti par un ou une employé(e) du barrage qui aurait vainement tenté(e) de signaler les défauts de construction par exemple. Mais comme cela risque de perturber la saison touristique (classique comme intrigue), sa voix (donc son point de vue) n’est pas entendue et il ou elle s’est alors tourné vers l’extérieur.
Maintenant, ce seront deux points de vue singuliers qui s’opposeront : celui du journaliste convaincu du point de vue de l’employé(e) et celui des autorités locales (un point de vue totalement justifié d’ailleurs).
En effet, cette contradiction de points de vue constitue votre argument. Pour que celui-ci soit crédible, les raisons invoquées de part et d’autre devraient être justifiées.
S’absorber dans un point de vue
Le lecteur/spectateur aime entrer dans un point de vue, et une fois qu’il y est parvenu, il imagine tout ce qu’il se passe dans le monde de l’histoire dans la tête et le cœur du personnage. Il est perturbant alors de sortir de ce point de vue singulier pour décrire des choses que le personnage considéré ne peut connaître. Néanmoins, si l’histoire l’exige, c’est à ce moment qu’une rupture dans le temps ou dans le lieu peut mener à des descriptions d’ordre général hors de portée des personnages. Vous jouez alors avec l’ironie dramatique et partant, sur l’intensité dramatique.
Lorsque vous avez établi un point de vue singulier dans une séquence ou une scène, il sera alors nécessaire de présenter l’information de ce point de vue. Seulement, certaines séquences réclament à la fois un point de vue singulier, c’est-à-dire comment un personnage donné dans une situation donnée perçoit cette situation, mais aussi dépasser cette expérience personnelle pour décrire ce qu’il se passe à l’extérieur, dans le monde tel qu’il est et non tel qu’il apparaît.
Il faut donc jouer avec différents points d’observation. Par exemple, le contexte est un ouragan. L’un des points de vue personnels est celui d’une femme seule dans sa maison en rase campagne. Ce qui compte est de décrire l’expérience personnelle de cette femme en lutte contre la nature. Elle pourrait observer l’approche de la catastrophe imminente et s’inquiéter des choses qu’elle voudrait protéger comme cette jardinière sur le rebord d’une fenêtre.
Ces choses banales pour tout autre observateur caractérisent cependant la personnalité de cette femme. Laisser la nature s’en emparer sans réagir reviendrait à se laisser dévorer. Ce point de vue peut alors expliquer pourquoi elle prend le risque de se faire happer par la tempête.
Parallèlement à cette expérience unique, l’ouragan ne concerne pas un seul personnage mais toute une population. Cette pluralité commande alors un point de vue général. C’est alors un mouvement de masse qu’il faut décrire. Nous nous retrouvons alors dans le point de vue aveugle de l’ouragan qui, contrairement à la femme dont l’intention est de préserver cette vie qu’elle a construite avec tant de peines et de joies, détruit et tue sans visée particulière.
La condition d’un point de vue est votre intention à un moment particulier de l’histoire. Le lieu importe puisque le point de vue singulier se rapporte à un lieu précis (la ferme dans notre exemple) alors que le point de vue général surplombe par exemple toute une ville où l’individualité est estompée.
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