Écrire comme si vous n’étiez pas assez compétent pour créer des romans pour adultes, peut-être est-ce parce que votre objectif est de travailler sur quelque chose de plus facile. C’est une erreur.
Vous devez être passionné par le style et par le lectorat ciblé si vous souhaitez un jour écrire pour les enfants.
Les histoires pour enfants sont des histoires sur les enfants
Bien qu’il soit important d’analyser certaines différences de style qui rendront votre œuvre plus attrayante pour les jeunes lecteurs, le genre dans son ensemble peut se résumer à cette seule affirmation.
Si vous créez un protagoniste qui est une jeune personne crédible, il parlera, pensera et agira d’une manière qui sera dynamique pour les jeunes lecteurs. Le défi consiste alors à écrire votre protagoniste avec précision et à éprouver de l’empathie pour lui au point de ressentir ses luttes, ses victoires, ses besoins et ses désirs à un niveau personnel.
En d’autres termes, vous devez être capable d’accéder à votre enfant intérieur et de ressentir ce qu’il ou elle ressent. Une fois que vous aurez créé ce jeune personnage réaliste, votre œuvre suscitera inévitablement l’intérêt de certains lecteurs de cette tranche d’âge, quel que soit le genre ou la complexité de votre histoire.
Concentrez-vous donc d’abord sur la construction du personnage, créez quelques chapitres-tests et montrez-les à des jeunes de la même tranche d’âge que le personnage afin d’obtenir des réactions et d’améliorer la crédibilité de votre personnage.
En dehors de la notion d’enfants, les enfants ne se considèrent pas vraiment comme des enfants.
Rappelez-vous quand vous étiez enfant. Si vous le pouvez, remontez à vos premiers souvenirs quand vous ne compreniez pas les choses qui vous entouraient, de votre incapacité à vous rappeler si vous aviez « un doigt et un pouce » ou « un truc et une patte ».
On peut se souvenir d’avoir été parfois fière d’être un ou une enfant, ou bien impuissant en tant qu’enfant. Mais jamais nous ne pensions que nos pensées étaient celles d’enfants. Les jeunes se considèrent comme des personnes (pour de bonnes raisons), et ils prennent leurs propres pensées et émotions au sérieux.
Ainsi, lorsque vous écrivez, n’essayez pas d’avoir des pensées ou des émotions plus douces et moins intenses, comme vous pourriez penser par erreur qu’il convient à un enfant.
Traitez-les comme vous traiteriez n’importe quel personnage, comme des êtres ayant une vie complexe, des pensées, des émotions et des expériences qui ne les ont tout simplement pas encore amenés à l’âge adulte.
Profitez d’une plus grande suspension d’incrédulité mais sans en abuser.
Les enfants semblent avoir davantage foi dans les anomalies que les adultes. Si vous leur dites que vous allez leur raconter l’histoire d’une vache et d’un poulet qui ont été adoptés et élevés comme des humains, ils résisteront beaucoup moins que les adultes, à condition que l’histoire soit de qualité et de genre appropriés.
Cela vous donne l’occasion de raconter des histoires merveilleusement bizarres qui ne sont limitées que par votre bon goût et votre imagination.
Cela dit, la suspension de l’incrédulité ne peut pas aller bien loin avant que vos innovations farfelues ne commencent à passer pour une narration paresseuse, surtout si vous les utilisez pour faciliter votre histoire. Vos jeunes lecteurs peuvent accepter qu’un méchant apparaisse magiquement au milieu de l’histoire dans un monde où vous avez déjà établi qu’il y a beaucoup d’entités magiques, mais ils seront moins enclins à accepter que votre premier animal parlant apparaisse au milieu du récit pour aider le protagoniste.
En d’autres termes, n’hésitez pas à sonder les limites de votre imagination, mais sachez que vous devez toujours respecter les mêmes normes de qualité en matière d’intrigue, de caractérisation et de construction du monde que pour tout autre roman.
Instaurez la confiance entre vous et vos lecteurs et faites en sorte de la maintenir
Les adultes, plus cyniques et rompus aux machinations créatives et retorses des auteurs, peuvent parfois apprécier que leurs attentes et leurs émotions soient cruellement utilisées contre eux. Ils tolèrent mieux de découvrir que le narrateur leur a menti, ou que leur personnage préféré meurt sans raison valable. Mais même chez les adultes, il n’est pas courant qu’ils apprécient vraiment ce genre de récit. Et aussi rares que soient ces personnes, les enfants qui apprécient une narration aussi cruelle sont encore plus rares.
Lorsque vous écrivez pour les enfants, vous devez vous efforcer de ne pas tromper ou manipuler les émotions ou l’intellect de vos jeunes lecteurs et de vos jeunes lectrices. La plupart des jeunes lecteurs sont encore en train de décider s’ils aiment lire et n’ont pas eu le temps d’apprendre à différencier l’auteur du narrateur.
Vous devriez donc être beaucoup plus attentif à entretenir la confiance de vos jeunes lecteurs et de vos jeunes lectrices en vous et en votre narrateur (qu’ils perçoivent comme étant vous). Les récits pour la jeunesse sont un partenariat entre auteurs, autrices, lecteurs et lectrices, sur un pied d’égalité.
Et une grande humilité est nécessaire pour ne pas céder aux désirs de vous élever au-dessus de votre lectorat.
Dans un monde qui méprise souvent les jeunes et les traite avec condescendance, vous avez l’occasion de vous démarquer en donnant à ces jeunes le respect dont ils ont tant besoin et qu’ils méritent. Soyez donc particulièrement honnête dans vos descriptions des événements de votre récit. Si quelque chose de tragique arrive à un personnage, construisez cet événement avec la même véracité, la même sincérité que si vous vous adressiez à un lectorat adulte afin que vos jeunes lecteurs sentent que leurs émotions sont respectées.
N’utilisez pas l’histoire pour jouer avec eux, mais pour les édifier, d’autant plus si vous versez dans le conte (fondamentalement moral).
Adressez-vous aux enfants comme s’ils étaient adultes
Quel que soit notre âge, nous nous sentons souvent agacés lorsque des personnes nous prennent de haut. On peut comprendre que certaines d’entre elles essaient simplement d’être agréables et amicales lorsqu’elles utilisent un jargon simpliste lorsqu’elles s’adressent à des enfants. Mais en réponse l’enfant est souvent embarrassé, et ressent une désagréable condescendance à son égard si ce n’est une insulte pour son intellect.
Les jeunes réagissent mieux aux propos lorsqu’on leur parle comme à des adultes. De la même manière, vous pouvez éviter de rendre votre roman ennuyeux et condescendant pour les jeunes lecteurs en utilisant simplement votre style habituel.
Évitez de romancer ou de diaboliser les adultes et l’âge adulte.
Les thèmes les plus importants dans les œuvres pour enfants sont que soit tous les adultes sont mauvais ou stupides et que tous les enfants sont parfaits et en quelque sorte magiques, soit que tous les adultes sont sages ou bons et que les enfants sont des semi-humains stupides qui doivent obéir s’ils veulent que les choses s’améliorent.
La première situation peut devenir subversivement dangereuse pour la façon de penser d’un enfant (après tout, qui sont ces stupides parents pour me dire de ne pas monter dans des fourgons avec des inconnus) ; tandis que la seconde s’apparente à une sorte de dangereux lavage de cerveau (tous les adultes ont raison, je dois obéir).
Mais les deux souffrent du défaut ultime d’être offensant pour le sens du réalisme de tout lecteur intelligent. Les enfants savent qu’il existe des adultes avisés (même s’ils ont des défauts) qui se soucient sincèrement d’eux et les respectent, et qu’il existe des adultes qui sont stupides, cruels, dangereux et égoïstes.
Exploitez donc ce sens du réalisme en montrant les deux types d’adultes avec des imperfections dans les deux cas de manière réaliste, quel que soit le type d’histoire que vous écrivez.
Évitez de vous mêler des affaires des adultes.
L’enfant curieux ira probablement chercher les mots qu’il ne comprend pas ; il pourra s’intéresser à des concepts (les questions religieuses par exemple) qui ne sont pas vraiment de son âge, mais cela peut l’intéresser.
Par contre, parlez-lui des difficultés à rembourser un prêt, ou de l’embarras ou des obstacles pour trouver un emploi, et vous le perdrez sûrement. Lorsqu’on lit des livres pour enfants ou adolescents, la principale chose qu’on ne veut pas voir, ce sont les futilités du monde des adultes.
Il y a une place pour les émotions, les situations, le vocabulaire et le style adultes. Mais vous devez présenter votre histoire sans être timide, détourné ou embrouillé par d’épaisses digressions (comme de tourner autour du pot). Soyez aussi intrépides que vos lecteurs, et abordez des thèmes difficiles et stimulants avec des réponses qui le sont tout autant. Mais ne leur parlez pas comme à des enfants.
Amusez-vous avec chaque page que vous écrivez.
Chaque page devrait compter lorsqu’on écrit un roman. Au lieu d’essayer de rendre les parties ennuyeuses d’une histoire (c’est-à-dire celles qui ne font pas avancer l’histoire ou qui ne révèlent pas des informations sur les personnages) aussi condensées et rares que possible (ce qui est une bonne première étape), trouvez un moyen innovant de faire de chaque segment ennuyeux quelque chose d’intéressant.
Cela n’est nulle part plus important que dans les histoires pour les enfants. Chaque page doit être nécessaire et vivante. Et la meilleure façon de faire ressentir à votre jeune public la puissance de chaque page est de la ressentir vous-même.
Si vous travaillez à la construction de votre monde, faites en sorte de vous y intéresser vraiment. Si vous écrivez une scène triste, amenez vous à ce même moment de tristesse par vos mots. Si vous écrivez une scène d’action, faites en sorte de vous sentir exalté. Votre jeune audience sait que vous vous amusez, et elle sera plus encline à vous suivre.
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Bonjour Scenarmag (oui William), en effet un défi mais d’abord un sincère dosse d’écrire pour les enfants.
Admirable démarche même !
Mais sans doute parce que peut-être se soustraire aux frontières des âges en admettant que l’adulte auteur est soi-même resté un enfant qui s’adressera mieux à eux.
Autant alors ne pas leur parler (leur écrire) comme à des sous-êtres, des sous-citoyens, des êtres inachevés dixit un pédopsychiatre que perso, j’approuve, spécialisé sur l’adolescence mais confirmant que la création de soi-même commence dès nouveau-né (il renvoie aux écrits d’un confrère américain plus compétent sur l’enfance dont la petite).
Il ne serait donc pas question « d’adultité » ou de maturité puisque l’enfant ou l’adolescent ne consent à l’adulte lui-même pas toujours encore achevé et mature lui-même, que l’unique droit de le laisser se créer tout seul comme un grand.
D’où probablement ce désir si intimement ressenti de leur raconter une histoire.
Je reviens en urgence ! Je viens de me souvenir que même plus question à se poser ! Quel que soit l’âge du public, le métier de raconter une histoire consiste à lui ressusciter des émotions infantiles comme les rires et les larmes !
(mais quand est-ce que je terminerai enfin ma puberté, moi ?).