SCÉNARIO : LE POISON – BILLY WILDER

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scénarioLe Poison (1945) est un scénario co-écrit par Charles Brackett et Billy Wilder et obtint le Grand Prix du Festival de Cannes en 1946 et plusieurs Oscars dont celui de la meilleur adaptation (Best Writing (Adapted Screenplay)) pour The Lost Weekend de Charles R. Jackson.

Le Poison est un film classique sur la spirale du déclin d’un alcoolique. D’un point de vue structurel, il s’agit d’un exemple de personnage au parcours négatif. On pourrait penser à une tragédie et en fait, c’en est une sauf que le dénouement ressemble davantage à un Deus Ex Machina qu’à l’issue d’une implacable logique pourtant démontrée tout au long de l’intrigue.

Le scénario
Jeudi

Don Birnam, un écrivain new-yorkais alcoolique, fait ses bagages pour un week-end de vacances avec son frère Wick, qui essaie de le décourager de boire.

Lorsque Helen, la petite amie de Don, vient leur dire au revoir, elle mentionne en passant qu’elle a deux billets pour un concert, auquel Don incite Wick à l’accompagner.

Don se rend au Nat’s Bar, manquant délibérément son train, puis rentre en douce dans l’appartement pour boire un whisky bon marché qu’il a acheté, évitant Helen qui s’inquiète de le voir rester seul.

Vendredi

scénarioDe retour au bar, le propriétaire (Nat) reproche à Don de traiter Helen si mal, et Don se rappelle comment il l’a rencontrée pour la première fois. C’était à cause d’une confusion de tickets de vestiaire à l’opéra, où il a dû attendre la personne qui avait reçu son vestiaire par erreur. Il s’agit d’Helen, avec qui il entame une romance.

Alors qu’il doit rencontrer ses parents pour un déjeuner à l’hôtel, il perd son sang-froid et lui téléphone un message en pleurant. Il lui avoue alors qu’il est deux personnes : « Don l’écrivain », qui ne peut écrire que lorsqu’il est ivre, et « Don l’ivrogne », qui doit toujours être soutenu par son frère.

Malgré cela, Helen se dévoue pour l’aider dans sa détresse. De retour à l’époque actuelle, Don est passé à un autre bar, où il est surpris à voler de l’argent pour payer son addition, et jeté à la rue.
Dans l’appartement, il trouve une bouteille qu’il avait cachée la nuit précédente, et boit jusqu’à la stupeur.

Samedi

Don est fauché et tous les monts-de-piété sont fermés. Au Nat’s Bar, on lui refuse le service. En désespoir de cause, il rend visite à une fille qui avait rompu avec lui parce qu’il ne cessait de l’ignorer, mais qui accepte maintenant de lui donner quelques dollars dans un geste de pitié. En quittant son appartement, il tombe dans les escaliers et perd connaissance.

Dimanche

Don se réveille dans un centre pour alcooliques, où un membre cynique du personnel se moque de lui et des autres clients du « Hangover Plaza », mais propose de l’aider à soigner son délire.

Don refuse l’aide et réussit à s’échapper du service alors que le personnel est occupé avec un patient violent.

Lundi

Toujours fauché, Don vole une bouteille de whisky dans un magasin, et passe la journée à boire et à avoir des hallucinations. Helen revient, alertée par un appel de la logeuse de Don qui l’entend hurler. Le trouvant dans un état de délire, elle jure de s’occuper de lui et passe la nuit sur son canapé.

Mardi

Don s’éclipse et met en gage le manteau d’Helen – l’objet qui les a réunis pour la première fois – afin d’acheter une arme. Il lui dit que leur relation est terminée, et elle aperçoit l’arme qu’il a cachée dans la salle de bains.

Alors qu’ils se battent pour maîtriser l’arme, elle rappelle à Don l’amour qu’elle lui porte et son souhait qu’il arrête de boire. Elle parvient à le convaincre que « Don l’écrivain » et « Don l’ivrogne » sont la même personne.

Il s’engage enfin à écrire son roman La Bouteille, dédié à Helen, et qui racontera les événements du week-end. Il jette une cigarette dans un verre de whisky pour le rendre imbuvable, preuve qu’il est guéri.

L’analyse structurale

Nous suivrons le paradigme des trois actes et ses 7 articulations majeures tels qu’élaborés par Syd Field (ici, revu par Charles Deemer).

L’accroche

De la manière dont Charles Deemer interprète l’accroche, il semble qu’il mêle dans le même terme à la fois l’accroche au sens traditionnel (un moment au début du récit qui accrochera lecteurs et lectrices à ce récit) et séquence d’ouverture, c’est-à-dire dans un scénario, les toutes premières minutes.

Il pourrait être instructif de lire ou de relire quelques uns de ces articles :

Le film s’ouvre sur une vue aérienne de Manhattan qui pourrait presque certainement inspirer la première image de Psychose d’Alfred Hitchcock, suggérant de la même manière que nous nous concentrons au hasard sur l’une des innombrables histoires qui se déroulent dans le cœur de cette ville.

Don est sobre depuis dix jours et s’apprête à partir à la campagne avec son frère, Wick, afin de se reposer et de récupérer. Il est clair dès le départ, étant donné le comportement colérique de Don et sa fragilité, qu’il n’est pas encore intéressé par une réhabilitation – un soupçon qui est audacieusement confirmé lorsqu’il tire une corde qui pend de la fenêtre de l’appartement pour révéler une pinte de whisky, qu’il tente de boire dans le dos de son frère.

Don est pris en flagrant délit, mais il bénéficie d’un sursis lorsque sa petite amie, Helen, passe le voir. Étonnamment, même après que la bouteille de whisky ait été découverte, Don convainc Wick d’aller à l’opéra avec Helen et de le laisser seul dans l’appartement jusqu’à ce qu’ils se retrouvent et partent pour la campagne dans quelques heures.

Mais Don fait une rechute et reste ivre pendant plusieurs jours, tandis que Wick, dégoûté par ses rechutes successives, quitte quand même la ville. L’idée que Wick et Helen puissent irrationnellement laisser à Don cette occasion en or de boire est brutalement crédible. Une telle indulgence découle d’une certaine naïveté – cette fois, Don se maîtrisera – ainsi que de la simple lassitude de mener un combat apparemment perdu d’avance.

Il est plus facile de laisser boire celui qui boit, surtout dans une société qui considère que l’abstinence est un peu contre nature. Wilder et Brackett sont judicieusement conscients que la société est une sorte de complice méprisant, et cette conscience confère à Le Poison une puissance indéniable.

Outre Wick et Helen, il y a le barman habituel de Don, Nat, qui le fustige pour sa consommation d’alcool mais continue à le servir, le critiquant parfois alors qu’il est en train de lui servir un verre. Bien sûr, seul Don peut empêcher Don de boire, et ces séquences illustrent l’étrange confort que procure à ceux dont la vie est déséquilibrée le fait de se terrer dans un bar, tout le monde comprenant implicitement que l’on s’asservit à une routine potentiellement fatale, mais rassurante et prévisible, sous couvert d’une apparente désinvolture.

Pourquoi toute cette digression et cette remarque désobligeante envers Charles Deemer ? Parce qu’une accroche, c’est une question inaugurale. Et l’accroche de Le Poison est précisément cette préparation à un départ censé être une récompense de la sobriété nouvellement acquise de Don.

Il s’avère que non en fait et la question dramatique qui est la condition de l’accroche est non seulement de connaître si Don parviendra à vaincre son addiction mais en toute bonne logique, cette addiction est expliquée par une cause : Don est écrivain que lorsqu’il est ivre. La véritable question dramatique et qui crée l’accroche, c’est bien de savoir si Don pourra réécrire.

C’est l’aspect positif du personnage et voici que la sympathie envers lui s’installe. On ne relève pas par le mépris le fait qu’il soit alcoolique. Le lecteur/spectateur s’incarne dans Wick ou dans Helen et nous partageons alors un sentiment commun envers Don.

Cette position désigne tout naturellement l’accroche. Celle-ci installée, nous voulons savoir.

Complication

Ce qui est désigné par Complication est l’élan nécessaire à l’histoire. Cette Complication se focalise sur le personnage principal. Ici, Don ne veut qu’une seule chose : être seul pour pouvoir se donner à son addiction hors des regards qui lui importent le plus, à savoir Wick et Helen.

Cette interprétation est suggérée lorsque le départ est retardé et que Don convainc Wick et Helen d’aller ensemble au concert.

Call to Action

Ce concept de Action peut se définir comme un mouvement, un battement régulier. C’est une force, une énergie nécessaire à l’histoire pour qu’elle s’exprime ou se manifeste. Concernant Don, l’action qui le caractérise est qu’il puisse continuer à boire. Tout ce qui peut justifier cette volonté à s’adonner à la boisson participe du Call to Action.

Le premier nœud dramatique

Wick est écœuré du comportement de Don mais Helen est toujours déterminée à vouloir l’aider. Don entre dans une spirale qui semble sans fin.

Un nœud dramatique sert à orienter l’histoire dans une nouvelle direction. Ici, il indique un changement dans les relations. Ce qui conduit au point médian.

Le point médian

Don se confesse à Helen. Il lui fait la promesse d’écrire à nouveau (ce qui suggère qu’il cesse de boire). Mais le point médian est aussi l’expression d’une grave crise personnelle du personnage principal. Ce vœu pourtant sincère sera un échec.

Le second nœud dramatique

La descente aux enfers de Don s’accélère. Il est arrêté et placé en cellule de dégrisement. Lorsqu’il s’échappe, il rentre chez lui et a des hallucinations d’une chauve-souris qui mange une souris. Il est absolument terrifié. Il décide de se suicider.

Don prend conscience de ce qu’il est devenu. Il ne l’accepte pas et prend cette décision terrible de mettre fin lui-même à son tourment. Une des propositions avancées par Le Poison est qu’on ne peut trouver qu’en soi la réponse à ses propres problèmes quelle que soit le dévouement que d’autres ont à notre égard.

Climax et Résolution

Mais sa compagne intervient et le convainc que d’autres personnes ont arrêté de boire. Lorsqu’on lui rend sa machine à écrire, il prend cela comme un signe pour reprendre sa vie en main et écrire à nouveau. Il laisse tomber une cigarette dans son verre, qu’il refuse, et se met au travail.

Le Poison n’échoue que dans la facilité soudaine de son happy end. Avant cela, c’est un bon exemple du déclin progressif d’un protagoniste dont la propre dépendance est son pire ennemi. Et ce message apparaît clairement dans le second nœud dramatique. Ce dénouement sert peut-être à satisfaire des investisseurs ou à complaire à une morale ou une éthique.

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