DRAMATICA & SYD FIELD

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Dramatica se veut être une théorie et pratique narrative. Comme toute théorie, elle s’est équipée d’une terminologie et demande à être sérieusement pensée pour être efficace.

Une des notions de Dramatica est celle de Story Driver.

Parmi les quatre lignes dramatiques majeures que reconnaît Dramatica, il y a l’Overall Story Throughline.
C’est-à-dire l’histoire qui concerne tous les personnages. C’est une vue objective du récit. Chez Syd Field, cette Overall Story Throughline se retrouve dans ce qu’il distingue comme Complication.

Overall Story Throughline ou Complication pourraient être tout aussi bien considérées comme la prémisse, c’est-à-dire ce qui donne naissance à une histoire qui ne saurait exister sans cette prémisse. D’où l’importance de ne pas la diluer dans trop de mots et qu’il est très souvent conseillé de tenter d’en faire une synthèse en une phrase car si vous sentez le besoin de l’étendre sur la longueur d’un paragraphe par exemple, c’est que probablement, vous ne saisissez pas encore totalement ce que vous cherchez à dire.

Cet effort de pensée vous servira aussi lors de la tâche que vous vous êtes fixé à définir vos thèmes.

Action ou Personnage

Action est à comprendre comme événement, mais un événement qui n’est pas causé par une action extérieure au personnage. C’est un mouvement du personnage lui-même qui provoque cet événement. Un événement est par exemple ce voyageur du temps qui surgit dans le présent de la narration dans Terminator. En somme, l’action est l’application d’une volonté qui devient alors un fait.
Mais une histoire, ce n’est pas seulement de l’action. Le point peut être mis sur les personnages et leurs décisions. C’est ainsi que Dramatica distingue un récit réglé par les personnages. La terminologie est alors de considérer cette histoire en tant que Actions ou Decisions. Decision serait par exemple la décision de Daniel de personnifier une femme dans Madame Doubtfire. Dans Decision, nous avons aussi une volonté mais nous n’en connaissons pas encore les effets qui restent à venir.

Selon Dramatica, si les actions qui se produisent dans votre histoire déterminent les types de décisions à prendre, choisissez Action. Si les décisions ou les délibérations qui se produisent dans votre histoire précipitent les actions qui suivent, choisissez Decision.

Action ou Decision décrit la manière dont l’histoire avance. La question est la suivante : Les actions précipitent-elles les décisions ou vice-versa ?

Qu’est-ce que le Story Driver ?

C’est un mécanisme dramatique par lequel l’intrigue progresse. Toute histoire tourne autour d’une question dramatique centrale, mais cette question centrale ne devient un problème que lorsqu’une action ou une décision déclenche des événements. Si une action fait avancer les choses, de nombreuses décisions peuvent suivre en réponse. Si une décision déclenche les événements, de nombreuses actions peuvent suivre jusqu’à ce que cette décision soit satisfaite.

La relation Action/Decision se répétera tout au long de l’histoire. Dans une histoire où l’action prime, les décisions semblent résoudre le problème jusqu’à ce qu’une autre action fasse repartir les choses. Par exemple, décision fût prise d’arrêter un hacker. Mais nous sommes dans un film d’action, donc, cette décision mènera à une arrestation bruyante dont l’issue implique que d’autres décisions seront prises pour créer de nouveaux événements (course-poursuite, fusillade, démantèlement d’organisations criminelles…).

Les histoires dans lesquelles des décisions sont prises pour que l’intrigue puisse continuer à se dérouler fonctionnent de la même manière. Les actions mettent en place la situation jusqu’à ce qu’une nouvelle décision vienne tout chambouler.

De même, à la fin d’une histoire, il y aura un besoin essentiel d’une action à entreprendre (tuer le méchant de l’histoire par exemple) ou d’une décision à prendre (choisir entre le trésor ou la vie de son frère, par exemple).

Les deux se produiront, mais l’une d’entre elles sera l’obstacle qui doit être levé pour permettre l’autre. Ainsi, si le climax (puisque c’est de lui qu’il s’agit à la fin de l’histoire) est de choisir la vie du frère plutôt que l’illusoire richesse, cette décision sera contrariée par l’appât du gain qui consiste dans l’action à s’emparer du trésor.
Cela a été très justement le problème de Elsa Schneider dans Indiana Jones et la dernière croisade qui n’a pas su choisir entre la vie et le Graal.

Que ce soit les actions ou les décisions qui font avancer votre histoire, ce moteur de l’histoire (Story Driver) sera sensible dans les événements initiateurs et finaux, formant ainsi des limites autour de la dramaturgie immanente au récit de fiction.

Comparons avec le paradigme des trois actes

Dans un scénario en trois actes, le premier acte doit accomplir beaucoup de choses en très peu de temps, avec un Call To Action, c’est-à-dire un appel à l’action qui fait entrer le personnage principal dans le Story’s Spine.
Dans la langue anglaise, l’expression Tracking the Story’s Spine consiste à tisser dans le récit l’arc dramatique du personnage principal, c’est-à-dire son évolution personnelle dans le développement de l’intrigue car ce personnage apprend de ses erreurs et de ses tribulations. Il change. Il devient autre d’une manière ou d’une autre. Il rencontre cet autre lui-même.

Lorsque cette évolution est mal ressentie par les lecteurs/spectateurs, il manque forcément quelque chose à votre histoire qui se traduit par une frustration des lecteurs et lectrices vis-à-vis du héros ou de l’héroïne.

L’accroche

Le premier défi du scénariste est d’attirer et de retenir notre attention. Si au bout de 10 minutes, un spectateur répond à une envie pressante, le scénariste a échoué à capter son attention. Dans Jurassic Park, nous débutons avec un garde tué par une sorte d’étrange créature en cage. Qu’est-ce qu’il se passe ? Nous voulons le savoir. Nous sommes accrochés.

Regardez la première minute ou plusieurs minutes de n’importe quel film – et demandez-vous ensuite Pourquoi est-ce que je regarde ça ?.
Si vous avez une réponse, c’est que le film a une bonne accroche. Vous devriez en faire autant, conseille Charles Deemer.

La complication

L’attention du public étant « accrochée » à notre séquence d’ouverture, il est temps de passer rapidement au cœur de notre histoire, le noyau qui lui donne tout son sens. Charles Deemer appelle cela complication. C’est un événement important de l’histoire qui amorce le mouvement qui donne sa raison d’être à l’histoire, son acte de naissance en quelque sorte.

Dans Jurassic Park, cette complication est la scène qui suit la mort du gardien, lorsqu’un avocat révèle que l’accident pourrait retarder l’ouverture du parc à thème d’animaux préhistoriques clonés. Ce qu’il faut, c’est la confirmation par un scientifique respecté que le parc est sûr, malgré l’accident. Remarquez comment cela nous amène à la participation du personnage principal, le scientifique.

Parfois, la complication implique directement le protagoniste, comme dans Le Lauréat. Ici, nous avons une « accroche douce » – un personnage principal excentrique que nous rencontrons dès l’ouverture du film.
Qui est ce personnage ? Lors de la complication, Mme Robinson fait son premier pas vers lui. Elle lui demande de la ramener chez elle. Puis lui fait une proposition plus explicite, ce qui nous amène au cœur de l’histoire, à savoir leur liaison et ses conséquences.

Le Call To Action

Le moment le plus important de la structure du premier acte est peut-être ce Call To Action, c’est-à-dire une incitation à l’aventure. Il s’agit d’une action ou d’une décision du personnage principal qui le fait entrer directement dans la matière de l’histoire, cette zone de concentration dramatique qui fait la démonstration du sujet principal de l’histoire.

Dans Jurassic Park, l’archéologue se voit proposer une offre tellement intéressante pour inspecter le parc à thème qu’il ne peut pas refuser. Il accepte et l’histoire prend tout son sens.
Dans Le Lauréat, Benjamin hésite sur l’éventualité d’une liaison avec Mme Robinson et finit par accepter, à sa manière. C’est dans cette acceptation, dans cette prise en charge du problème, que l’histoire prend tout son sens.

Un Call To Action consiste généralement à ce que le protagoniste agrée ou approuve ou effectue une action positive en réponse à une question qui nous amène au concept dominant de l’histoire.

Le nœud dramatique (Plot Point) de la fin du premier acte

Une fois le récit installé, le héros atteint un point où sa vie normale (celle qu’il menait avant le récit) cède la place à une vie extra-normale, la nouvelle vie du récit. Les critiques mythiques appellent cela le passage du monde ordinaire au monde extraordinaire.

L’archéologue de Jurassic Parc passe de sa vie habituelle sur des chantiers de fouilles à l’expérience extraordinaire d’être parmi des animaux préhistoriques clonés. Benjamin passe du statut de diplômé immature et blasé à celui d’homme ayant une liaison avec une femme mariée et amie de sa famille.

Le personnage principal passe d’une vie ordinaire à des expériences inhabituelles, très intenses, représentées par l’histoire. C’est à ce premier nœud dramatique que l’histoire commence vraiment.

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