Une histoire, contrairement à l’opinion répandue et même à ce que j’ai écrit de temps en temps dans les articles de Scenar Mag (évoluer, c’est cependant garder l’esprit ouvert sur de toujours nouveaux horizons), une histoire, donc, c’est montrer et dire.
Montrer les choses est généralement considéré comme un emploi de détails précis (le détail effectivement donne corps au monde sensible) et une sollicitation des sens, ce qui permet de brosser un tableau descriptif clair pour les lecteurs : la richesse d’un paysage, le choc de la déception d’un nouveau mariage (à travers les réactions des personnages, par exemple).
Dire les choses est généralement considéré comme l’absence de détails précis, un récit sans inspiration qui ne sert qu’à expliquer ce qu’il se passe dans l’histoire : qui est lié à qui ou bien le passé d’un personnage nous sont dévoilés par les dialogues des personnages par exemple.
Montrer peut en effet révéler le caractère des personnages et l’intrigue d’une manière dynamique. Cependant, dire les choses peut souvent faire la même chose, à condition de trouver les bons mots. Montrer et dire sont des techniques descriptives tout aussi puissantes et importantes.
Quelles différences ?
Dire les choses : Elle était une jeune fille timide qui ressemblait à une petite souris. Elle regardait toujours à l’intérieur avant d’entrer dans une fête, se donnant ainsi une chance de s’enfuir au cas où elle ne verrait personne qu’elle connaissait.
Montrer les choses : Elle se tenait devant l’entrée de la salle, le menton levé, les petits pieds en équilibre sur les orteils.
La description de la jeune fille est précise mais superficielle : timide, petite de taille. Le passage reprend un peu avec l’image de son « coup d’œil » à l’intérieur, puis se perd à nouveau avec une explication laborieuse : lui donnant ainsi une chance de s’enfuir . . .
Les lecteurs ne peuvent pas vraiment voir la jeune fille ici. Vous allez devoir casser le rythme du récit pour leur raconter quelque chose sur elle afin que la suite de l’histoire ait plus de sens. Quand elle entre enfin dans la fête et se cache derrière une grande plante en pot, les lecteurs comprennent qu’elle fait cela parce qu’elle est timide et qu’elle se cache comme une souris. Cette explication est bonne, pour l’instant ; vous n’avez pas nécessairement fait d’erreur en disant aux lecteurs à quoi comparer le personnage.
Mais si les descriptions suivantes prennent la même forme (le garçon était grand et sinistre et ressemblait à une oie), votre prose va commencer à sembler plate et seulement descriptive. Vous expliquez trop de choses au départ, plutôt que de laisser les personnages se révéler à travers leurs paroles et leurs actes. Les lecteurs auront l’impression d’observer les personnages, plutôt que d’entrer dans l’histoire et d’habiter leur monde à leurs côtés.
En montrant les choses, vous permettez aux lecteurs d’entrer dans le monde de la jeune fille. Nous pouvons sentir sa nervosité à cause du mouvement. Encore une fois, il n’y a rien de mal dans ce passage. En fait, il dépeint le personnage de façon si vivante que nous pouvons facilement nous imaginer à l’entrée de la fête avec elle.
La prudence avec ce genre de représentation est de ne pas en faire trop. Selon la suite de l’histoire, il se peut que vous vous attardiez trop longtemps à la porte. Peut-être que cette jeune file n’est pas le personnage principal, et que toute cette mise en scène retire l’attention sur quelqu’un d’autre qui est plus important.
En outre, trop montrer les choses peut révéler un certain embarras dans votre écriture, comme si vous vous sentiez obligé de brandir votre arsenal de comparaisons et de métaphores pour combler ce qui apparaît être un manque. Vos personnages pourraient même disparaître au cours du processus. Ne laissez pas votre style submerger l’histoire que vous voulez raconter, rappelle l’autrice Monica Wood.
Combiner montrer et dire
Puisque trop dire retire de la profondeur à une scène et trop montrer la surcharge inutilement, il peut paraître comme une évidence qu’il faut trouver un équilibre entre les deux.
Elle se tenait à la porte de la fête avec toute la panoplie d’une souris des champs. Les mains jointes à la taille, elle se tenait sur la pointe des pieds et regardait à l’intérieur pour voir qui elle pouvait connaître.
La raison pour laquelle la combinaison des deux fonctionne beaucoup mieux est que le fait de dire rend les choses un peu plus faciles. Le fait de montrer rend la représentation moins laborieuse. L’analogie avec la souris d’emblée vous permet de donner un tour plus subtil à l’état d’esprit de la jeune fille ; l’expression toute la panoplie d’une souris des champs suggère beaucoup d’autres attributs : la dextérité, la vigilance, la furtivité.
Vous n’avez pas besoin de les montrer toutes. Quelques petites touches… Les mains jointes à la taille, la position sur la pointe des pieds, brossent un tableau presque complet. Ne refusez pas à vos lecteurs et vos lectrices le plaisir de remplir eux-mêmes certains détails.
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