Y a-t-il une différence entre un protagoniste et un héros ? Un protagoniste est le sujet d’une histoire. Un héros est un être humain qui possède des qualités extraordinaires.
Un protagoniste peut être un héros, certes, mais il ne l’est pas toujours. Très souvent, dans les manuscrits, les protagonistes sont des gens ordinaires. Ils peuvent être confrontés à des circonstances extraordinaires au cours de l’histoire, mais lorsque nous les rencontrons pour la première fois, ils peuvent en fait être vous ou moi.
Rencontrer un protagoniste qui est un substitut pour moi, avec lequel je peux facilement m’identifier, devrait être idéal, non ? N’est-ce pas ainsi que naît la sympathie ? Je me vois dans le personnage central du roman et, par conséquent, son expérience devient la mienne.
En fait, cela ne fonctionne pas tout à fait comme cela. Le cœur d’un lecteur ne s’ouvre pas juste parce qu’un simple idiot trébuche sur une page.
Une attirance
Qu’est-ce qui nous attire chez les autres ? Du moins, jusqu’à quel point sommes-nous attirés par les autres ? Beaucoup nous laissent indifférent. Peut-être nous nous découvrons quelques affinités avec ceux avec lesquels nous travaillons. Et quant aux amis, nul doute que nous partageons des expériences communes, mais aussi des valeurs et des intérêts. Ne dit-on pas un cercle d’amis ?
Pensez maintenant aux personnes que vous admirez profondément. Quelles sont ces personnes pour lesquelles vous annuleriez des projets ? Qui suscite en vous la crainte, le respect, l’humilité et une grande estime ? Ces personnes ordinaires ne sont-elles pas différentes des autres ? Ils ne sont peut-être pas célèbres, mais ils sont en quelque sorte exceptionnels pour vous.
Qu’ils soient des personnalités publiques ou ont simplement un profil ordinaire, nos héros et héroïnes sont des personnes dont les actions nous inspirent.
Alors, quel protagoniste souhaiteriez-vous que votre lecteur ou votre lectrice rencontre ? Pour créer un lien immédiat entre le lecteur et le protagoniste, il est nécessaire de prouver à votre lecteur une raison de se soucier de ce qu’il advient à ce protagoniste. La démonstration d’une qualité de caractère édifiante incite en effet le lecteur à ouvrir son cœur.
Si votre personnage principal est d’une banalité plus que commune, il est fort probable qu’il ne retiendra pas l’attention (pas plus que dans la vie réelle).
Et si votre protagoniste est sombre : blessé, se cachant des autres ou/et de lui-même, hanté par des souvenirs qu’ils ressassent en boucle , se détestant lui-même, s’il est un marginal ou simplement désagréable ? Nous ne devrions pas être davantage attiré par lui.
Malgré cela, la littérature contemporaine regorge de sombres protagonistes que les consommateurs sont avides de lire. Pourquoi ? Qu’est-ce qui les rend différents ? Qu’est-ce qui se déclenche en nous, alors que nous ne devrions pas nous en soucier ?
Un monde ordinaire bousculé
L’astuce narrative consiste à introduire des problèmes déconcertants dans la vie apparemment ordinaire d’un homme ordinaire. C’est une convention et on y souscrit avec assez de facilité. Donald Maass, agent littéraire, qui a commis quelques livres sur l’art d’écrire, fait remarquer, et je pense que c’est important, qu’il faudrait lors de la description de ce monde ordinaire que le lecteur ressente déjà une menace.
Dans le Dracula, l’adaptation de James V. Hart et de Francis Ford Coppola en 1992, Jonathan Harker nous est présenté comme un jeune homme ambitieux, sur le point d’épouser Mina. Pour Harker, accepter de remplacer son collègue Renfield pour conclure une vente dans ce lointain pays qu’est la Transylvanie est une opportunité de carrière qu’il doit saisir.
En quelques scènes, le monde ordinaire de Jonathan Harker nous est présenté mais on ne peut s’empêcher de sentir, de ressentir, de percevoir même dans cette acceptation de Harker (qui n’est rien de plus qu’un agrément, ce n’est ni une résignation, ni une soumission), de percevoir un péril. C’est-à-dire déjà de la tension dramatique.
Si vous avez quelques soucis à mettre en place cette tension dramatique, l’analepse peut s’avérer intéressante. En nous montrant quelques images d’un passé heureux, l’auteur implique que le présent n’est pas heureux. Notez que j’ai précisé quelques images. Car si votre protagoniste est accablé par le passé, c’est d’ailleurs un type de héros qui apparaît souvent, il est vrai que les secrets et les calamités du passé sont généralement beaucoup plus dramatiques que l’action présente.
Toutefois, précise Donald Maass, cela rend difficile la construction d’un récit convaincant. Beaucoup essaient de maintenir la tension de l’histoire en retardant la révélation. C’est une stratégie durable, mais sur le long terme, il est difficile d’aller au bout du récit.
Le passé est un outil dramatique qui sert à expliquer le présent, il n’est pas le présent. De plus, voir un personnage qui se plaint en permanence parce que son passé lui pèse ne retient pas l’attention très longtemps, tout comme dans la vie réelle, d’ailleurs.
La nécessité d’agir
Une rencontre peut être une pure coïncidence. Soudain du néant surgit quelque chose et notre vie en est toute bousculée.
Voyons ce personnage de Charlotte Brontoë, Jane Eyre. Le développement du personnage de Jane Eyre est au centre du roman de Charlotte Brontoë. Dès le début, Jane a le sentiment de sa propre valeur et de sa dignité, un engagement envers la justice et les principes, une confiance en Dieu et un tempérament passionné. Son intégrité est continuellement mise à l’épreuve tout au long du roman, et Jane doit apprendre à équilibrer les aspects souvent conflictuels de sa personnalité afin de trouver le contentement.
Orpheline depuis sa petite enfance, Jane se sent exilée et ostracisée au début du roman, et le traitement cruel qu’elle reçoit de sa tante et de ses cousins ne fait qu’exacerber son sentiment d’aliénation.
Peur de ne jamais trouver un vrai sens d’appartenance à une communauté, Jane ressent le besoin de se lier à un lieu, d’y trouver ne serait-ce qu’une communauté d’esprit. Ce désir tempère son besoin tout aussi intense d’autonomie et de liberté.
Dans sa quête de liberté, Jane se débat également avec la question de savoir quel type de liberté elle veut. Alors que Rochester offre initialement à Jane une chance de libérer ses passions, Jane se rend compte qu’une telle liberté pourrait également signifier l’esclavage.
Devenir l’amante de Rochester reviendrait à sacrifier sa dignité et son intégrité au nom de ses sentiments. St. John Rivers offre à Jane une autre sorte de liberté : celle d’agir sans réserve selon ses principes. Il ouvre à Jane la possibilité d’exercer pleinement ses talents en travaillant et en vivant avec lui en Inde. Mais Jane finit par réaliser que cette liberté constituerait également une forme d’emprisonnement, car elle serait obligée de garder ses vrais sentiments et ses vraies passions toujours refoulés.
Charlotte Brontë a peut-être créé le personnage de Jane Eyre afin de se confronter à des éléments de sa propre vie. De nombreuses informations suggèrent que Brontë, elle aussi, a lutté pour trouver un équilibre entre l’amour et la liberté et pour trouver d’autres personnes qui la comprenaient. À plusieurs reprises dans le roman, Jane exprime les opinions radicales de l’auteur sur la religion, la classe sociale et le sexe.
Cet aparté sur Jane Eyre cherche à démontrer que même une coïncidence lorsqu’il s’agit d’une fiction possède une intention. C’est-à-dire que si le personnage n’a pas totalement conscience de sa situation ordinaire, il existe déjà en lui une nécessité de changement. Votre héros ou votre héroïne doivent posséder cette volonté de se dépasser. L’aspiration à un changement positif est une force que nous pouvons tous comprendre.
Ce désir est sous-estimé, c’est une impulsion fugace. Mais c’est tout ce qu’il faut. C’est un puits de lumière dans l’obscurité. C’est le signe qui nous ouvre le cœur, et que beaucoup de récits oublient.
Trop de complaisances
Qu’en est-il des protagonistes qui sont tout simplement perdus, errants, sans espoir ou sans perspectives ? À en juger par leur fréquence, de tels héros doivent être faciles à imaginer, mais ils sont difficiles à apprécier. Bien sûr que lecteurs et lectrices veulent se détourner de leurs situations malheureuses, mais il y a souvent peu de raisons de penser qu’ils méritent notre pitié. Soucieux de se plonger dans leur souffrance, leurs auteurs oublient de nous donner une raison de les souhaiter délivrés de leur difficile situation.
Considérons La Route adapté par Joe Penhall d’après le roman La Route de Cormac McCarthy. Pourrait-il y avoir un héros avec moins d’espoir que le père sans nom de ce roman ? Seul avec son jeune fils dans un paysage gris post-apocalyptique, l’homme n’a d’autre but que de pousser leur caddie de maigres provisions plus loin sur la route devant eux et de survivre.
La route est sinistre. L’espoir n’est nulle part. C’est la fin des temps. Rien ne s’améliorera. Les quelques autres survivants sont des cannibales désespérés. L’homme et son fils ont une arme. Ils restent deux balles, sauvée au cas où le suicide serait nécessaire.
En effet, La Route est convaincant et déchirant. Comment McCarthy s’y prend-il pour nous faire aimer de tels personnages ? Il n’y a qu’un seul moyen : Nous devons ressentir de la compassion, et rapidement, pour son héros, appelé dans le texte uniquement l’homme. Après avoir rapidement mis en place la situation, McCarthy nous montre dans la lugubre routine matinale de l’homme ce qui compte pour lui. Je vous renvoie au texte et au film.
Ce rituel fait comprendre rapidement que dans ce monde sans espoir, il y a, après tout, une chose qui compte pour l’homme : son fils. Il aime son fils. Dans la plupart des histoires, cela ne serait pas remarquable. Dans le monde de The Road, ressentir quelque chose d’aussi fort est un miracle.
En d’autres termes, même l’homme désespéré a quelque chose à espérer, une cause à poursuivre, une raison d’avancer, quelqu’un à sauver. Dans ce monde gris et désertique, son esprit humain vit. L’homme du roman de McCarthy est en train de mourir. Qu’arrivera t-il à son fils quand il sera mort ? La tension de l’histoire découle en partie de la question de savoir si la vision de l’humanité de l’auteur sera finalement sombre ou pleine d’espoir. Ce qui nous fait continuer à lire, c’est que pour un homme au moins, l’amour est une raison suffisante pour continuer.
Les techniques de mise en scène des protagonistes tristes, mélancoliques, ténébreux sont applicables à tous les héros. Trouvez la force secrète de votre personnage principal, et peu importe que vous travailliez avec un héros ou un anti-héros.
Vos lecteurs s’attacheront aux deux, confirme Donald Maass.
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