L’arc dramatique du personnage est au cœur du récit. La pierre angulaire la plus importante du développement de votre histoire : élaborer des personnages avec un arc dramatique chargé en émotions.
Ainsi, vous éviterez les stéréotypes et ce sera comme si vos personnages avaient quelque chose à nous dire. Le monde intérieur de vos personnages est empli de désirs, de regrets, d’espoirs, de rêves, de peurs, de l’acceptation ou du rejet de leurs échecs, d’amour, de ressentiments et en fait beaucoup d’autres émotions qui révèlent qui ils sont lorsqu’ils sont placés sous la pression d’une situation.
Les personnages sont des êtres complexes émotionnellement.
Un cœur et une âme
S’interroger sur le pourquoi de ses personnages, c’est questionner leurs motivations. La motivation est ce qui donne la consistance de la réalité à la quête ou au but de vos personnages. Sans savoir pourquoi ses personnages se comportent comme ils le font, l’auteur échouera à les rendre réels.
Tant d’auteurs et d’autrices commencent à écrire sans exposer la motivation du personnage principal, estime Rachel Ballon. Et ils se retrouvent avec des personnages stéréotypés qui ne sont pas réels ou crédibles, parce que leur comportement n’est pas motivé. Pour expliquer le présent, pour le justifier, il n’y a rien de tel que le vécu.
Le profil psychologique ; ce qui donne l’envie ou le dégoût de la vie ; les désirs et les besoins (désir extérieur, besoin intérieur) ; les peurs et terreurs : voilà les principaux éléments permettant de mieux comprendre les personnages.
Comment cette personne est-elle devenue la personne qu’elle est aujourd’hui ? Qu’est-ce qui lui est arrivé dans son enfance et qui les touche encore aujourd’hui ? Ce sont les questions que Rachel Ballon conseille de poser devant soi et de vouloir y répondre. Ce serait comme dans la vie réelle. Sans être intrusif (attention au retour du bâton), on peut vouloir s’étonner du pourquoi des gens que l’on rencontre. On peut les interviewer en expliquant que l’on est écrivain ou bien qu’on cherche à écrire son premier roman. On peut aussi surtout commencer par soi.
Je ne sais pas si Rachel Ballon détient quelques bribes de vérité (si jamais la vérité est à notre portée), mais elle conseille de regarder l’histoire de ses personnages pour comprendre pourquoi ils se comportent comme ils le font. C’est ainsi qu’ils acquièrent une dimension dramatique.
Le nécessaire conflit
Votre personnage principal doit atteindre un objectif spécifique. Un personnage dramatique, c’est d’abord une volonté.
Les personnages sont révélés sous le stress ou la pression. Si votre personnage n’est pas en conflit ou émotionnellement sous la pression de la situation, sa vraie personnalité ne sera pas révélée, explique Rachel Ballon.
L’une des meilleures façons de mettre votre personnage principal sous pression est de le placer dans l’urgence. Instaurez un compte à rebours sur l’action et de la tension dramatique en émanera. Mettez votre personnage principal dans une situation avec une limite de temps pour atteindre son objectif et vous créerez la pression et la tension nécessaires pour garder vos lecteurs intéressés.
Une limite de temps est donc un concept dramatique pour créer plus de tension, de conflit et de suspense dans votre scénario. En fait, plus vous rapprochez le début du récit de sa fin ou du climax (l’ultime confrontation avec le problème incarné du personnage principal, c’est-à-dire la force antagoniste qu’il confronte), plus vous avez de tension en raison du temps plus court. Il est toujours préférable de commencer votre scénario le plus près possible de la fin, conseille Rachel Ballon.
Urgence et enjeux
Le délai pour accomplir quelque chose ne suffit pas en soi à créer une fiction dramatique. Il faut expliquer aussi la volonté du personnage. Ce sera par les enjeux que l’on peut donner du sens à ses actes. Si vous souhaitez que lecteurs et lectrices de votre travail comprennent la signification de la volonté de votre personnage principal, il faut fixer à celui-ci au moins un enjeu.
En ajoutant de plus en plus de pression sur votre personnage, vous augmentez le conflit. Ce genre de désespoir rend votre histoire rapide et excitante. Gardez les enjeux de plus en plus élevés afin d’augmenter le stress sur vos personnages, conseille Rachel Ballon.
Dès le premier acte, habituellement quelques moments après l’incident déclencheur, le but du personnage principal est établi dans l’esprit du lecteur. Le but donne un mouvement à votre récit, fournit à votre protagoniste un objectif à atteindre tout au long de l’histoire.
Ce sera son désir. Mais un désir est forcément extérieur. On veut obtenir quelque chose du monde. On veut obtenir quelque chose de l’autre. Et ce qui est vraiment dramatique, c’est alors de s’apercevoir que ce que voulait le personnage n’est pas vraiment ce dont il a besoin.
Le besoin est l’expression d’un manque. Le véritable objectif dramatique est de combler ce besoin. En ayant les deux types d’objectifs plaqués sur votre personnage principal, vous assurerez une profondeur émotionnelle à l’ensemble de votre récit, affirme Rachel Ballon.
La ligne émotionnelle de votre histoire est la relation entre le personnage principal et un autre personnage majeur. La théorie narrative Dramatica considère cet autre personnage comme un Influence Character. En fait, quatre lignes dramatiques sont en œuvre dans un récit pour qu’il soit non seulement dramatique mais pour qu’il fasse sens aussi.
Il y a le déroulement de l’histoire, son évolution au cours du temps et dans laquelle tous les personnages sont impliqués. C’est une vue du dessus, une vue objective. Maintenant, le personnage principal et son Influence Character évoluent aussi, chacun de leur côté.
Et peut-être que la ligne dramatique la plus émouvante pour le lecteur ou la lectrice est l’évolution de la relation qui existe entre eux. C’est l’aspect subjectif du récit, son côté humain.
Dramatica n’hésite pas à qualifier le protagoniste ou l’antagoniste de fonctions du récit. Ils seraient des personnages objectifs par opposition au personnage principal et à l’Influence Character qui possèdent respectivement une vue subjective sur l’histoire. Les lecteurs perçoivent celle-ci à travers non seulement les regards de ces deux personnages mais ils se passionnent aussi pour la relation qui les unit et se révèlent impatients de savoir ce que cette relation deviendra.
Bien que votre personnage principal interagisse avec beaucoup d’autres personnages, il n’y a vraiment que cet autre personnage avec qui il éprouve cette relation émotionnelle primordiale qui porterait à elle seule le devenir du récit.
Ce qui est intéressant à comprendre de la distinction entre fonctions et vue subjective, c’est que l’antagoniste (si votre histoire l’exige) peut être cet Influence Character.
Des gens comme les autres
Dans Des gens comme les autres, le personnage principal, Conrad, a des relations avec de nombreux autres personnages — sa mère, son père, ses amis, son entraîneur, son psychiatre, sa petite amie, un ami de l’hôpital.
Cependant, parmi toutes ses relations, la ligne émotionnelle (telle que la nomme Rachel Ballon et Subjective Story Throughline telle que la nomme Dramatica), celle sur laquelle nous nous concentrons, est entre Conrad et sa mère, qui est aussi l’antagoniste du personnage principal, Conrad.
Conrad veut désespérément l’amour de sa mère et au moment du climax (cette ultime confrontation entre le personnage principal et la force antagoniste quelle qu’elle soit), Conrad découvre que sa mère est incapable de l’aimer. L’art dramatique insiste beaucoup sur cette découverte qu’il nomme anagnorisis.
L’évolution de cette relation (lourdement chargée émotionnellement) est que Conrad réalise finalement qu’il n’obtiendra jamais l’amour de sa mère mais que ce n’est pas de sa faute. Il accepte que sa mère ne l’aime pas autant qu’elle aimait son frère mort. Qu’il n’a rien fait pour causer cette souffrance (depuis le début du récit, il porte la responsabilité de la mort de son frère), mais que sa mère est incapable de l’aimer comme il le veut. C’est aussi une manière de combler un besoin de soudain faire preuve de discernement ou de lucidité.
Même s’il ne reçoit pas cet amour, il est finalement capable de développer des sentiments d’estime de soi malgré les humiliations de sa mère. Au climax, Conrad arrive à un nouveau niveau de compréhension de celle-ci.
Pour la première fois, il l’accepte telle qu’elle est. Mais son principal changement (partez du principe dramatique qu’au début du récit, lorsque nous commençons à connaître le personnage principal, il est déjà un personnage en devenir (in statu nascendi)), ce changement est sa capacité à s’apprécier indépendamment de la façon dont elle le traite.
Partez aussi du principe que le personnage principal possède déjà cette capacité en lui. Seulement, celle-ci est profondément enfouie dans les tréfonds de sa psyché. Tout l’acte Deux jusqu’au climax se compose précisément de la prise de conscience de cette faculté qui ne peut être nouvelle, qui ne peut apparaître du néant.
Conrad a connu une transformation ou un changement émotionnel et il est différent de ce qu’il était au début de l’histoire. Conrad était un être fragile, qui manquait totalement d’assurance mais ce n’était qu’une apparence dont il ne pouvait pas s’apercevoir. Il lui aura fallu tout l’acte Deux pour que cette révélation apparaisse au jour.
Notez comment les évolutions du personnage principal et de sa relation à l’autre (l’Influence Character désigne cet autre) sont parallèles. Notez aussi que cet autre connaît lui aussi son propre arc dramatique, ne serait-ce que de se conforter dans ses propres convictions comme la mère de Conrad qui décide de quitter (et non de fuir) le domicile familial.
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