Le personnage excentrique n’est pas excentrique en lui-même. C’est un jugement qu’autrui porte sur lui. La personne concernée par cette appréciation subjective des autres semble dévier de l’usage commun ou bien d’une conduite habituellement acceptée.
Dwight V. Swain rappelle les mots de Carl Sifakis : le personnage excentrique suit ses propres règles de comportement constamment — parce qu’il sait que son code est le bon et que les autres ont tort (ce qui révèle me semble t-il la marque d’un égoïsme blessant) ; parce qu’il ne veut pas rivaliser selon les normes conventionnelles (là, il devient clairement plus intéressant à développer) ; ou parce que l’excentricité semble être le seul moyen de se faire reconnaître en tant qu’individu.
Même parmi les super-riches, il y a ceux qui se tournent vers le scandale dans leur désir de ne pas être considéré comme un autre millionnaire. Avec une telle définition de l’excentricité, les sources ne manquent pas.
L’excentricité au service des auteurs
Excentriques et excentricité sont précieux pour un auteur parce que, étant hors du modèle accepté de comportement, par leur différence et unicité, fréquemment ils créent l’intérêt du lecteur au-delà des personnages habituellement rencontrés.
De tels écarts par rapport à la norme sont, évidemment, une question de degré. Ils peuvent aller d’un individu qui ne peut suivre les lignes sur le trottoir, à l’individu qui porte un haut-de-forme et une cape tous les jours, au monomaniaque qui tente de lancer une conversation sur les maux de la vie (quitte à en inventer) avec n’importe qui qu’il rencontre.
Les livres d’Agatha Christie sont pleins de tels personnages, tout comme ceux de Martha Grimes, Gary Jennings et Stephen King, constate Dwight V. Swain.
Qu’est-ce qui fait un excentrique? Une variété de facteurs, bien sûr. Habituellement, c’est quelqu’un qui, consciemment ou inconsciemment, ressent un besoin énorme de maintenir son individualité. À cette fin, il a choisi un aspect limité de la vie et de vivre la vie dans lesquels il tient fermement à ses normes personnelles. Son caprice semble être une fantaisie à laquelle il s’accroche et sur laquelle il a érigé toute la structure de sa personnalité.
À certains égards, selon toute vraisemblance, il est obsessionnel-compulsif, comme dans le cas de notre personnage refusant de suivre les lignes. Dans d’autres, il est très probablement schizoïde — un solitaire, timide et peu sociable, qui s’est concentré sur une veine étroite d’intérêt presque au point de devenir paranoïaque.
Quoi qu’il en soit, d’ordinaire, il est considéré comme un excentrique, c’est-à-dire différent.
Son obsession, la ténacité avec laquelle il s’y accroche, le distingue et attire du même coup l’attention sur lui. On peut en voir le résultat dépeint dans l’obèse détective passionné d’orchidées Nero Wolfe de Rex Stout.
Sherlock Holmes aussi, se qualifie. Et Le Magicien d’Oz de Frank Baum est une mine d’or de l’étroitesse d’esprit caractéristique de l’excentrique : l’épouvantail, à la recherche d’un cerveau ; le lion lâche à la recherche du courage ; l’homme de fer-blanc voulant par-dessus tout un cœur ; et le Magicien lui-même, maintenant son ego par la perpétuation d’une fraude.
En tant que première étape dans le développement d’un tel personnage, vous devez vous poser trois questions, conseille Dwight V. Swain :
- Quelle forme prend l’excentricité de l’excentrique ?
- À quoi lui sert-elle ?
- Que voulez-vous que les lecteurs pensent de lui ?
Quelle forme d’excentricité ?
En ce qui concerne la question 1, le problème est ce que dit ou fait un personnage excentrique qui montre qu’il est excentrique. Simplement l’étiqueter d’être un drôle d’oiseau n’est pas suffisant. Vous devez le laisser organiser ses billets par numéro de série dans son portefeuille, ou toujours parler en vers, ou porter des cache-oreilles en août puisqu’il s’agit de convaincre votre lectorat qu’il est vraiment particulier.
En effet, il pourrait même être à votre avantage de garder un œil sur les bizarreries que l’on ne laisse pas de rencontrer dans notre vie quotidienne. Une telle liste pourrait plus tard vous être utile.
Sur la question 2 : Quel est le but d’un tel comportement ? Ou, pour le dire autrement, qu’est-ce que l’excentrique espère gagner par ses particularités, son style de vie décalé ?
C’est une question d’importance majeure, estime Dwight V. Swain. Une faute potentiellement désastreuse des auteurs qui ne poussent pas assez leur réflexion est leur tendance simplement à sceller un personnage excentrique avec une douce folie, sans considération pour la logique ou si oui ou non son comportement s’ajoute à quelque chose de significatif dans le cadre de l’histoire ou ailleurs.
Puisque l’observateur occasionnel ne peut détecter aucun motif perceptible dans les actions d’un personnage excentrique, il suppose qu’il n’en existe aucune. En fait, bien sûr, les excentriques ont des raisons de faire ce qu’ils font, même s’ils les ont peut-être oubliés il y a des années.
Et une fois que vous décidez d’une raison pour le comportement de votre excentrique, votre personnage (au moins pour votre propre usage dans la planification de votre récit), votre histoire aura beaucoup plus de sens, et vous vous faciliterez la tâche en tant qu’auteur et autrice, continue Dwight V. Swain.
Mais si un personnage excentrique ne sait pas qu’il est excentrique, comment espérer que l’on puisse écrire un tel personnage ? La réponse, naturellement, est que vous ne pouvez pas. Mais votre outil pour faire face à la situation est à portée de main et, somme toute assez familier.
C’est-à-dire que vous justifiez une raison appropriée pour quoi que ce soit.
Mettre en ordre les numéros de série sur les billets devient la marque de fabrique d’une personnalité déformée par une prudence excessive, le résidu tordu des larmes d’une mère le jour du loyer quand son sac à main a été volé.
Des protèges-oreilles en août peuvent représenter un effort pour faire taire les voix intérieures qui le réprimandent.
Pourquoi s’embêter avec un tel remplissage ? Parce qu’il vous aide à garder la conduite du personnage excentrique cohérente, explique Dwight V. Swain. Avoir conscience que le parcours de ce personnage est un peu hors des marges lorsque des questions d’argent sont concernées, et pourquoi, ouvrira toutes sortes de possibilités pour vous alors que les pages s’accumulent.
Une manière d’être ou d’agir n’étonnera pas vos lecteurs si vous leur expliquez et qu’ils admettent (ce qui est assez facile) que ce comportement hors des habitudes reçues est tout à fait justifié.
Comment le lecteur reçoit-il un personnage excentrique ?
Votre but pour eux est-il de l’aimer? De ne pas l’aimer? De l’accepter ou de le rejeter ? De réagir à lui avec amusement ? Ou bien de le mépriser?
Souhaitez-vous que votre lecteur ou votre lectrice éprouve du dégoût ou de la pitié devant tel ou tel comportement aussi scabreux puisse-t-il paraître ?
L’importance de ces questions devrait être évidente. Elles feront la différence entre l’économe et l’avare, le prévenant et le faible, un personnage ferme dans ses décisions et le brutal.
Le second terme de ces expressions données par Swain est ce qui caractérise le comportement excentrique.
Les réponses que vous décidez détermineront le type d’incidents dans lesquels vous impliquez votre excentrique – les actions spécifiques et autres attitudes que vous concevez pour obtenir la réaction recherchée chez vos lecteurs et lectrices.
Il sera difficile pour les lecteurs de sentir une telle parenté pour la femme qui tient un discours étrange sur les odeurs du corps parce qu’elle estime que le bain réduit sa résistance aux maladies, ou à écouter avec une telle patience l’homme qui monopolise la conversation avec de terribles avertissements d’une invasion imminente par les vers de terre. Et, d’un autre côté, qui peut se sentir contrarié par la dame âgée qui parle à ses chats ou insiste pour s’habiller dans le style des années 1920 ?
Dwight V. Swain conclut que cette réflexion sur l’excentricité de vos personnages vous aidera à préparer de tels personnages à être acceptés par vos lecteurs et lectrices.
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