Dans les romans gothiques, qu’y a-t-il de plus que le mimodrame, demande Robert D. Hume dont nous faisons depuis quelques articles la recension de son essai Gothic Versus Romantic: A Reevaluation of the Gothic Novel.
La caractéristique première du roman gothique, pense Robert D. Hume, est sa tentative d’impliquer le lecteur dans des circonstances très singulières. La terreur gothique joue sur la réponse du lecteur au suspense, tandis que l’horreur gothique tente de l’impliquer avec le méchant souvent protagoniste du récit.
Les deux types partagent un intérêt dans la psychologie des personnages, et les deux types peuvent être aussi considérés comme des déclarations ou des corrélations de l’état d’esprit de l’auteur. Ce dernier point nécessite d’être explicité. La caractéristique clé du roman gothique n’est pas ses dispositifs dramatiques, mais son atmosphère.
L’atmosphère est celle du mal et de la terreur latente ; le monde imaginaire dans lequel l’action se déroule est l’objectivation de l’imaginative compréhension de l’atmosphère par l’auteur ou l’autrice. En d’autres termes, le cadre existe pour transmettre cette atmosphère.
Ni le suspense ni l’horreur ne dépendent d’un cadre ou d’une atmosphère particulière. Le Chien des Baskerville, par exemple, n’est pas un roman gothique bien que son atmosphère pourrait s’y prêter. Le roman gothique utilise son atmosphère pour des fins fondamentalement psychologiques, bien que son utilisation réelle varie de la relative crudité de Walpole à la subtilité de Mary Shelley et Maturin.
Les paysages sauvages, les abbayes ruinées…, n’étaient qu’une convention commode, une méthode normalisée pour atteindre l’atmosphère désirée. Les éléments les plus importants du roman gothique sont un contexte dans l’espace ou le temps ou bien les deux suffisamment éloigné du lecteur des années 1800 pour qu’il n’y ait aucune intrusion des normes actuelles des possibilités factuelles et de la moralité de l’époque.
Ainsi, la plupart des histoires se déroulent dans le sud de la France, en Espagne, en Italie ou en Allemagne, et généralement au seizième siècle ou plus tôt. Le temps et le lieu ne sont pas pertinents (l’historicité réelle est très faible) tant qu’ils restent vagues ou éloignés.
Instaurer une distance physique seulement
Le Vathek publié en 1782 de William Beckford est parfois discuté comme un conte oriental dans la tradition du Rasselas, cet apologue sur le bonheur écrit par Samuel Johnson en 1759 mais il est fondamentalement un roman gothique dont le cadre oriental fournit la distance nécessaire.
Il y a une norme morale dans l’histoire. Le Calife Al-Wathiq, personnage principal à l’ambition moralement critiquable, se mesure ainsi à une norme que le lecteur de l’époque reconnaît comme proche de sa propre vision des choses de son époque.
Theodore et Isabella de Walpole, Emily St. Aubert et Adeline (La Forêt ou l’Abbaye de Saint-Clair) d’Ann Radcliffe, Raymond de Las Cisternas et Don Lorenzo de Medina (Le Moine de Matthew Lewis) remplissent aussi cette fonction normative du récit gothique.
Mary Shelley présente Clerval, l’ami de Victor Frankenstein, comme un homme ordinaire et décent. L’utilisation de plusieurs narrateurs par Maturin remplit la même fonction. Bien que le lecteur soit plongé dans un monde extraordinaire, il ne doit pas sentir que ses limites psychologiques (par opposition à ses limites factuelles puisque le lecteur s’inscrit nécessairement dans une réalité matérielle) lui soient totalement hors d’atteinte .
Si cela se produit, alors l’histoire perd son immédiateté ; tout rapport à son propre esprit serait exclue. L’action provient d’un héros complexe dans ses intentions moralement discutables. Même dans des histoires aussi manichéennes que Le Château d’Otrante et Les Mystères d’Udolphe, le Conte Manfred et Montoni (les sombres méchants tourmentés qui persécute l’héroïne, respectivement dans Le Château d’Otrante et Les Mystères d’Udolphe) sont bien plus que des méchants stéréotypés, tout comme Ambrosio est bien plus qu’un hypocrite unidimensionnel dans Le Moine.
Frankenstein et Melmoth sont des personnages impressionnants et grandioses dont la stature incontestable est exacerbée par de sombres aspirations et une grande force de caractère.
Le monde et l’atmosphère du roman gothique sont comme ses protagonistes terrifiants, effrayants et profondément ambigus. La confusion du mal et du bien que le roman gothique reflète dans ses méchants (héros de ces récits) produit un sentiment anticlérical.
Coleridge accusa sérieusement Lewis de blasphème pour Le Moine et l’œuvre resta longtemps sous la menace du blasphème. Ann Radcliffe (particulièrement avec L’Italien ou le Confessionnal des Pénitents Noirs) est parfois anticléricale.
Dans une certaine mesure, le sentiment est simplement anti-catholique. Maturin (un ecclésiastique) est extrêmement critique de toutes les églises, et en particulier de l’Église catholique. Mary Shelley, dans la lignée de sa mère, ignore largement la religion. Ces auteurs et autrices ne peuvent tout simplement pas trouver dans la religion des réponses acceptables aux questions fondamentalement psychologiques du bien et du mal qu’ils posaient. Cet échec se reflète dans leur satire à la fois sur les institutions religieuses et la simplicité apparente de la morale religieuse qu’elles prônaient.
La question du mal
Vu dans ces termes, le roman gothique devient une sorte de traitement du problème psychologique du mal. Dans sa forme la plus ancienne, il est rempli d’effets grossiers, mais de plus en plus il prend une résonance symbolique comme le suspense est subordonné à l’implication dans l’ambiguïté morale.
Cette analyse de Robert D. Hume est assez radical. Elle lui sert néanmoins à contrebalancer l’opinion commune selon laquelle ces effets n’ont rien d’autre qu’une valeur d’amusement. En insistant sur la qualité inhérente de ces premiers romans gothiques, cela rend leur relation avec les romans gothiques modernes beaucoup plus claire.
Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë, Moby Dick d’Herman Melville et Sanctuaire de Faulkner sont tous des romans gothiques, constate Robert D. Hume. Chacun crée un monde très distinct, que les romans de mœurs ou de conditions sociales ne dépeignent pas. Les trois romans possèdent une atmosphère distinctive et convaincante.
Bien que tous se produisent à une période différente du roman gothique des débuts, chacun est isolé dans l’espace ; la décrépitude du Sud chez Faulkner, le navire baleinier de Melville, ou les résidences d’une campagne désolée de Brontë sont loin de la sphère expérientielle du lecteur. Et pourtant, chaque roman présente un standard clair de l’ordinaire.
Ishmael de Melville et Mr. Lockwood de Brontë servent à la fois de narrateurs et de normes morales. Le projet de Faulkner est plus complexe, mais Horace Benbow et sa sœur Narcissa peuvent être considérés comme les deux pôles d’une morale ordinaire.
Achab (Mody Dick), Heathcliff (Les Hauts de Hurlevent), et Popeye (Sanctuaire) sont chacun à sa façon les méchants autour de qui chaque œuvre se construit. Et chaque roman présente un élément précisément antichrétien : Joseph , confit en dévotion et ne jurant que par la Bible dans Les Hauts de Hurlevent ; les Quakers chez Melville ; le portrait cruel de Faulkner d’un pasteur baptiste et d’une charité chrétienne typique.
Moby Dick est peut-être le plus grand roman gothique, estime Robert D. Hume, et un exemple presque parfait de cette forme d’expression. Dans le monde microcosmique du navire baleinier Ahab, le capitaine Achab domine. Moby Dick est certes l’incarnation du mal mais le thème du double renvoie cette image sur Achab.
Achab est une figure de stature immense, un homme bon, un homme bienveillant possédant une vraie humanité (il suffit de voir ses relations avec son second Starbuck), mais un homme saisi par une monomanie mortelle qui le détruira et ses compagnons avec lui.
Les lectures symboliques et critiques tombent souvent court après un certain point, car comme d’autres romans gothiques Moby Dick se termine dans l’ambiguïté morale ; il n’y a aucun message, aucune morale, aucune déclaration finale sur le bien et le mal. Moby Dick est pour Achab ce que le monstre est pour Frankenstein.
Au sens littéral il n’est qu’une baleine, et la vengeance d’Achab est ridicule. Dans un sens symbolique, qui peut le dire ? La baleine blanche peut être le symbole du mal dans le monde — ou peut-être pas, oppose Robert D. Hume aux critiques habituellement reconnues sur Moby Dick.
Achab est fou, et pourtant il reste un personnage complexe et tragique. Comme Melmoth, il persiste volontairement dans sa propre illusion. Pourtant, il réussit à gagner son équipage à sa cause, et le lecteur suit, irrésistiblement attiré dans une quête folle et exaltée.
Achab est un personnage prométhéen : prêt à défier les dieux, quoi qu’il arrive. Très habilement, Melville implique le lecteur avec Achab ; nous suivons la narration d’Ismaël qui nous introduit dans le monde, et puis la narration s’estompe, nous laissant immergés dans le monde singulier d’Achab lui-même.
De façon similaire, nous sommes attirés par la narration de Lockwood à Thrushcross Grange, qui apparaît être le monde du récit dans Les Hauts de Hurlevent.
Moby Dick et Les Hauts de Hurlevent nous laissent avec de grandes ambiguïtés ; le bien et le mal, l’amour et la haine sont entrelacés jusqu’à ce qu’ils soient inséparables. Les motifs que nous pourrions louer ou blâmer dans nos mondes quotidiens avant que nous leur donnions une seconde pensée nous apparaissent dans le contexte gothique comme au-delà du jugement.
Nous sommes amenés à voir les blessures d’Achab et de Heathcliff, à apprécier leurs complexités, et finalement à ne pas juger les dommages qu’ils font à eux-mêmes et aux autres. Comme dans le cas de Melmoth, la stature tragique compense l’inhumanité apparente.
Sanctuaire (en 1931) est construit de façon très différente, et pourtant il reste certainement un roman gothique (Southern Gothic), estime Robert D. Hume. C’est un récit sur l’omniprésence du mal moral. Comme certains des premiers romans gothiques, il a été populaire en raison de ses éléments sensationnels : le viol avec un épi de maïs, les scènes de bordel, et le lynchage d’un homme innocent — et cela a alimenté la controverse occultant une critique constructive de l’œuvre.
Mal et Nature Humaine
Faulkner se passe des nuances sur le méchant de l’histoire ; Popeye est un monstre impuissant et vicieux. Mais Faulkner a tenté d’expliciter ce comportement. Au chapitre 31 qu’il a rajouté lors de la révision de son œuvre, Faulkner essaie de nous faire comprendre que même Popeye ne peut pas être tenu moralement responsable de ses actions.
Il n’est que la victime d’un père syphilitique et d’une grand-mère folle. Le point du roman est que tous les hommes sont victimes du mal inhérent à la nature humaine : il ne peut y avoir aucun bien distinct du mal, et donc il ne peut y avoir de distinction définitive entre eux. De façon systématique, Faulkner démolit les illusions de l’idéaliste Horace Benbow, dont la croyance en la justice et la distinction entre le bien et le mal s’effondrent car il est forcé de reconnaître son propre refoulement d’une réponse sexuelle violente.
Sanctuaire est un livre extrême et violent, mais puissant. Le monde créé par Faulkner est malade et répugnant ; son efficacité dépend de la volonté du lecteur de se laisser entraîné dans un monde de mal dans lequel rien d’admirable n’est efficace.
Il n’y a pas de grandeur tragique ici, pas de grandeur compensatoire. Le roman de Faulkner est une déclaration de désespoir sur l’inéluctabilité du mal. L’atmosphère omniprésente de perversion et de macabre est la toile de fond de l’exigence de Faulkner de nous faire reconnaître le mal qui est inextricablement lié au bien dans chaque être humain.
Si l’on peut dire que le récit a un message, c’est simplement qu’il n’y a pas de réponses ; même Popeye doit être absous de sa responsabilité personnelle. Le roman gothique n’offre aucune conclusion. Dans sa forme pleinement développée, il tente d’impliquer le lecteur dans un monde singulier dans lequel l’atmosphère de l’homme mauvais est présenté dans des circonstances éprouvantes. Il met l’accent sur la réaction psychologique au mal et conduit à un enchevêtrement d’ambiguïté morale pour laquelle aucune réponse significative ne peut être trouvée.
L’essentiel du gothique nous ramène à l’origine du roman gothique et à sa relation avec le romantisme. Il est assez évident que le roman gothique originaire fait partie du mouvement qui s’éloigne du néoclassicisme et se dirige vers le romantisme.
Walpole a sous-titré Le Château d’Otrante comme une histoire gothique ; au milieu du dix-huitième siècle, gothique signifiait fondamentalement antique et barbare en référence à l’architecture. Dans ce contexte, il connotait le brutal, le sauvage et l’irrégulier — selon les normes du dix-huitième siècle.
Les excès imaginatifs de Walpole font partie d’une réaction généralisée contre la domination de l’empirisme de John Locke dont L’Essai sur l’Entendement Humain fut publié en 1689. Même Ann Radcliffe, dont le sens du décorum et de la bienséance est notoire, était plus proche de Wordsworth que d’Alexander Pope dans son admiration et sa contemplation du sublime. Les premiers romans gothiques, pour reprendre les termes de Walpole, étaient des romances, des exercices sans retenue de cette imagination contre lesquels Samuel Johnson avait si sévèrement mis en garde.
Le gothique et le romantisme : une thématique commune
Les écrits gothiques et romantiques sont étroitement liés chronologiquement et partagent certains thèmes et caractéristiques, comme ce héros qui erre par monts et par vaux hanté par la culpabilité. Tous deux ont une forte relation avec les processus mentaux intérieurs. Le roman réaliste, le roman de mœurs et la poésie néoclassique conduisent généralement le lecteur à contempler les actions extérieures de la vie autour de lui.
Pour préciser ce que sont ces actions extérieures telles que Robert D. Hume les envisage, j’ajouterai ceci : Parce que parfois on pense que l’on fait quelque chose de bien mais en fait réellement quelque chose de mal (ou vice versa), une distinction est faite entre les actions intérieures et extérieures.
L’action intérieure se réfère à l’acte tel qu’il est exécuté en dehors de l’âme. En d’autres termes, l’action intérieure se réfère à ce que l’on pense de nos actions (ce sont nos actions en pensée, en fait) et l’action extérieure se réfère à ce qu’il se passe dans la réalité.
Normalement, les deux actes sont du même type. Mais les kamikazes pourraient croire qu’en tuant des innocents, ils préservent leur foi des influences néfastes. Parce qu’ils croient qu’ils préservent leur foi, l’acte intérieur serait de préserver la foi. Cependant, l’acte extérieur serait un meurtre (ce qu’il se passe vraiment).
En une contradiction aiguë, l’écriture gothique et romantique conduit généralement le lecteur à considérer les processus mentaux internes et les réactions, les réponses qui s’explicitent sur un plan psychologique. L’écriture réaliste est fondamentalement sociale dans sa préoccupation, l’écriture gothique et romantique essentiellement individuelle.
C’est de cette absorption avec l’individu que l’écriture gothique et romantique acquiert son obsession pour l’esprit, prévient Robert D. Hume. Pourtant, bien que le même ensemble de conditions a donné lieu à la fois à l’écriture gothique et romantique, et bien qu’elles partagent de nombreuses caractéristiques, elles restent tout à fait distinctes.
Leur différence a toujours été plus facile à reconnaître qu’à définir. Robert D. Hume tente cette distinction avec référence à une certaine théorie littéraire de Coleridge. Les principales caractéristiques des auteurs et autrices gothiques et romantiques sont le souci des questions suprêmes et le refus de croire en l’adéquation de la raison ou de la foi religieuse pour rendre compréhensibles les paradoxes de l’existence humaine.
Le romantisme anglais dans sa première forme (Wordsworth, Coleridge, Keats et Shelley) peut être considéré comme une tentative de trouver la certitude personnelle de la religion révélée directement dans la nature plutôt que dans Dieu. Les romantiques tentent de dériver de la seule nature des sentiments qui, plus tôt dans l’histoire européenne, ont été organisés et soutenus dans un contexte chrétien surnaturel.
Les romantiques se tournent vers l’imagination qui, selon Coleridge, fond les objets du monde extérieur en une nouvelle réalité plus profondément vraie, donnant aux matériaux avec lesquels ils choisissent de travailler une unité et une signification qu’ils ne possèdent pas dans leur forme originale. C’est l’imagination qui sert aux romantiques de vecteur d’évasion des limites de la condition humaine.
Les auteurs gothiques, bien qu’animés du même mécontentement à l’égard du monde ordinaire, n’ont aucune confiance dans la capacité de l’homme à le transcender ou à le transformer par l’imagination. Les explorations que les romantiques mènent se situent strictement dans le domaine de ce monde et sont limitées aux limites de la raison.
Ainsi, les auteurs du gothique n’offrent jamais de solutions intuitives ; ils ne peuvent pas présenter l’ordre sensible trouvé par les romantiques dans leurs plus hautes envolées. L’effort littéraire gothique n’est pas celui de l’imagination romantique transcendante ; plutôt, selon les termes de Coleridge, les auteurs et autrices gothiques travaillent avec la fantaisie, que leur inspirent les fixités et les définitions du monde rationnel.
Fantaisie et Imagination
La fantaisie se distingue nettement de l’imagination, mais sa connotation actuelle de frivolité et de fantaisie n’est nullement nécessaire, précise Robert D. Hume. L’imagination secondaire (cette expression est de Coleridge) est cette faculté de l’esprit qui peut surmonter les limites de ce monde pour rechercher la clarté et la vérité dans un monde de permanence qu’elle dépasse.
L’imagination, en revanche, quel que soit le sérieux avec lequel elle est utilisée, ne peut trouver que le paradoxe, jamais la plus haute vérité. La fantaisie ne semblera jamais résoudre les conflits et les contradictions les plus profondes de ce monde ; c’est précisément ce que les romantiques essaient de faire, et ce que le roman gothique ne fait pas.
Les premiers romans gothiques peuvent être considérés comme les précurseurs du romantisme dans leur souci de la sensibilité, du sublime et de l’implication du lecteur d’une manière plus que rationnelle.
Le gothique prépare également le terrain et partage la confusion romantique du bien et du mal. Mais là où le gothique reste sombre en raison des ambiguïtés nécessaires de ses conclusions, l’écriture romantique suppose l’existence ultime, sinon l’accessibilité facile, de réponses claires aux problèmes qui tourmentent l’homme en ce monde.
De ce point de vue, un auteur comme Byron semble plus proche du camp gothique que des romantiques. Bio-graphiquement, il est pratiquement l’archétype du héros gothique romantique, mais en tant que poète romantique, il ne correspond que difficilement au type délimité par Wordsworth, Keats et Shelley.
Ce sont peut-être ses affinités augustines qui sapent si gravement sa croyance dans le pouvoir transcendant de l’imagination, mais le désespoir cosmique de Byron n’est pas compensé même par une certaine splendeur dans la grandeur mystérieuse de héros modelés sur lui-même. Manfred, Cain et Childe Harold sont tous plus gothiques que romantiques dans leurs confusions morales et leurs paradoxes ultimes.
Byron montre peu de signes de confiance dans la métaphysique romantique ; sa propre fuite de son problème existentiel, si jamais elle se produit, se fait dans la perspective comique d’un Don Juan. Au vingtième siècle, la plupart des auteurs ont accepté les limites et l’incertitude de l’homme plus facilement que les auteurs des siècles précédents qui croyaient que l’homme est intrinsèquement un être grand et noble.
Yeats a peut-être été le dernier grand écrivain romantique. L’écriture gothique a également connu un déclin, car le mal est aujourd’hui expliqué sociologiquement. Pourtant, il arrive encore parfois, comme dans Sanctuaire et peut-être dans Le Docteur Faustus (en 1947) de Thomas Mann, qu’un roman soit écrit avec les objectifs et les caractéristiques du gothique.
Avec le recul, il peut sembler que nous ayons parcouru un long chemin depuis les romans gothiques d’Horace Walpole et d’Ann Radcliffe. C’est effectivement le cas. Mais il n’est pas toujours facile de voir dans un seul ouvrage toutes les implications qui s’y rattachent. Le château d’Otrante est une histoire de terreur, mais c’est aussi le début d’une forme.
Walpole a ouvert des possibilités dont il n’était que faiblement conscient. Pourtant, en parlant d’un nouveau type de romantisme dans lequel la fantaisie est libérée de toute contrainte pour traiter les réactions psychologiques d’hommes et de femmes dans des positions extraordinaires, Walpole dit que si la nouvelle voie qu’il a tracée a ouvert une route pour des hommes aux talents plus brillants, il reconnaîtra avec plaisir et modestie qu’il était conscient que son initiative était capable de recevoir de plus grands embellissements que ce que son imagination ou son traitement des passions pouvaient lui conférer. Il avait tout à fait raison, affirme Robert D. Hume.
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