Avoir une intrigue ou une situation, c’est déjà une bonne chose. Mais si les personnages ne sont que des silhouettes en carton pâte, et surtout le personnage principal, des êtres qui se fondent dans le décor, ce sera certainement un aveu de faiblesse.
Lajos Egri l’a dit : la description d’êtres de fiction a l’égal d’êtres vivants et vibrants est la garantie non seulement d’une belle écriture mais aussi d’une écriture durable. Et il allait encore plus loin : Egri suggérait que si vous vous connaissez vraiment, profondément et intimement, si vous vous en sentiez capable, vous seriez alors capable de créer de grands personnages complexes et intéressants.
James Scott Bell rajoute que c’est parce que nous avons tous vécu, à un degré plus ou moins important, toutes les émotions humaines. En puisant dans nos souvenirs, en nous remémorant les émotions, les passions qui nous agitèrent et nous agitent peut-être encore, nous pouvons créer une infinie variété de personnages.
Le lien
Après avoir conçu un personnage principal convaincant, vous devez aller plus loin et trouver comment créer un lien émotionnel avec le lecteur. Vous pouvez y parvenir en maîtrisant quatre dynamiques pour James Scott Bell :
- l’identification du lecteur avec les préoccupations du personnage comme si le lecteur se remémorait des passages de sa propre existence en observant chez cet être fictif des choses qu’il se souvient parfois de manière ténue avoir déjà vécues,
- la sympathie est certainement le ticket d’entrée dans la compassion. C’est un peu comme dans la vraie vie. On peut être généreux envers autrui, donner sans rien attendre en retour. Mais ce n’est pas encore de la sympathie. Il se crée un lien lorsque ce qu’il arrive au personnage principal a un écho chez le lecteur. Le lecteur partage avec le personnage un même intérêt. C’est comme si entre un lecteur, une lectrice, un héros ou une héroïne se mettait en place une sorte de solidarité.
On éprouve vraiment dans notre cœur et dans notre esprit les souffrances de cet être fictif. C’est ainsi que l’empathie ne peut se mettre en place sans qu’il y ait d’abord de la sympathie et que celle-ci soit assumée par le lecteur, - les actes du personnage auront aussi une influence sur la création de liens entre lui et un lecteur ou une lectrice. Le personnage sera jugé sur ses actes. L’intérêt d’un tel jugement est que quelque soit le regard que l’on porte sur ce que fait le personnage, on peut l’aimer ou le détester pour cela, cela crée nécessairement un rapport avec lui, même à notre corps défendant, car chez cet autre, il y a de soi.
- Et le conflit intérieur. Le personnage principal a un désir. C’est un but et s’il veut l’atteindre, il devra agir sur des choses qui lui sont extérieures. Mais le désir, bien qu’il soit une incitation à faire avancer l’intrigue, n’est pas si dramatique que cela s’il n’est pas accompagné d’un besoin. Le personnage souffre intérieurement. Il ne pourrait être lui-même s’il ne résout pas d’abord ce qui le hante. Le manque provoque le désir. Une blessure qui s’enracine dans le passé devra être cautérisée pour que le personnage soit enfin lui-même.
L’identification
Comme le personnage principal donne accès à une intrigue, il s’ensuit que plus le lecteur s’identifie au personnage principal, plus l’intensité de l’expérience de l’histoire est grande. En s’identifiant, on crée le merveilleux sentiment que l’histoire, d’une certaine manière, nous arrive à nous.
On a cette illusion d’être dans la même position que le personnage principal. Nous n’avons certainement pas vécu les situations dans lesquelles un auteur ou une autrice l’ont jeté, mais nous croyons pourtant que nous pourrions réagir de manière similaire à celle du personnage. Et James Scott Bell insiste sur le fait que le personnage nous apparaît comme un être humain réel.
La forme devient vie. Que fait et pense (l’un et l’autre sont indissociables) le personnage pour qu’il imite la vie avec autant de souffle ? Quelles sont les qualités forcément humaines dont il se revêtira pour donner de lui l’apparence de la vie ?
Ce que le lecteur perçoit d’un personnage est ce qui lui permettra de considérer que cet être de fiction, cet autre dont il ignorait encore tout il y a peu devient un être en soi. Le personnage de fiction acquiert une existence. Dit autrement, pour qu’il y ait identification, il faut conférer à l’être fictif, nécessairement imaginaire, une humanité. Que l’on donne à un animal ou même à un objet inanimé des traits de caractère humains, ce qu’on nomme l’anthropomorphisme, et vous rendez cet être accessible, intelligible, reconnaissable.
La sympathie
La sympathie est le moyen par lequel le lecteur s’investit émotionnellement chez un personnage et en particulier chez le personnage principal. Même si celui-ci a des qualités négatives, comme Scarlett dans Autant en emporte le vent, vous pouvez néanmoins trouver des moyens de susciter la sympathie.
Mais il faut être subtil, prévient James Scott Bell. Si vous forcez trop le trait, le lecteur se sentira manipulé. Et il n’appréciera pas.
Le péril est un des instruments narratifs parmi les plus efficaces pour créer de la sympathie. Si une petite fille se perd dans la forêt, on comprend aussitôt l’angoisse des parents. La menace peut être aussi psychologique. Un personnage pourrait être au bord d’un abîme et trouver des raisons pour continuer à vivre est tout à fait compréhensif.
La sympathie est d’abord une affaire de compréhension (compréhension d’une situation par exemple) puis d’interprétation. On essaie de donner un sens. Je pense que peu savent donner du sens à la profonde et complexe psyché qu’elle soit humaine ou fictive, mais l’effort que nous faisons pour nous saisir de quelques bribes de l’autre est un geste de sympathie.
Si le personnage doit faire face à une mauvaise fortune qui n’est pas de son fait, la sympathie abonde, remarque James Scott Bell. Forrest Gump, qui souffre de problèmes physiques et mentaux depuis son enfance, gagne notre sympathie dès le début, par exemple.
La clé de l’utilisation de la détresse est de ne pas laisser le personnage s’en plaindre. Bien sûr, il peut y avoir des moments où le personnage se déchaîne émotionnellement à cause des difficultés, mais ne le laissez pas demeurer dans cet état. Nous admirons ceux qui agissent pour surmonter l’adversité. C’est leur façon à eux de se sentir vivants.
Un personnage apparemment vulnérable est aussi un bon candidat à la sympathie d’autrui. Notons aussi qu’un talon d’Achille se trouve chez les monstres les plus puissants et que c’est par cette faiblesse que l’on peut non seulement les atteindre mais aussi les comprendre et avoir pour eux quelques sympathies.
Le conflit intérieur
Les personnages qui sont absolument sûrs de ce qu’ils font, qui se lancent sans crainte, ne sont pas si intéressants. Nous ne vivons pas la vie de cette façon. En réalité, nous avons des doutes, comme tout le monde, confirme James Scott Bell.
En faisant remonter les doutes de votre personnage principal à la surface dans votre intrigue, vous plongez le lecteur plus profondément dans l’histoire. James N. Frey écrit que le conflit intérieur peut être considéré comme une bataille entre deux voix au sein du personnage : l’une de la raison, l’autre de la passion, ou de deux passions contradictoires.
Souvent, c’est la peur d’un côté, qui dit au personnage de ne pas agir. Le conflit interne est résolu lorsque le personnage, en écoutant l’autre voix – devoir, honneur, principe ou autre – surmonte le doute et agit en conséquence.
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