Que devrait-il se passer au cours de l’intrigue qui ferait qu’on en distingue quelques moments particuliers ? Qu’est-ce qui forme la structure de ce récit que l’on s’apprête à conter ?
L’introduction du personnage principal
Vous commencez par présenter un personnage qui vit une certaine vie. C’est le point de départ ou, en termes mythiques, le monde ordinaire du héros. Et c’est l’endroit où il restera à moins que quelque chose ne l’oblige à changer. A moins qu’il ne change, nous allons avoir une histoire assez ennuyeuse parce que seule une menace ou un défi intéresse le lecteur.
Donc, très tôt dans l’Acte Un, quelque chose doit perturber le statu quo. Pensez-y du point de vue du lecteur – quelque chose doit se produire pour nous faire sentir qu’il y a une menace ou un défi pour les personnages.
Cette perturbation ne doit cependant pas être une menace majeure, rappelle James Scott Bell. Il peut s’agir de tout ce qui perturbe la nature placide de la vie ordinaire du héros. Dean Koontz commence généralement ses romans par une telle perturbation. Voici la première ligne de Une porte sur l’hiver : Dès qu’elle eut fini de s’habiller, Laura se rendit à la porte d’entrée, juste à temps pour voir une voiture de la police de L.A. se garer sur le trottoir devant sa maison.
C’est une perturbation, quelque chose de petit pour commencer, mais néanmoins, il y a une perturbation. Une voiture de la police qui se gare devant chez vous n’est effectivement par quelque chose d’habituel.
Le moindre incident peut venir rompre cette habitude. D’un point de vue structurel, la rupture initiale suscite l’intérêt du lecteur. Il s’agit d’une promesse implicite d’une histoire probablement intéressante à venir. Mais elle n’est pas encore l’intrigue principale car il n’y a pas encore de confrontation établie.
Le personnage principal et son adversaire ne sont pas encore engagés dans une bataille inévitable. D’ailleurs, à ce moment de l’histoire, il est tout à fait possible que cet antagonisme ne soit pas encore déclaré.
Dans Le Parrain, par exemple, Michael n’est vraiment concerné par le mode de vie de sa famille qu’après la tentative d’assassinat contre le Don. Après quelques hésitations, cet engagement constitue une première étape, un seuil est franchi et un point de non retour est atteint.
L’hésitation du héros
Il y a souvent des réticences à prendre ainsi la mesure de son existence. Ce n’est jamais évident de se donner des réponses quant au sens de sa propre existence, de sa place parmi les autres et dans le monde.
L’habitude sclérosante est rassurante et la fausse assurance du confort du conformisme dissipent souvent l’esprit critique qui devrait pourtant nous aider à comprendre qui nous sommes. Un personnage de fiction ne se lance pas ainsi si facilement dans l’intrigue. Il refuse d’abord dans un premier geste l’appel à l’aventure.
Les nœuds dramatiques qui articulent l’intrigue sont autant de points de non retours, confie James Scott Bell. Selon Bell, ils seraient plus faciles à écrire si l’on pense à eux comme des moyens de transition d’un état à un autre.
Un peu comme si l’on passait d’un sentiment de joie à un sentiment de peine puis plus loin dans l’intrigue, d’un sentiment de peine à un sentiment de doute. Le sentiment précédent est définitivement passé, quoiqu’on fasse, il n’existe déjà plus. On ne peut revenir sur ses pas. Cela ne signifie pas pour autant que le progrès est la seule voie possible. Vivre le présent, en connaître et en assumer toutes les expériences, se constituer un vécu au quotidien, c’est prendre conscience qu’il nous faut nous dépasser.
Et c’est bien à un dépassement que l’on convie le personnage principal par ses pérégrinations et tribulations au cours de l’intrigue. C’est cette impression que nous voudrions faire partager à notre lecteur ou à notre lectrice.
Et Bell confirme que s’il ne se passe rien qui incite le personnage principal à se lancer dans l’intrigue, dit autrement, s’il n’y a aucune raison à légitimer une intrigue, votre personnage sera tout à fait satisfait de sa situation actuelle. Donc James Scott Bell dit comme d’autres qu’il faut trouver le moyen de lancer son personnage dans la confrontation.
L’intrigue est une confrontation
Le premier passage est une scène qui énonce clairement la situation conflictuelle à venir. Par exemple, le personnage principal reçoit une information (dans le même coup, on informe le lecteur). Maintenant qu’il possède cette connaissance, il est nécessairement enveloppé par le conflit.
En quoi consiste ce conflit ? C’est un désaccord avec le monde extérieur. On présente souvent ce monde comme quelque chose d’inconnu. Les plus poétiques parlent d’une sombre forêt, c’est-à-dire que la nature de la confrontation relève de l’opposition entre soi, nous en tant que sujet, et l’autre qui s’incarne dans le monde extérieur dont l’opacité semble impénétrable.
Après avoir écrit ce premier passage, James Scott Bell conseille de s’interroger pour savoir si le personnage principal a encore le choix de faire marche arrière. S’il le peut, c’est qu’il n’a pas encore franchi le seuil, il n’est pas encore entré dans l’intrigue.
Il n’a pas encore fait les choix qui feront certainement de sa vie actuelle un enfer. D’ailleurs, l’incident déclencheur n’a de déclencheur que le fait qu’il pose une interrogation. Syd Field le remarquait déjà en son temps. La prise de décision est un mouvement en deux temps. Ce n’est qu’après le second temps que les débats commencent. Tant que le personnage principal et son antagonisme s’ignorent, il ne peut y avoir de situation conflictuelle.
Puis l’histoire progresse vers un second seuil. Pour passer de l’intrigue au dénouement – un second seuil de non-retour, dit James Scott Bell – il faut que quelque chose se produise qui mette en place la confrontation finale. Généralement, c’est un indice ou une information importante, ou un énorme revers ou une crise, qui fait avancer l’action vers une conclusion.
James Scott Bell ne laisse de rappeler que la structure est elle-même une convention que l’on peut bien vouloir défier. Bell prévient cependant que la structure est un instrument qui facilite l’intelligibilité de l’écriture qui peut être par ailleurs très compliquée. La structure facilite la lecture de l’œuvre.
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