Le thème de votre histoire est la question humaine sous-jacente et universelle [du moins cette question parle au plus grand nombre] dont votre récit parle. Alors que le récit serait en quelque sorte le dire de votre histoire (votre récit se raconte à travers votre histoire), le thème en serait l’essence.
L’acte de raconter serait la forme, la manifestation de ce que vous cherchez à dire par la formulation d’un contenu, le thème en serait alors le fond. Votre personnage principal, les enjeux, les risques et les obstacles nous donnent des raisons de nous intéresser à la tournure que prend l’histoire. Le thème explique le pourquoi et surtout le comment de ces raisons.
Avoir un thème n’est pas essentiel pour faire un bon ou même un grand film, dit Alex Epstein. Mais si vous voulez que votre film ait un effet durable sur les lecteurs/spectateurs – si vous voulez qu’il soit plus qu’un simple divertissement – alors il vous faut un thème.
A la recherche du thème
Par exemple, Blade Runner est une histoire sur un flic chargé d’éliminer une bande d’êtres artificiels qui, pour leur part, tentent d’échapper au déterminisme mis en place au moment de leur création.
Ces êtres fabriqués ont, d’une certaine manière, une bien meilleure appréciation de la vie que lui.
Le thème pourrait être Que signifie être humain ? (Dans le director’s cut, nous avons même un indice que le flic lui-même est artificiel). Ce récit provoque en nous non seulement une montée d’adrénaline mais nous en revenons aussi avec quelques idées intéressantes à discuter.
Un récit n’a pas besoin d’affirmer quelque chose pour avoir un thème. Un récit peut avoir un personnage principal avec une morale et un personnage secondaire avec une morale totalement opposée. Il peut aussi poser une certaine idée et vouloir délibérément s’en écarter sans pour autant la dénigrer. Un récit n’est plus un récit lorsqu’il se perd dans la propagande.
Orange Mécanique dit apparemment que le libre-arbitre est une bonne chose, mais cette histoire montre aussi son personnage principal abusant si violemment de son libre-arbitre que l’on se demande si ce libre arbitre est une si bonne chose après tout.
Ce qui donne un thème à une représentation, c’est que les scènes qu’elle contient touchent d’une certaine manière à la question que le thème soulève. Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question, suggère Alex Epstein.
Quelques exemples de thèmes
Alex Epstein nous propose quelques interprétations de thèmes possibles :
- Les dents de la mer
La nature est quelque chose de toujours plus grand que l’humain. - Le sixième sens
La culpabilité mène à la rédemption. - Chinatown
La morale ne suffit pas pour vaincre la corruption. - Monsieur Smith au sénat
La morale est suffisante pour vaincre la corruption. - Braveheart
Et la liberté vaut que l’on meure pour elle. - Les temps modernes
Le progrès peut détruire la vie des gens. - Traffic
Les lois sur les drogues sont plus néfastes que les drogues elles-mêmes. - Le parrain
La famille est ce qu’il y a de plus important. - Star Wars
La foi peut détruire des empires. - Annie Hall
Les relations amoureuses sont douloureuses, mais nous ne saurions nous en passer. - Memento
La mémoire est comme une lutte pour la réalité. - Orange Mécanique
Le libre-arbitre mène au péché. - Les copains d’abord (The Big Chill)
La vie mène à la perte des idéaux. - Douze hommes en colère
La vérité est plus importante que la colère. - Rashomon (Akira Kurosawa)
La vérité est relative.
Notez que le thème se formule comme un aphorisme. Il présente une vérité qui durera le temps d’un récit. Notez aussi la différence subtile qui existe entre le thème et la prémisse. La prémisse est une mise en situation du thème avec un contexte et des personnages (surtout des personnages d’ailleurs).
Scènes et thèmes
Alex Epstein ajoute que si vous travaillez sur un thème, essayez de faire en sorte que chaque scène dise une vérité sur ce thème. Tous les personnages fondamentaux, leurs objectifs et leurs défauts, doivent d’une manière ou d’une autre refléter le thème.
Si votre thème est la rédemption, alors certains personnages commencent par être déchus et sont rachetés, d’autres sont déchus et ne sont jamais rachetés, et d’autres encore sont déjà rachetés au début de l’histoire. Votre thème se révèle dans leur conflit les uns avec les autres. La prémisse sera alors un aperçu du conflit principal et donc indirectement du thème qui se contente d’énoncer une vérité sans la situer de manière conflictuelle.
Les thèmes fonctionnent mieux lorsqu’ils sous-tendent l’histoire. Ils se dissipent lorsqu’ils remontent à la surface, prévient Alex Epstein. Si vous voulez dire quelque chose, choisissez une histoire qui permet de vous faire comprendre, de faire prévaloir votre point de vue, en étant simplement l’histoire qu’elle est.
Par exemple, si vous voulez dire que la cupidité est mauvaise, racontez une histoire dans laquelle la cupidité détruit la vie des gens. Vous pouvez raconter une histoire de ruée vers l’or, ou l’histoire d’un jeune cadre dynamique qui détruit son mariage tout en gagnant son premier million. Si vous voulez dire que la cupidité est une bonne chose, racontez l’histoire d’un homme pauvre qui invente une idée brillante et devient riche.
C’est l’histoire elle-même qui dira son thème. Il est inutile que les personnages précisent quoi que ce soit au lecteur. Dans Fatal Attraction, on sent bien que Gallagher aura des problèmes parce qu’il trompe sa femme.
Il n’est pas nécessaire que les personnages appuient la thématique du récit en disant à voix haute que l‘infidélité est le mal.
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