JOSEPH CAMPBELL ET LES RITUELS PERDUS

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Auteur et autrice ont un rôle important dans nos sociétés actuelles dites modernes. En particulier, concernant la problématique des rituels perdus, regrette Joseph Campbell. Cela crée des barbares parce que la société ne fournit plus de rituels qui autorisent à en devenir membres.

Permettez-moi un détour qui n’est pas digressif mais utile pour comprendre ensuite la pensée de Joseph Campbell.

Le chant de la vie

Pour qu’il y ait une expérience profonde et une compréhension des Évangiles, ils doivent faire partie de notre expérience, de notre compréhension et de notre mode de vie.

Alors la théologie chrétienne doit faire partie de notre monde autant que notre monde devrait faire partie de celui de l’Église, affirme l’auteur Malcolm Naea Chun lors de son essai Ritual and inculturation: Reclaiming Native Tradition in Christian Liturgy.

Mais il suffit de regarder dans un recueil de cantiques ou dans le Livre de la prière commune, ou dans toute autre forme de pratique chrétienne de la vie, et la majorité de ce que nous savons sur la vie des peuples autochtones ne s’y trouve pas.

La Bible a été la première publication littéraire a apporté un héritage distinctif dans le langage entre les mots et usages communs et quotidiens et ceux des occasions sacrées, des prières ou d’autres usages religieux.
Si ce discours sacré ne se perpétue pas dans notre vie quotidienne, nous risquons de perdre une grande partie du sens du caractère sacré des rituels et des cérémonies qui sont si essentiels à notre cycle de vie, car nous ne saurons plus comment apprécier la totalité de notre langage amputé du sacré.

C’est pourquoi Joseph Campbell a commenté qu’ils ont traduit la messe hors du langage rituel et dans une langue qui a beaucoup d’associations domestiques, c’est-à-dire essentiellement ancré dans l’habituel. Le latin de la messe est une langue qui vous jette hors du champ de la domesticité. Si ce n’est pas dans l’Église, où cette partie de nos traditions sera-t-elle maintenue en vie ?

Dans un monde moderne, les autochtones ont peu de possibilités d’utiliser leur propre langue dans leur propre pays. Au moins, un service dans cette langue originaire offrirait un refuge et la possibilité que le langage s’épanouisse à nouveau.

Si l’autel est placé de telle sorte que l’officiant vous soit de dos, c’est pour qu’avec lui, vous communiez vers l’extérieur. Un rituel n’est pas comme un chef vous faisant la démonstration d’un plat dans une émission de télévision.
La fonction du rituel est de nous emporter hors de soi et non de nous ramener là où nous sommes dans notre quotidien. Ainsi, le rituel qui transmettait autrefois une réalité intérieure et profonde n’est plus qu’une forme, et c’est vrai dans les rituels sociétaux actuels, et dans les rituels personnels comme le mariage.

Les premiers auteurs

En ce qui concerne le rituel, il doit être maintenu en vie. Et une grande partie de nos rituels est morte. C’est extrêmement intéressant de lire les cultures primitives, élémentaires, comment les contes, les mythes, se transforment tout le temps, en termes de circonstances de la période où ils sont apparus. Il est évident qu’il faut tenir compte des conditions historiques liées à l’apparition des mythes et des légendes.

L’homme quitta une région où la végétation naturelle était le premier support pour aller dans les plaines, de cueilleur, l’homme devint cueilleur et chasseur. La plupart des Indiens des plaines du continent américain étaient à l’origine de la culture du Mississippi, le long du Mississippi, dans des villes et des villages basés sur l’agriculture.
Et puis ils ont reçu des chevaux des Espagnols, et cela permit alors de s’aventurer dans les plaines et de pratiquer de grandes chasses de bisons. Et la mythologie se transforma du monde végétal au monde animal. Nous pouvons encore apercevoir la structure des premières mythologies fondées sur le monde végétal dans les mythes et légendes des Indiens Dakota, des Indiens Pawnee et des Kiowa par exemple.

Les premiers auteurs de mythes répondaient à leur environnement. Nous avons une tradition qui remonte au premier millénaire avant J.-C., ailleurs.

Et nous y faisons face. Elle n,’a pas changé en s’assimilant dans notre culture, en s’adaptant aux choses devenues possibles et aux nouvelles visions de l’univers. Et pourtant, elle devrait être maintenue en vie, selon Joseph Campbell. Et les seules personnes qui peuvent la maintenir en vie sont les artistes d’un genre ou d’un autre.

Ces artistes sont le poète, le musicien, le peintre, le sculpteur, l’auteur… dont la fonction serait de mythologiser l’environnement et le monde, de rendre, sous la forme mythologique, les sentiments, les aspirations humaines, les questions métaphysiques d’une époque pour peut-être les rendre éternels et universels.

Joseph Cambell pense à James Joyce comme un révélateur des mystères du devenir d’un être humain. James Joyce et Thomas Mann étaient ses principaux gourous, de l’aveu même de Campbell, alors qu’il essayait de façonner sa propre vie.
Dans les arts visuels, il y avait deux hommes dont le travail lui semblait traiter les thèmes mythologiques de manière merveilleuse, et l’un était Paul Klee, et l’autre Picasso. Ces deux hommes savaient vraiment ce qu’ils faisaient jusqu’au bout et leurs révélations étaient assez universelles, constate Joseph Campbell.

Nos artistes sont des faiseurs de mythes qui prolongent les faiseurs de mythes des premiers temps, ceux de l’art pariétal. Pour le romantisme allemand des années 1840, la poésie des cultures traditionnelles et les idées viennent du peuple. Ce n’est pas le cas, affirme Campbell ; elles sont issues d’une expérience d’élite, celle de personnes, particulièrement douées, dont les oreilles sont ouvertes au chant de l’univers.

Joseph Campbell rejoint en cela le Zarathoustra de Nietzsche qui se tourna vers ceux spirituellement supérieurs pour faire entendre son enseignement après avoir tenté vainement d’instruire tous les hommes. Il apparaît que, pour Campbell, les faiseurs de mythes sont précisément ceux qu’il désigne par une expérience d’élite et dont la sensibilité ou peut-être quelque chose qui les dépasse en font des créateurs qui s’adressent au plus grand nombre.
Et ils parlent au peuple et il y a une réponse du peuple qui est ensuite reçue. Il y a une interaction, mais la première impulsion vient d’en haut, et non d’en bas, dans la formation des traditions populaires.

Les shamans, les poètes d’hier

Le chaman, intercesseur entre les humains et les esprits de la nature, est l’individu qui, à la fin de son enfance, au début de sa jeunesse, homme ou femme, a vécu une expérience psychologique bouleversante qui la fait totalement se replier sur soi.

Ainsi, tout son inconscient s’est ouvert et il s’est laissé dévoré par cet abîme. Et cela a été décrit à maintes reprises et un peu partout dans le monde. C’est une sorte de rupture schizophrénique, l’expérience du chaman, dit Campbell. Mourir et ressusciter, être au bord de la mort et revenir, vivre réellement l’expérience de la mort. L’expérience chamanique consiste en des rêves très profonds. Le rêve est une grande source de l’esprit et puis il y a ceux qui dans les forêts (symboles de communication entre des mondes radicalement différents comme Jung considère par exemple l’inconscient) ont eu des rencontres mystiques.

Le chaman est bien plus qu’un simple magicien, il joue le rôle que la prêtrise joue dans notre société. Il y a cependant une grande différence, pense Joseph Campbell, entre un chaman et un prêtre. Un prêtre est une sorte de fonctionnaire social. La société vénère certaines divinités d’une certaine manière, et le prêtre est ordonné comme fonctionnaire pour accomplir ce rituel. Et la divinité à laquelle il est dévoué est une divinité qui était là avant son arrivée.

Les pouvoirs du chaman sont symbolisés par des familiers, des divinités de sa propre expérience personnelle, et son autorité découle d’une expérience psychologique, et non d’une ordination sociale.
Et celui qui a vécu cette expérience psychologique, cette expérience traumatisante, cette extase, devient l’interprète pour les autres de ce qui échappe à nos sens. Il devient l’interprète de l’héritage de la vie mythologique.

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