On entend souvent que l’intrigue, du moins l’essence de l’intrigue, ce qui en fait l’aspect le plus dramatique, est le conflit.
Alexandra Sokoloff est plus précise en disant que le drame est la continuelle confrontation entre une stratégie mise en place par le héros ou l’héroïne et une stratégie ou plusieurs d’ailleurs suivies par une force antagoniste quelconque.
Notons immédiatement que les plans du personnage principal ne sont pas nécessairement contradictoires de ceux du méchant de l’histoire. Il peut être de l’intérêt du protagoniste ou de l’intérêt de la communauté d’empêcher l’antagoniste d’aboutir à quelque chose sans pour autant que ce que veulent le protagoniste ou la communauté (à laquelle le héros ou l’héroïne appartiennent) soit l’exacte opposé de ce que veut l’antagoniste.
Le fondement de l’intrigue
Dans le premier acte d’une histoire, le personnage principal est présenté, et ce personnage a ou développe rapidement un désir (un objectif). Il peut avoir un problème à résoudre, ou quelqu’un ou quelque chose qu’il veut vraiment, pour lequel il ne fera aucune concession et probablement enclin (même si l’intention ne lui est pas encore venue) à faire un sacrifice.
En somme, l’auteur et l’autrice jettent leur personnage principal dans une mauvaise situation dont il doit se sortir rapidement s’il ne veut pas succomber, quelle que soit la chute souvent symbolique.
Sa réaction à ce problème ou à cette situation est de formuler une stratégie, même si ce plan est vague ou même complètement inconscient. Mais quelque part, il y a un plan, affirme Alexandra Sokoloff, et il est généralement plus facile de raconter une histoire si vous demandez au héros ou à l’héroïne ou à quelqu’un d’autre (peut-être vous, l’auteur) d’énoncer clairement ce plan, afin que le lecteur sache exactement ce qu’il attend.
Et le plan du protagoniste (et le plan correspondant de l’antagoniste) dirige en fait toute l’action du deuxième acte, c’est-à-dire de l’intrigue. L’énoncé du plan nous dit quelle sera l’action au cœur de l’intrigue. Il est donc essentiel de mettre en place le plan à la fin du premier acte, ou au tout début du second, au plus tard, insiste Sokoloff.
Alexandra Sokoloff prend l’exemple de 2012 écrit par Harald Kloser et Roland Emmerich.
Dans 2012, même dans ce tour de montagnes russes d’effets spéciaux et de sensations, il y avait un plan central clair auquel le spectateur devait se raccrocher, un plan qui donnait sa moelle à l’intrigue, qui la propulsait en quelque sorte. Sans ce plan, 2012 n’aurait été rien d’autre qu’un chaos d’effets spéciaux.
il y a un moment dans le premier acte où un animateur de radio pirate s’extasie devant le héros Jackson Curtis à propos d’une carte qui montre l’emplacement de prétendus vaisseaux spatiaux que le gouvernement prépare pour abandonner la planète lorsque la fin prophétisée du monde commencera.
Bien que Jackson n’y croie pas à ce moment-là, c’est pourtant le plan (en quelque sorte camouflée par le fait que Charlie Frost l’animateur est un cinglé [pour ceux que cela intéresse, un petit rappel que le terme frost signifie le gel, le givre]), qui donne au lecteur/spectateur une idée de ce que sera la stratégie : Jackson devra retourner chercher la carte au milieu de tout le cataclysme, puis, d’une manière ou d’une autre, emmener sa famille dans ces vaisseaux spatiaux que Frost dénonçait à sa manière afin que tous survivent à la fin du monde.
L’urgence de l’intrigue
Le plan est réitéré, dans les dialogues, lorsque Jackson retourne auprès de sa famille et dit à son ex-femme en gros exactement la même chose : nous allons retourner chez ce fou pour récupérer la carte afin de pouvoir atteindre ces vaisseaux spatiaux et quitter la planète avant qu’elle ne s’effondre.
Et c »est exactement ce qu’il se passe ; ce n’est pas seulement la stratégie de Jackson mais l’action centrale de l’intrigue, qui peut se résumer à une question dramatique centrale : Jackson pourra-t-il amener sa famille aux vaisseaux spatiaux avant la fin du monde ?
En d’autres termes, l’action (ou la mission) est que Jackson doit emmener sa famille jusqu’aux vaisseaux avant la fin du monde.
Notez aussi le compte à rebours de l’horloge. Car comme si la fin du monde ne suffisait pas, le film commence aussi un vingt-neuf minutes avant la fin du monde qu’égrène l’ordinateur de bord à 29 minutes avant la fin du film.
Et tout cela se passe à la fin de l’acte Un. Pour Alexandra Sokollof, il est essentiel d’avoir exposé la question dramatique centrale (à savoir le protagoniste parviendra t-il à ses fins avant le dénouement) et l’action de l’intrigue à la fin de l’acte Un.
Mais aussi à ce stade – ou peut-être juste après le climax de l’acte Un, au tout début de l’acte Deux – le lecteur/spectateur devrait savoir quel est ce plan. La stratégie et l’action sont intégralement liées dans le déploiement de l’intrigue.
Dans 2012, même au milieu de tous les immeubles qui s’effondrent, des crevasses qui s’ouvrent, des incendies et des avions qui s’écrasent, nous commençons à percevoir ce qu’il se passe :
- Que veut le protagoniste ? Quel est son désir extérieur ? : Sauver sa famille.
- Comment va-t-il s’y prendre ? Quelle stratégie met-il en place ? : Récupérer la carte et emmener sa famille dans les vaisseaux spatiaux secrets (qui ne sont pas vraiment des vaisseaux spatiaux).
- Qu’est-ce qui l’en empêche ? Quelles seront les forces d’opposition à cette stratégie ? : Outre les catastrophes naturelles, un homme politique corrompu, un mafieux russe qui accompagne Jackson, et qui parfois est un allié et parfois joue contre lui.
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