La seule façon d’aborder réellement le problème d’un scénario, quel qu’il soit, est de le considérer comme une réécriture, écrivait Syd Field. Écrire, c’est réécrire, c’est le vieil adage, et c’est vrai. Vous n’aimerez peut-être pas le processus de réécriture, mais c’est un mouvement, et cela signifie qu’il change continuellement.
Réécrire, c’est se dépasser.
L’écriture de scénario est un processus, et il est plus vaste que vous, prévient Syd Field.
Un scénario est une chose vivante, tout comme l’est une relation (pensez par exemple qu’un relation humaine est ce qui garantit notre humanité. Détruire la relation, c’est se déshumaniser), et elle change et grandit de jour en jour. C’est une chose vivante qui naît et qui meurt.
Lorsque vous êtes prêt à faire face à ce que vous ressentez comme ne fonctionnant pas dans votre scénario, la première chose suggérée par Syd Field est de se créer une vue d’ensemble.
Redéfinissez et clarifiez votre « point de vue » sur le sujet de votre récit. Soyez objectifs sur votre travail et ne vous encombrez pas de vos commentaires subjectifs. Prenez de la distance. Posez votre scénario devant vous comme un objet et observez-le.
Voir le matériel comme un tout
Vous venez d’écrire les 90 ou 120 pages de votre scénario. Maintenant, relisez-le (sans faire la moindre modification même si l’envie vous en prend très fort).
En lisant le scénario, vous ressentirez une certaine émotion. La lecture est d’abord une affaire de sensibilité.
Syd Field en est persuadé : vous lirez une scène et vous vous demanderez comment quelqu’un a pu écrire ces bêtises, ou vous penserez que c’est la pire chose que vous ayez jamais lue, ou vous verrez les incidents et les événements de l’histoire comme si étranges que personne ne les croirait. Vous vous sentirez totalement déprimé ; mais continuez à lire. Il s’agit d’une autocritique en somme.
Puis vous lirez une scène et vous penserez qu’elle n’est pas trop mauvaise, et puis il y a cette scène qui fonctionne vraiment bien. Certaines scènes vous sembleront soudain beaucoup trop longues et trop bavardes, mais vous savez qu’elles peuvent être coupées et rognées.
En lisant votre propre matériel, vous passerez par toute une gamme d’émotions. Prenez-en conscience. Elles sont le moyen par lesquels vous améliorerez votre écriture.
Lorsque vous aurez terminé votre lecture, prenez le temps de réfléchir au scénario ; appréciez l’histoire, les personnages et l’action. Lorsque vous commencez à naviguer dans la progression de votre histoire du début à la fin, vous vous placez dans une position d’ensemble pour voir les relations entre les parties et le tout, les relations qui existent entre l’acte Un, l’acte Deux et l’acte Trois si telle est votre configuration.
Ce sera confus car on ne peut pas tout à fait distinguer où commencent et où les choses finissent (la fin d’un acte et le début d’un autre partagent le même moment du récit) mais vous aurez en quelque sorte l’intuition des grandes articulations de votre récit.
Pensez à ce que vous avez lu. Pour Syd Field, cette réflexion volontaire sur votre travail consiste à se poser quelques questions. Ce n’est pas un brainstorming à la recherche d’idées. Plutôt une critique personnelle sur votre écriture.
Votre histoire est-elle correctement mise en place ? C’est ce qu’on nomme habituellement l’exposition. Qu’en est-il des relations entre les personnages ? Les relations sont ce qu’il y a de fascinant autant dans la fiction que dans la vraie vie.
Vos personnages sont-ils crédibles ? Les personnages parlent-ils trop, expliquent-ils trop ?
Qu’en est-il des conflits et des obstacles de l’acte II ? Et votre dénouement ? Est-il vraiment ce que vous aviez l’intention de faire passer à votre lecteur ?
Quels changements à faire dans le scénario ?
Pour tenter d’améliorer son scénario, on doit s’interroger, insiste Syd Field. Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce scénario ? Quelle était l’idée qui vous a attiré vers lui ?
Est-ce un personnage ou est-ce la situation dans laquelle se trouvait le personnage ? Pensez-y. Si vous reveniez à ce moment où vous avez ressenti le premier tiraillement créatif, qu’est-ce qui vous a tant excité au point de vouloir écrire ?
Comprenez-bien que cette image, cette trace, ce signe ou cette marque qui s’est invitée dans votre esprit appartient à un passé. Peut-être le vôtre ou peut-être pas. Peut-être est-elle incommunicable et pourtant, vous voulez mettre en intrigue cet autrefois dans un maintenant narratif.
Répondez à vos interrogations par fragments, sans ordre logique, dans une association libre d’images.
Une seconde question importante est de se demander ce que vous voulez écrire. Syd Field circonscrit cette problématique au genre.
L’approche devrait être plus englobante. Pensez au message que vous souhaitez faire passer. Le lecteur/spectateur reçoit ce message d’abord avec sa sensibilité puisqu’il est là pour se divertir. Mais entre l’idée de départ et le message à communiquer, il y a un écart. L’idée est l’image du passé, le message est l’image du présent. Plongez dans votre récit, comme l’écrit Syd Field, et voyez comment votre histoire se rapporte à votre idée de départ.
Et maintenant, la question cruciale : Que devez-vous changer pour vous assurer que ce que vous avez écrit correspond à ce que vous vouliez écrire ? Votre intention se reflète-t-elle dans votre récit ?
Vous constaterez peut-être que vous devez renforcer plusieurs scènes de l’acte Un, peut-être ajouter quatre ou cinq nouvelles scènes, en supprimer quelques-unes, mettre en place et établir le principe dramatique (autrement appelé la prémisse) un peu plus tôt.
Que devez-vous faire pour transformer le matériel actuel en ce que vous voulez qu’il soit ? demande Syd Field. Vous devrez peut-être vous concentrer sur votre personnage et peut-être créer une intrigue secondaire pour soulager l’intrigue principale.
Certes, Syd Field reconnaît qu’il est possible que ce que vous avez déjà écrit est bien. Mais il insiste pour que vous repreniez votre acte Un ainsi que la première moitié de l’acte Deux (Pour Field, l’acte Deux se compose de deux parties avec un point médian au centre), et mettre en place votre histoire avec le maximum de valeur dramatique. C’est-à-dire la concevoir pour le théâtre, pour la représentation qu’elle soit théâtrale, cinématographique, dans la rue…
Voyez ce que dit Alvin Sargent qui a adapté Ordinary People de Judith Guest et dont Robert Redford a réalisé Des gens comme les autres.
Éteignez les lumières et fermez les yeux. Écrivez ce que vos doigts veulent dire. Soyez libre, aussi libre que vous pouvez l’être. Ne pas avoir de sens [être enivré de liberté], c’est trouver du sens. Le sens apparaîtra toujours.
Faites-lui confiance pour arriver. C’est le noyau du non-sens. Ce n’est pas à propos de rien mais de tout. Ce qui aveuglait se dissipe et la vérité apparaît. Et puis, quand les lumières se rallument, vous passerez la vérité comme au-travers d’un tamis. La boue aura disparu et vous trouverez au moins une ou deux pépites. Fermez les yeux. Puis écrivez…
A la recherche du problème
Dans l’acte Un ? Si c’est le cas, alors abordez l’Acte Un comme une unité d’action dramatique indépendante et séparée, une partie de l’ensemble. C’est l’exposition ou set-up.
Syd Field le décrit ainsi :
- Dans les 10 premières pages, vous introduisez le personnage principal, vous établissez la prémisse, c’est-à-dire de quoi parle l’histoire, ainsi que la situation dramatique, c’est-à-dire les circonstances qui justifient l’action.
- Dans les 10 pages suivantes, vous vous concentrez sur votre personnage principal et vous parvenez à ce que Syd Field nomme le Plot Point 1 que l’on peut comprendre comme un nœud dramatique qui est un même moment signifiant à la fois la fin de l’acte Un et le début de l’acte Deux, c’est-à-dire de l’intrigue.
Le contexte de l’acte Un est la mise en place. Comment agencer le récit autour d’un personnage et de son action ? C’est l’action qui prédomine ? Ou bien tout passe par votre personnage ?
Si vous croyez avoir trouvé le problème dans les dix premières pages, vous devrez peut-être repenser et redessiner cette première unité (une unité qui perd son statut d’unité dès qu’elle s’intègre dans le tout qui devient alors l’unité) de dix pages d’action dramatique, conseille Syd Field.
C’est lors de cette mise en place [et qui n’est pas encore l’intrigue] que vous présentez votre personnage principal, que vous énoncez la prémisse dramatique et que vous établissez la situation dramatique, les circonstances entourant l’action.
L’action est-elle assez forte et le personnage se révèle-t-il aux regards dans le sens que vous espériez ? Comment ? Par une action ou un dialogue ?
Dans Danse avec les loups, Michael Blake montre John Dunbar allongé sur une table, prêt à se faire amputer la jambe. Mais Dunbar, montrant un énorme sentiment de force et de courage, parvient à composer avec la douleur intense et à remettre sa botte.
Cette simple action, avec un minimum de dialogue, nous montre les qualités mêmes de son personnage (force et détermination) qui guident le voyage de découverte de Dunbar et conduisent en fin de compte à sa transformation.
Nous voyons son caractère à travers son comportement. Et c’est d’autant plus nécessaire lorsqu’il s’agit d’un scénario dans lequel tout est image.
Et c’est une image globale. Tout est lié dans un récit. Que votre histoire parle d’une personne prise dans un réseau de circonstances extraordinaires, ou que vous mettiez en scène une lutte intérieure, votre personnage sera engagé dans un voyage émotionnel qui aboutira à une sorte de changement dans sa pensée ou son comportement.
Il se peut que vous ayez le sentiment que votre personnage ait besoin d’être mieux compris par votre lecteur/spectateur, alors vous trouverez peut-être essentiel de revenir sur son passé pour définir et redéfinir ses relations. Parce que non seulement la relation à l’autre est ce qui définit notre humanité (la déshumanisation commence avec la déliquescence de nos relations) mais peut-être aussi parce que le passé n’éclaire pas le présent et réciproquement, mais que le présent est à la fois autrefois et maintenant confondus.
Les 10 pages qui suivent l’introduction
Si votre problème se situe dans les dix pages suivantes, et que pourtant vous vous concentriez sur votre personnage principal, ces pages montrent-elles ses relations d’une manière qui fait avancer l’histoire vers le point d’articulation qui constitue la mise en intrigue de votre récit ?
Selon Syd Field, le problème vient probablement des relations. Tentez de mieux connaître chacun de vos personnages et mettez en place de plus fortes relations entre eux. Cherchez à mieux les connaître, grattez pour découvrir ce qu’il se cache sous la surface.
Peut-être avez-vous voulu créer deux lignes d’action en intercalant un nouveau personnage avec le personnage principal. Lorsque deux lignes d’action dramatique opèrent simultanément, cela peut affaiblir le mouvement de l’histoire.
Votre récit est un processus. Il vous suffit de suivre le personnage.
Si vous estimez que l’action est trop faible pour cette première unité d’action dramatique, alors vous devrez peut-être supprimer l’autre personnage et concentrer l’action sur le personnage principal. Votre histoire se déplace toujours vers sa mise en intrigue (c’est-à-dire le premier nœud dramatique selon Field) donc tout ce qui ne fait pas avancer l’action doit être coupé ou réécrit.
Lorsque vous écrivez un scénario, vous devez être impitoyable, surtout lorsque vous êtes en train de résoudre un problème, même si vous avez l’impression de couper les meilleures choses que vous avez écrites, nous prévient Syd Field.
Qu’il s’agisse d’une séquence d’action, d’une décision ou même d’un changement de lieu, le Plot Point I est le véritable début de votre histoire.
C’est pourquoi vous devez prendre autant de temps et être si prudent dans l’écriture de l’Acte Un. Vous devez être totalement clair sur les personnages et la trame de l’histoire et l’exécuter correctement, afin de pouvoir passer à la première moitié de l’Acte Deux qui existe déjà depuis la toute première scène.
Le plus important dans l’Acte Un est de s’assurer que suffisamment d’informations visuelles et émotionnelles sont données. Si vous devez procéder à une réécriture majeure pour résoudre un problème particulier de l’acte Un, alors repensez complètement cette unité d’action dramatique. Voilà qui est dit, Sir !
La connaissance se donne. Les informations que nous souhaitons pertinentes pour vous aider à finir vos projets d’écriture et en commencer d’autres, nous vous les donnons. C’est une initiative de partage de connaissances. Alors ne restez pas indifférents. Participez. Commentaires, forums, dons… 100 % de vos dons vont au fonctionnement de Scenar Mag. Rien d’autre sauf peut-être de sortir de cette cacophonie mercantile. Merci de nous soutenir.